Nous présentons nos condoléances aux personnes qui ont perdu des êtres chers, et sommes solidaires de ceux et celles qui sont affligé-es de cette maladie ou par la charge des soins de leurs malades, ou qui vivent difficilement le confinement et les aléas de la pandémie. Celle-ci revenant principalement aux femmes, insuffisamment reconnues et pourtant aux premières lignes (i). En raison de la discrimination systémique dans le système capitaliste et certaines traditions culturelles patriarcales, les africaines du continent et les femmes de descendance africaine continuent d’assumer la charge du soin des enfants et des ainés. Ces femmes africaines sont confrontées à un plus haut taux de violence sexiste et à l’insécurité économique. Elles sont représentées de façon disproportionnée dans le secteur informel avec des emplois sous-payés et précaires, sans assurance sociale, ou de congé de maladie. Si elles tombent malades ou sont recluses en quarantaine ou contraintes de s’occuper d’un proche malade, ces africaines seront de façon démesurée d’avantage victimes de l’impact économique du Covid-19. Cela pourrait avoir un effet dévastateur sur cette frange, la plus importante de la population africaine, qui continue d’endurer des expériences de marginalisation, de violence et d’oppression.
Nous avons une grande reconnaissance et une pensée solidaire pour les travailleuses et travailleurs de la santé exposé-es quotidiennement qui payent le plus lourd prix de cette pandémie, mais aussi tous les travailleuses et travailleurs du monde, de l’Afrique et ses afrodescendant-es qui continuent de produire et ravitailler la société.
Singulièrement, sur quasiment les quatre siècles, il y a eu la peste de 1720, le choléra de 1820, la grippe ‘espagnole’ de 1918-1919 et le coronavirus de 2019-2020. On note aussi que les pandémies se rapprochent en intensité et fréquence, H3N2 autour de 1968, HIV-SIDA 1981, Dengue 2000, SRAS 2003, H1N1 2009, Ébola 2013, MERS 2014, et SARS-CoV-2 mieux connu sous le nom de CODVID-19 en 2019. La nouvelle pandémie est vraisemblablement issue du contact entre l’homme et l’animal. L’essentiel des maladies humaines d’origine zoonotique, (le SRAS, H1N1, la fièvre jaune, la grippe aviaire H5N1 ou H7N9 et probablement le CODVID-19) relève d’incursion ou d’agression humaine sur le monde animal et non le contraire. Les virus qui ont existé depuis des millions d’années s’adaptent et mutent davantage qu’avant, d’autant que l’humain modifie irréversiblement les espaces environnementaux (ii). La transmission du Covid-19 entre humains est attestée au moins dès le mois de décembre 2019 dans la zone autour d’un marché de Huanan (sud de la Chine) et a infecté la ville de Wuhan (centre de la Chine) (iii) . Rien ne prédisposait encore à croire que cette épidémie se traduirait en pandémie (iv). La communauté scientifique était mal préparée devant la flambée. Il y aurait au 10 avril 2020 1 521 252 cas confirmés de COVID-19 dans le monde, incluant 92 798 décès selon l’OMS.
Le virus a un génome de type ARN. Son mode de réplication lui permet de créer de nouvelles souches, il mute et rend cette pandémie plus complexe. La maladie se propage rapidement, principalement, par des gouttelettes et par le contact physique. En quelques semaines, elle est sortie de l’espace chinois en profitant opportunément de la connectivité transnationale des réseaux de communication. La rapidité fulgurante de sa propagation a aussi été favorisée par sa sous-estimation, comme cela continue dans bien des pans de sociétés ; la propagation en l’absence de mesures d’hygiène minimale ; par le fait de porteurs asymptomatiques (v) , ou de porteurs aux symptômes peu uniformes et légers. La prise de médicaments calmant les symptômes a aussi dérouté les premières mesures d’intervention. L’impact du virus semble différent selon la fiabilité des statistiques, selon les pays ou en leur sein, en termes de taux de mortalité (les décédés par rapport à une population dans une période), de morbidité (nombre de personnes atteintes par la même maladie sur une population donnée), mais aussi de létalité (décès des personnes dans le bassin de ceux qui ont contracté le virus). Selon l’OMS, il faut éviter de se toucher les yeux, le nez et la bouche :
« Les symptômes les plus courants de la COVID-19 sont la fièvre, la fatigue et une toux sèche (vi) . Certains patients présentent des douleurs, une congestion nasale, un écoulement nasal, des maux de gorge ou une diarrhée. Ces symptômes sont généralement bénins et apparaissent de manière progressive. Certaines personnes, bien qu’infectées, ne présentent aucun symptôme et se sentent bien. La plupart (environ 80 %) des personnes guérissent sans avoir besoin de traitement particulier. Environ une personne sur six contractant la maladie présente des symptômes plus graves, notamment une dyspnée. Les personnes âgées et celles qui ont d’autres problèmes de santé (hypertension artérielle, problèmes cardiaques ou diabète) ont plus de risques de présenter des symptômes graves. » (vii)
En Chine, très vite, il s’est avéré qu’il fallait isoler les malades, traquer les températures suspectes, mettre des cordons sanitaires autour des lieux de soins, protéger le personnel soignant, stopper les sources d’infection des cas contacts par la quarantaine en dépit de l’absence de médicament spécifiquement avéré ou de vaccin. La prévention, (hygiène stricte à l’eau savonneuse, désinfection des zones suspectes, distanciation sociale physique, port du masque et de gants) le dépistage par test, et la préservation ou le renforcement du système immunitaire étaient la clé de la barrière à l’épidémie. À la fermeture des établissements d’enseignement, la restriction des déplacements et l’interdiction des rassemblements se sont ajoutés le confinement des personnes saines dans les foyers et les cordons sanitaires autour des lieux d’approvisionnement domestique. Il est trop tôt pour savoir qu’elle est la proportion de la population qui a été touchée et qui a développé une immunité. Le succès de ces mesures en Chine, au Japon, à Hong Kong et en Corée du Sud aurait dû servir de leçon au reste du monde, surtout aux pays disposant de moyens comme en Europe et en Amérique du Nord. Le Royaume-Uni, les États-Unis, les Pays-Bas ou la Suède, ont préféré une approche d’immunité collective, en protégeant quelques vulnérables et en laissant s’infecter la population au prix d’une grande mortalité possible. Ils sont de plus en plus contraints à un confinement progressif ou au port du masque, ont fermé les services non essentiels, les frontières, imposé le télétravail et renforcé les mesures de distanciation sociales).
La coopération scientifique inusitée au niveau mondial, ou profitant de plusieurs protocoles récents ou formulaires standardisées existants (viii) et les élans de solidarité manifestes de certains pays comme la Chine, la Russie, le Venezuela et surtout Cuba sont à saluer. Ces élans se sont distingués, du manque de solidarité de l’Europe vis-à-vis de certains de ses pays membres, de la xénophobie à l’égard des asiatiques et des étrangers colporteurs présumés de la maladie. La frilosité nationaliste s’est accrue partout, avec les fermetures des frontières, faisant ressurgir des peurs racistes et populistes teintées de théories complotistes et diverses rumeurs de médiamensonges véhiculées par les médias sociaux. Bien que rien ne prouve qu’elle ne fera pas face à un autre pic épidémique dans un trimestre, le fait que la Chine ait désormais circonscrit la maladie, que ses villes principales aient redémarré leur économie et qu’elle est au chevet des nations qui le demandent, à côté des médecins cubains, ajoute de l’eau au moulin des conspirationnistes.
Les premiers cas notés en Afrique surviennent à la mi-février. Nos médecins sont coutumiers des maladies infectieuses et rompus à les soigner. La plupart des États africains ont graduellement imposé des mesures, qui certes dépendamment des régions et des moyens disponibles, de l’information et des conditions sociales, sont appliquées avec un succès relatif. A priori, la progression de la maladie semble plus faible que sur les quatre autres continents. La faiblesse de la connectivité transnationale et la faible pratique des tests peuvent brouiller les pistes quant à la possibilité insidieuse de la propagation. Plusieurs africains (à travers une déclaration initiée par RASA, Rapport Alternatif sur l’Afrique) ont déploré le ton alarmiste et l’ingérence condescendante de l’OMS et de l’ONU dans les affaires africaines.
« […] jusqu’à ce jour, la pénétration du virus en Afrique, importé principalement d’Europe, semble être maitrisée avec peu de cas graves enregistrés et un taux de létalité très faible (moins de 3 %), malgré que le virus soit présent sur le continent depuis plus de 45 jours. Nous interpellons les autorités des organisations internationales citées ci-dessus sur la gravité de leurs déclarations péremptoires et interrogeons les fondements scientifiques de leurs prévisions qui ont plus l’air de plans machiavéliques sur le dos des Africains, voire des menaces voilées à leur endroit (ix). »
Il est prématuré d’avoir un portrait clair des caractéristiques épidémiologiques et cliniques des cas et leurs particularités géographiques et l’incidence de cette crise sanitaire. Il est plausible que cette crise sanitaire ne soit plus longue qu’on ne le croit, et que son incidence ne soit pas que sanitaire, mais socio-économique, politique et géopolitique. Il va falloir, pour ce faire, être vigilants et organisés dans notre résilience.
Depuis la crise financière de 2008, la crise du capitalisme perdure de façon erratique. L’endettement mondial a atteint des proportions jamais égalées dans l’Histoire, les mesures d’austérité se sont poursuivies sans que les États et les peuples ne parviennent à reprendre l’initiative. La perspective d’une sérieuse contraction de la production économique et le chômage accru imputables à la crise sanitaire risquent d’amplifier les problèmes de sous-développement dans le sud global et en Afrique. Des bailleurs multilatéraux et privés, affolés par les perspectives de crise économique, proposent déjà des fonds de crise et de relance, à la rescousse d’abord des oligopoles et autres groupes monopolistiques et susceptibles de servir autant d’oxygène que de nouvelles dépendances à nos pays. Les États-Unis ont annoncé un plan de relance de 6000 milliards de dollars pour leur propre économie et négocié des lignes de crédit exclusives avec la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre, du Canada, du Japon et de Suisse, et ciblé à 60 milliards de dollars l’accès préférentiel à l’Australie, le Brésil, la Corée du Sud, le Mexique, la Suède. Le Danemark, la Nouvelle Zélande et la Norvège disposeront de 30 milliards de dollars. Le reste des pays du monde devront faire la queue pour emprunter au FMI et à la Banque mondiale. Les pays africains qui promeuvent l’approche néolibérale ou n’osent pas lui tenir tête seront privilégiés, fragmentant la solidarité panafricaine qui s’impose en pareille circonstance. Le FMI, s’il y consentait, pourrait libérer une somme faramineuse en DTS (droit de tirages spéciaux) pour soulager nos pays, mais à quelle condition ? La Banque mondiale fait miroiter le chiffre de 160 milliards de dollars, rien qu’au cours des 15 prochains mois, pour assister les pays du Sud. On parle de gel momentané du remboursement de la dette, mais les conditionnalités ne sont pas connues. Certaines de ces firmes transnationales et instances financières ont été le vecteur principal de l’exploitation des travailleuses et travailleurs, de l’oppression néocoloniale des peuples, recourant au pillage des matières premières, aux guerres impérialistes et la dégradation de la nature propice à la circulation des virus.
Les panafricain-es ne tolèreront pas de conditionnalités supplémentaires des bailleurs de fonds, à la faveur des aménagements dus à cette crise. Il y a lieu de dresser, dans tous nos États et peuples d’Afrique et de la diaspora, un front commun panafricain, autant pour une approche unitaire de la pandémie que pour une riposte globale à l’enjeu économique de cette crise.
De même, il est hors de question que l’Afrique serve de vivier de test de vaccins à l’industrie du Cod business et aux apprentis sorciers. Dans l’industrie pharmaceutique, il y a des gens sans scrupules et des laboratoires à leurs solde s’empressant de trouver des régimes africains volontaires contre quelques émoluments, pour livrer leurs populations comme cobayes. L’Afrique doit faire bloc contre ces régimes aventureux. Le principe de précaution exige que des tests se fassent dans les épicentres en Asie et en Europe, sur une longue période, qu’une réponse immunitaire puisse neutraliser le virus, et que cela n’occasionne pas d’effets nocifs, et soit sécuritaire. Pour des médicaments, en principe, il faut compter plus d’un trimestre pour que soit validée une publication sur un essai clinique randomisé. On pourrait essayer de sauver des malades volontaires en leur injectant les anticorps provenant de plasma de patients guéris. Parmi les médicaments les plus pressentis le Remdesivir, un antiviral qui a déjà été testé sur Ébola ; le Kaletra qui a servi contre le VIH, et qui serait à coupler avec l’interféron Bêta, comme dans le cas de la lutte contre le coronavirus MERS ; et l’hydroxychloroquine qui a été utilisée en prophylaxie et traitements antipaludéens de court terme, ou traitements d’arthrite rhumatoïde. Certains praticiens ont, compte tenu de la situation exceptionnelle, pris la liberté déontologique de tester sur des patients volontaires certains de ces médicaments. Autant pour traiter qu’interrompre la flambée, médecins, virologues et épidémiologistes tergiversent à savoir à quel stade de la maladie administrer ces traitements ; s’il faut y recourir en prophylaxie aussi pour tous les contacts exposés aux patients atteints ? La bataille sur la fourniture et l’accès aux médicaments, sur la propriété intellectuelle de ces médicaments - génériques ou similaires - ne fait que commencer.
Plusieurs acteurs privés de la santé et pharmacie, profitent du désinvestissement étatique dans les services sociaux et la libéralisation du secteur de la santé et de l’éducation. Le désengagement de l’État durant plus de trois décennies d’ajustement structurel a laissé exsangues nos infrastructures de santé, entrainé une grande désertion du personnel hospitalier et rendu l’accès au soin de santé problématique pour une grande portion des populations vulnérables. Il n’est pas exagéré d’envisager le risque d’une transmissibilité plus élevée en raison de la lenteur apparente de la propagation, la taille des ménages, la cohabitation intergénérationnelle, la densité de population dans certaines zones périurbaines ou bidonvilles et camps de personnes déplacées ayant moins accès à l’eau et à l’hygiène x. À cela s’ajoute la tentation des rassemblements sociaux, les prières de masse et cérémonies, l’interaction du virus avec des comorbidités prévalentes, la malnutrition, la tuberculose, la faiblesse de soins intensifs, en particulier en dehors des grandes villes xi.
La pénurie des équipements de soins, de protection (masques, gants, blouses, protection oculaire) de tests et matériel de détection (thermomètres, réactifs) et de machines (respirateurs, ventilation) s’ajoute au fait qu’il apparait que les mesures de distanciation sociale physique, les gestes barrières et les dispositifs d’hygiène seront difficiles à mettre en pratique de manière efficace. La dépendance aux importations des machines, réactifs et fournitures médicales et autres secteurs, accaparés par le secteur privé, ne fait que refléter la nature antisociale du capitalisme.
Nous nous opposons à ce que ceci mène à une plus grande immixtion étrangère dans les affaires africaines, conférant la gestion sanitaire à ceux qui auront sélectivement promis de l’aide financière, matérielle ou médicale.
Tout cela intime une marge de manœuvre accrue de l’État et la responsabilité citoyenne et panafricaine pour une approche globale et intégrée pour :
• Alimenter et participer le plus possible en information sanitaire à la coordination du mécanisme de veille et de surveillance sanitaire sous l’égide de l’Union Africaine (xii) et ses démembrements Africa Task Force for Coronavirus (AFTCOR), et l’Africa CDC’s Incident Management System. Assurer des informations épidémiologiques au niveau panafricain afin d’avoir une évaluation des risques. Consulter et diffuser le document en annexe de la présente et des dispositions sanitaires endossées par la présente déclaration (xiii). L’Union Africaine s’est engagée à fournir à chacun de ses États membres 20 000 étuis tests de laboratoire, 100 000 masques médicaux et 1000 combinaisons et protections faciales. C’est peut-être insuffisant mais d’autres aides publiques et privées sont attendues.
• Soutenir les efforts du directeur général de l’organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesu et exiger une hausse de budget opérationnel de l’institution.
• Assurer la capacité vivrière de nos populations. L’accès au surplus pour le ravitaillement doit être assuré pour plusieurs journées, en cas de prolongement du confinement. Évidemment pas seulement pour notre population en dessous du seuil de pauvreté, mais une portion appréciable de nos masses pas salariée, qui vit au jour le jour, pour se ravitailler en vivres dans le secteur informel. Ici, il faut veiller à protéger la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs et des vendeuses et vendeurs et s’assurer de la disponibilité des produits.
• Pour ce faire, les États doivent fournir, des allocations de chômage aux travailleuses et travailleurs mis à pied, des filets sociaux aux plus démunis, surtout à ceux qui seraient confinés. Un programme universel de soutien financier aux nécessiteux est essentiel afin de supporter le confinement. Le budget national et les enveloppes d’aide extérieure doivent prioriser cet aspect. Tous les moyens doivent être envisagés, du transfert monétaire par téléphone, à la délivrance porte à porte.
• S’assurer de la fourniture équitable et patriotique sans discrimination de régions, quartiers ou classes sociales ou affinités ethniques ou religieuses.
• L’acceptation sociale des mesures sanitaires requièrent une compréhension culturelle des sociétés et des approches adaptées aux genres et générations, de façon non oppressives et empathiques. L’accompagnement des mesures de sensibilisation populaire et transversale se fait par la fourniture de savon, d’eau, de vivres (renforçant le système immunitaire) et si possible de masques et de gants en priorité pour les malades et le personnel soignant. Il faut écouter le personnel scientifique soignant, les protéger afin qu’il nous protège, respecter les gestes-barrières afin de se protéger et de protéger leurs proches. Une attention particulière est à porter à nos grands-parents et enfants. Les 65 ans et plus sont autour de 3% de notre population globale qui est donc jeune et parfois rétive à la discipline. Nous en appelons à leur responsabilité, comme force vives, de veiller à nos aînés et leur propre avenir en participant à cette période de résistance collective, même s’ils sont plus robustes, ils propagent plus vite l’affection.
• Refuser de servir des Africain-es et des afrodescendant-es comme cobayes, à moins que des volontaires figurent, sous supervision internationale indépendante, dans un échantillon équivalent d’Asiatiques, d’Européens, d’Australiens et d’Américains, pour l’avancée de la science et le bien commun xiv. S’opposer avec toute notre énergie au programme ID2020, cette identification électronique prônant la vaccination générale comme modèle biométrique dès la naissance, qui pourrait profiter de cette pandémie pour poursuivre ses avancées xv.
• Protéger les travailleuses et travailleurs contre les licenciements abusifs des entreprises prétextant la crise. Attention particulière aux paysan-nes qui assurent la poursuite de la production ou l’entretien des champs dans les conditions contraignantes.
• Protection des couches rurales, dont les systèmes immunitaires sont moins exposés à la promiscuité urbaine, face à la tentation des migrations des couches urbaines dans les contrées rurales.
• Protection absolue de la faune et de la flore et de l’écologie en général.
• Fournir du personnel et du matériel aux dispensaires en zones périphériques et enclavées, ou prévoir la médecine de campagne itinérante.
• Fabriquer et porter des masques, quitte avec le matériel existant, en recourant aux tailleurs ou de façon domestique en triplant du matériel textile, et en le gardant le plus stérile possible. Ceci ne dispense pas des gestes barrières et de bien se laver les mains (voir Tippy-tap en bas de page).
• Assurer la protection intégrale de tout le personnel de santé et de toutes les personnes au service direct avec la population. Ici une attention et solidarité particulière aux femmes qui forment la majorité du contingent le plus exposé aux risques comme infirmières et préposées aux bénéficiaires, soignantes à domicile et travailleuses de production et de distribution. Profiter de cette crise sanitaire pour redresser les écarts salariaux injustes.
• Augmenter sensiblement le budget de la santé et de la sécurité sociale, prévoir le réengagement des médecins expatriés volontaires, la formation intensive et l’engagement avec droit du travail de personnel infirmier et de soins aux bénéficiaires.
• Saluer et encourager les recherches entreprises par la communauté scientifique africaine et escompter des retombées positives.
• Instaurer de façon hardie la nationalisation des installations privées de santé si les capacités d’hospitalisation sont défaillantes, réquisitionner les hôtels et installations sportives selon les besoins.
• Instaurer un fonds d’urgence solidaire et patriotique issu d’un impôt sur les grandes fortunes.
• Financer et doter les instances de recherche, laboratoires et outils de sensibilisation et de communication. Financer une surveillance sentinelle par mesure de dépistage sérologique xvi. Assurer le financement des unités de soins intensifs et des infrastructures. Veiller à la recherche dans nos pharmacopées et savoirs traditionnels et la lutte pour africaniser les brevets sur la biodiversité.
• Imiter la formation professionnelle et les politiques sociales et de santé de Cuba, qui compte 8 médecins pour 1000 habitants et mieux assurer l’instruction civique et sanitaire de la population.
• Assurer la protection et le soin des ressortissants étrangers et de tout ressortissant africain-es de quelconque nationalité qui ne réside pas dans son territoire de naissance.
• Enjoindre les gouvernements à mettre en œuvre une approche holistique de l’équité entre les genres qui tiennent en compte de la résilience des femmes africaines, les défis auxquels elles sont confrontées et leur assurer des ressources adéquates pour atteindre leurs besoins essentiels durant et après la pandémie. S’assurer d’une aide d’urgence pour les femmes dans le besoin et développer des plans de développement permettant aux femmes de mieux s’autonomiser.
• Protéger la population du mercantilisme et de la corruption qui découlerait de cette situation sanitaire d’exception, des abus de personnes en positions d’autorité susceptibles de détourner des matériels et des fonds destinés à la pandémie. S’assurer des risques d’inflation spéculatrice et de la marchandisation véreuse.
• Protéger la population de l’instrumentalisation religieuse ou culturaliste de la pandémie.
• Dans le cas de régimes politiques impopulaires et discrédités, que la société civile et les acteurs les plus influents relayent les mesures préventives sanitaires essentielles et assurent la cohésion sociale.
• Protéger les populations des abus des droits de la personne sous le prétexte des lois d’exception ou d’urgence. La réponse étatique recourt spontanément à la coercition des forces de l’ordre et de l’armée. La militarisation de la santé ne doit se faire qu’en dernier recours, lorsque les capacités civiles sont dépassées. Le discours et l’approche martiale contre la pandémie, qui semblent être la norme, doivent être relativisés au regard des expériences de collaboration civiles et militaires lors d’épidémies précédentes et leur tendance à gérer les populations fragilisées de façon belliciste et adverse aux politiques publiques de santé xvii. La retenue et l’éducation populaire doivent prévaloir sur les comportements disciplinaires dégradants et affectant la dignité humaine.
• Montrer une plus grande solidarité entre nos peuples et être solidaires des victimes de l’ordre international et ainsi stopper les embargos, sanctions et mesures d’exclusion économique contre Cuba, le Venezuela, l’Iran, la Palestine qui violent le droit international, affectent leur population et les empêchent de s’organiser contre la pandémie xviii.
• Relancer l’esprit de Bandoung en resserrant la coopération Sud-Sud.
• À l’occasion de la décennie de l’ONU des afrodescendants, avoir une attention particulière quant à l’impact du COVID19 sur cette population.
• Dépasser les mentalités nationalistes et recouvrer un élan panafricain internationaliste et solidaire, pour défendre l’humanité, les biens communs, reconstruire des valeurs pour une autre économie tournée vers l’équité, l’égalité des opportunités, la décision démocratique et populaire, le respect des genres, des générations et de la nature.
• Recouvrer la marge de manœuvre de l’État-nation, en accélérant l’intégration africaine et s’affranchir des règles contraignantes en matière de déficits ou d’endettement et, en comptant sur nos propres forces xix miser sur la transformation locale des matières premières, des ressources naturelles et en orientant le développement sur les besoins essentiels et les infrastructures.
Saisir que la transition post pandémie sera une occasion autant pour l’impérialisme et les forces réactionnaires de poursuivre l’effort de recoloniser l’Afrique ; qu’une opportunité pour les forces panafricaines de rallier les populations pour la reconstruction et la défense de la souveraineté du continent et de ses diasporas et l’avènement d’un développement viable, équitable, durable et populaire par l’État fédéral continental. Pour ce faire, une repolitisation démocratique des masses panafricaines est escomptée afin d’assurer le contrôle de la transition.
Observations du GRILA sur la pandémie du Coronavirus LA CONDITION DU CONTINENT ET UNE RIPOSTE PANAFRICAINE
Observations du GRILA sur la pandémie du Coronavirus LA CONDITION DU CONTINENT ET UNE RIPOSTE PANAFRICAINE
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L’objet de ce constat et de l’avis qui suit, qui s’adresse prioritairement aux panafricain-es, est de dresser un portrait de notre situation afin de susciter une volonté politique des décideurs des politiques publiques pour que les mesures à prendre, qui ne sont pas que médicales, fassent consensus et évoluent vers des changements systémiques pour améliorer la santé publique et atteindre les besoins essentiels des populations. Ces mesures pourront se traduire par un réflexe citoyen pour maitriser la situation et reprendre une initiative autocentrée de notre développement et une réponse collective panafricaine. La conjonction exceptionnelle de trois situations : l’ordre capitaliste mondial remis en question ; l’ampleur de la pandémie ; et le désastre écologique, nous donne une opportunité historique de nous ressaisir. La résilience de l’Afrique, malgré des siècles d’oppression, perdure et notre solidarité panafricaine nous permettra de surmonter cette phase d’entropie, et à la faveur de cette pause écologique pour la planète, de réinventer radicalement nos praxis et notre internationalisme.
Nous présentons nos condoléances aux personnes qui ont perdu des êtres chers, et sommes solidaires de ceux et celles qui sont affligé-es de cette maladie ou par la charge des soins de leurs malades, ou qui vivent difficilement le confinement et les aléas de la pandémie. Celle-ci revenant principalement aux femmes, insuffisamment reconnues et pourtant aux premières lignes (i). En raison de la discrimination systémique dans le système capitaliste et certaines traditions culturelles patriarcales, les africaines du continent et les femmes de descendance africaine continuent d’assumer la charge du soin des enfants et des ainés. Ces femmes africaines sont confrontées à un plus haut taux de violence sexiste et à l’insécurité économique. Elles sont représentées de façon disproportionnée dans le secteur informel avec des emplois sous-payés et précaires, sans assurance sociale, ou de congé de maladie. Si elles tombent malades ou sont recluses en quarantaine ou contraintes de s’occuper d’un proche malade, ces africaines seront de façon démesurée d’avantage victimes de l’impact économique du Covid-19. Cela pourrait avoir un effet dévastateur sur cette frange, la plus importante de la population africaine, qui continue d’endurer des expériences de marginalisation, de violence et d’oppression.
Nous avons une grande reconnaissance et une pensée solidaire pour les travailleuses et travailleurs de la santé exposé-es quotidiennement qui payent le plus lourd prix de cette pandémie, mais aussi tous les travailleuses et travailleurs du monde, de l’Afrique et ses afrodescendant-es qui continuent de produire et ravitailler la société.
Singulièrement, sur quasiment les quatre siècles, il y a eu la peste de 1720, le choléra de 1820, la grippe ‘espagnole’ de 1918-1919 et le coronavirus de 2019-2020. On note aussi que les pandémies se rapprochent en intensité et fréquence, H3N2 autour de 1968, HIV-SIDA 1981, Dengue 2000, SRAS 2003, H1N1 2009, Ébola 2013, MERS 2014, et SARS-CoV-2 mieux connu sous le nom de CODVID-19 en 2019. La nouvelle pandémie est vraisemblablement issue du contact entre l’homme et l’animal. L’essentiel des maladies humaines d’origine zoonotique, (le SRAS, H1N1, la fièvre jaune, la grippe aviaire H5N1 ou H7N9 et probablement le CODVID-19) relève d’incursion ou d’agression humaine sur le monde animal et non le contraire. Les virus qui ont existé depuis des millions d’années s’adaptent et mutent davantage qu’avant, d’autant que l’humain modifie irréversiblement les espaces environnementaux (ii). La transmission du Covid-19 entre humains est attestée au moins dès le mois de décembre 2019 dans la zone autour d’un marché de Huanan (sud de la Chine) et a infecté la ville de Wuhan (centre de la Chine) (iii) . Rien ne prédisposait encore à croire que cette épidémie se traduirait en pandémie (iv). La communauté scientifique était mal préparée devant la flambée. Il y aurait au 10 avril 2020 1 521 252 cas confirmés de COVID-19 dans le monde, incluant 92 798 décès selon l’OMS.
Le virus a un génome de type ARN. Son mode de réplication lui permet de créer de nouvelles souches, il mute et rend cette pandémie plus complexe. La maladie se propage rapidement, principalement, par des gouttelettes et par le contact physique. En quelques semaines, elle est sortie de l’espace chinois en profitant opportunément de la connectivité transnationale des réseaux de communication. La rapidité fulgurante de sa propagation a aussi été favorisée par sa sous-estimation, comme cela continue dans bien des pans de sociétés ; la propagation en l’absence de mesures d’hygiène minimale ; par le fait de porteurs asymptomatiques (v) , ou de porteurs aux symptômes peu uniformes et légers. La prise de médicaments calmant les symptômes a aussi dérouté les premières mesures d’intervention. L’impact du virus semble différent selon la fiabilité des statistiques, selon les pays ou en leur sein, en termes de taux de mortalité (les décédés par rapport à une population dans une période), de morbidité (nombre de personnes atteintes par la même maladie sur une population donnée), mais aussi de létalité (décès des personnes dans le bassin de ceux qui ont contracté le virus). Selon l’OMS, il faut éviter de se toucher les yeux, le nez et la bouche :
« Les symptômes les plus courants de la COVID-19 sont la fièvre, la fatigue et une toux sèche (vi) . Certains patients présentent des douleurs, une congestion nasale, un écoulement nasal, des maux de gorge ou une diarrhée. Ces symptômes sont généralement bénins et apparaissent de manière progressive. Certaines personnes, bien qu’infectées, ne présentent aucun symptôme et se sentent bien. La plupart (environ 80 %) des personnes guérissent sans avoir besoin de traitement particulier. Environ une personne sur six contractant la maladie présente des symptômes plus graves, notamment une dyspnée. Les personnes âgées et celles qui ont d’autres problèmes de santé (hypertension artérielle, problèmes cardiaques ou diabète) ont plus de risques de présenter des symptômes graves. » (vii)
En Chine, très vite, il s’est avéré qu’il fallait isoler les malades, traquer les températures suspectes, mettre des cordons sanitaires autour des lieux de soins, protéger le personnel soignant, stopper les sources d’infection des cas contacts par la quarantaine en dépit de l’absence de médicament spécifiquement avéré ou de vaccin. La prévention, (hygiène stricte à l’eau savonneuse, désinfection des zones suspectes, distanciation sociale physique, port du masque et de gants) le dépistage par test, et la préservation ou le renforcement du système immunitaire étaient la clé de la barrière à l’épidémie. À la fermeture des établissements d’enseignement, la restriction des déplacements et l’interdiction des rassemblements se sont ajoutés le confinement des personnes saines dans les foyers et les cordons sanitaires autour des lieux d’approvisionnement domestique. Il est trop tôt pour savoir qu’elle est la proportion de la population qui a été touchée et qui a développé une immunité. Le succès de ces mesures en Chine, au Japon, à Hong Kong et en Corée du Sud aurait dû servir de leçon au reste du monde, surtout aux pays disposant de moyens comme en Europe et en Amérique du Nord. Le Royaume-Uni, les États-Unis, les Pays-Bas ou la Suède, ont préféré une approche d’immunité collective, en protégeant quelques vulnérables et en laissant s’infecter la population au prix d’une grande mortalité possible. Ils sont de plus en plus contraints à un confinement progressif ou au port du masque, ont fermé les services non essentiels, les frontières, imposé le télétravail et renforcé les mesures de distanciation sociales).
La coopération scientifique inusitée au niveau mondial, ou profitant de plusieurs protocoles récents ou formulaires standardisées existants (viii) et les élans de solidarité manifestes de certains pays comme la Chine, la Russie, le Venezuela et surtout Cuba sont à saluer. Ces élans se sont distingués, du manque de solidarité de l’Europe vis-à-vis de certains de ses pays membres, de la xénophobie à l’égard des asiatiques et des étrangers colporteurs présumés de la maladie. La frilosité nationaliste s’est accrue partout, avec les fermetures des frontières, faisant ressurgir des peurs racistes et populistes teintées de théories complotistes et diverses rumeurs de médiamensonges véhiculées par les médias sociaux. Bien que rien ne prouve qu’elle ne fera pas face à un autre pic épidémique dans un trimestre, le fait que la Chine ait désormais circonscrit la maladie, que ses villes principales aient redémarré leur économie et qu’elle est au chevet des nations qui le demandent, à côté des médecins cubains, ajoute de l’eau au moulin des conspirationnistes.
Les premiers cas notés en Afrique surviennent à la mi-février. Nos médecins sont coutumiers des maladies infectieuses et rompus à les soigner. La plupart des États africains ont graduellement imposé des mesures, qui certes dépendamment des régions et des moyens disponibles, de l’information et des conditions sociales, sont appliquées avec un succès relatif. A priori, la progression de la maladie semble plus faible que sur les quatre autres continents. La faiblesse de la connectivité transnationale et la faible pratique des tests peuvent brouiller les pistes quant à la possibilité insidieuse de la propagation. Plusieurs africains (à travers une déclaration initiée par RASA, Rapport Alternatif sur l’Afrique) ont déploré le ton alarmiste et l’ingérence condescendante de l’OMS et de l’ONU dans les affaires africaines.
« […] jusqu’à ce jour, la pénétration du virus en Afrique, importé principalement d’Europe, semble être maitrisée avec peu de cas graves enregistrés et un taux de létalité très faible (moins de 3 %), malgré que le virus soit présent sur le continent depuis plus de 45 jours. Nous interpellons les autorités des organisations internationales citées ci-dessus sur la gravité de leurs déclarations péremptoires et interrogeons les fondements scientifiques de leurs prévisions qui ont plus l’air de plans machiavéliques sur le dos des Africains, voire des menaces voilées à leur endroit (ix). »
Il est prématuré d’avoir un portrait clair des caractéristiques épidémiologiques et cliniques des cas et leurs particularités géographiques et l’incidence de cette crise sanitaire. Il est plausible que cette crise sanitaire ne soit plus longue qu’on ne le croit, et que son incidence ne soit pas que sanitaire, mais socio-économique, politique et géopolitique. Il va falloir, pour ce faire, être vigilants et organisés dans notre résilience.
Depuis la crise financière de 2008, la crise du capitalisme perdure de façon erratique. L’endettement mondial a atteint des proportions jamais égalées dans l’Histoire, les mesures d’austérité se sont poursuivies sans que les États et les peuples ne parviennent à reprendre l’initiative. La perspective d’une sérieuse contraction de la production économique et le chômage accru imputables à la crise sanitaire risquent d’amplifier les problèmes de sous-développement dans le sud global et en Afrique. Des bailleurs multilatéraux et privés, affolés par les perspectives de crise économique, proposent déjà des fonds de crise et de relance, à la rescousse d’abord des oligopoles et autres groupes monopolistiques et susceptibles de servir autant d’oxygène que de nouvelles dépendances à nos pays. Les États-Unis ont annoncé un plan de relance de 6000 milliards de dollars pour leur propre économie et négocié des lignes de crédit exclusives avec la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre, du Canada, du Japon et de Suisse, et ciblé à 60 milliards de dollars l’accès préférentiel à l’Australie, le Brésil, la Corée du Sud, le Mexique, la Suède. Le Danemark, la Nouvelle Zélande et la Norvège disposeront de 30 milliards de dollars. Le reste des pays du monde devront faire la queue pour emprunter au FMI et à la Banque mondiale. Les pays africains qui promeuvent l’approche néolibérale ou n’osent pas lui tenir tête seront privilégiés, fragmentant la solidarité panafricaine qui s’impose en pareille circonstance. Le FMI, s’il y consentait, pourrait libérer une somme faramineuse en DTS (droit de tirages spéciaux) pour soulager nos pays, mais à quelle condition ? La Banque mondiale fait miroiter le chiffre de 160 milliards de dollars, rien qu’au cours des 15 prochains mois, pour assister les pays du Sud. On parle de gel momentané du remboursement de la dette, mais les conditionnalités ne sont pas connues. Certaines de ces firmes transnationales et instances financières ont été le vecteur principal de l’exploitation des travailleuses et travailleurs, de l’oppression néocoloniale des peuples, recourant au pillage des matières premières, aux guerres impérialistes et la dégradation de la nature propice à la circulation des virus.
Les panafricain-es ne tolèreront pas de conditionnalités supplémentaires des bailleurs de fonds, à la faveur des aménagements dus à cette crise. Il y a lieu de dresser, dans tous nos États et peuples d’Afrique et de la diaspora, un front commun panafricain, autant pour une approche unitaire de la pandémie que pour une riposte globale à l’enjeu économique de cette crise.
De même, il est hors de question que l’Afrique serve de vivier de test de vaccins à l’industrie du Cod business et aux apprentis sorciers. Dans l’industrie pharmaceutique, il y a des gens sans scrupules et des laboratoires à leurs solde s’empressant de trouver des régimes africains volontaires contre quelques émoluments, pour livrer leurs populations comme cobayes. L’Afrique doit faire bloc contre ces régimes aventureux. Le principe de précaution exige que des tests se fassent dans les épicentres en Asie et en Europe, sur une longue période, qu’une réponse immunitaire puisse neutraliser le virus, et que cela n’occasionne pas d’effets nocifs, et soit sécuritaire. Pour des médicaments, en principe, il faut compter plus d’un trimestre pour que soit validée une publication sur un essai clinique randomisé. On pourrait essayer de sauver des malades volontaires en leur injectant les anticorps provenant de plasma de patients guéris. Parmi les médicaments les plus pressentis le Remdesivir, un antiviral qui a déjà été testé sur Ébola ; le Kaletra qui a servi contre le VIH, et qui serait à coupler avec l’interféron Bêta, comme dans le cas de la lutte contre le coronavirus MERS ; et l’hydroxychloroquine qui a été utilisée en prophylaxie et traitements antipaludéens de court terme, ou traitements d’arthrite rhumatoïde. Certains praticiens ont, compte tenu de la situation exceptionnelle, pris la liberté déontologique de tester sur des patients volontaires certains de ces médicaments. Autant pour traiter qu’interrompre la flambée, médecins, virologues et épidémiologistes tergiversent à savoir à quel stade de la maladie administrer ces traitements ; s’il faut y recourir en prophylaxie aussi pour tous les contacts exposés aux patients atteints ? La bataille sur la fourniture et l’accès aux médicaments, sur la propriété intellectuelle de ces médicaments - génériques ou similaires - ne fait que commencer.
Plusieurs acteurs privés de la santé et pharmacie, profitent du désinvestissement étatique dans les services sociaux et la libéralisation du secteur de la santé et de l’éducation. Le désengagement de l’État durant plus de trois décennies d’ajustement structurel a laissé exsangues nos infrastructures de santé, entrainé une grande désertion du personnel hospitalier et rendu l’accès au soin de santé problématique pour une grande portion des populations vulnérables. Il n’est pas exagéré d’envisager le risque d’une transmissibilité plus élevée en raison de la lenteur apparente de la propagation, la taille des ménages, la cohabitation intergénérationnelle, la densité de population dans certaines zones périurbaines ou bidonvilles et camps de personnes déplacées ayant moins accès à l’eau et à l’hygiène x. À cela s’ajoute la tentation des rassemblements sociaux, les prières de masse et cérémonies, l’interaction du virus avec des comorbidités prévalentes, la malnutrition, la tuberculose, la faiblesse de soins intensifs, en particulier en dehors des grandes villes xi.
La pénurie des équipements de soins, de protection (masques, gants, blouses, protection oculaire) de tests et matériel de détection (thermomètres, réactifs) et de machines (respirateurs, ventilation) s’ajoute au fait qu’il apparait que les mesures de distanciation sociale physique, les gestes barrières et les dispositifs d’hygiène seront difficiles à mettre en pratique de manière efficace. La dépendance aux importations des machines, réactifs et fournitures médicales et autres secteurs, accaparés par le secteur privé, ne fait que refléter la nature antisociale du capitalisme.
Nous nous opposons à ce que ceci mène à une plus grande immixtion étrangère dans les affaires africaines, conférant la gestion sanitaire à ceux qui auront sélectivement promis de l’aide financière, matérielle ou médicale.
Tout cela intime une marge de manœuvre accrue de l’État et la responsabilité citoyenne et panafricaine pour une approche globale et intégrée pour :
• Alimenter et participer le plus possible en information sanitaire à la coordination du mécanisme de veille et de surveillance sanitaire sous l’égide de l’Union Africaine (xii) et ses démembrements Africa Task Force for Coronavirus (AFTCOR), et l’Africa CDC’s Incident Management System. Assurer des informations épidémiologiques au niveau panafricain afin d’avoir une évaluation des risques. Consulter et diffuser le document en annexe de la présente et des dispositions sanitaires endossées par la présente déclaration (xiii). L’Union Africaine s’est engagée à fournir à chacun de ses États membres 20 000 étuis tests de laboratoire, 100 000 masques médicaux et 1000 combinaisons et protections faciales. C’est peut-être insuffisant mais d’autres aides publiques et privées sont attendues.
• Soutenir les efforts du directeur général de l’organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesu et exiger une hausse de budget opérationnel de l’institution.
• Assurer la capacité vivrière de nos populations. L’accès au surplus pour le ravitaillement doit être assuré pour plusieurs journées, en cas de prolongement du confinement. Évidemment pas seulement pour notre population en dessous du seuil de pauvreté, mais une portion appréciable de nos masses pas salariée, qui vit au jour le jour, pour se ravitailler en vivres dans le secteur informel. Ici, il faut veiller à protéger la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs et des vendeuses et vendeurs et s’assurer de la disponibilité des produits.
• Pour ce faire, les États doivent fournir, des allocations de chômage aux travailleuses et travailleurs mis à pied, des filets sociaux aux plus démunis, surtout à ceux qui seraient confinés. Un programme universel de soutien financier aux nécessiteux est essentiel afin de supporter le confinement. Le budget national et les enveloppes d’aide extérieure doivent prioriser cet aspect. Tous les moyens doivent être envisagés, du transfert monétaire par téléphone, à la délivrance porte à porte.
• S’assurer de la fourniture équitable et patriotique sans discrimination de régions, quartiers ou classes sociales ou affinités ethniques ou religieuses.
• L’acceptation sociale des mesures sanitaires requièrent une compréhension culturelle des sociétés et des approches adaptées aux genres et générations, de façon non oppressives et empathiques. L’accompagnement des mesures de sensibilisation populaire et transversale se fait par la fourniture de savon, d’eau, de vivres (renforçant le système immunitaire) et si possible de masques et de gants en priorité pour les malades et le personnel soignant. Il faut écouter le personnel scientifique soignant, les protéger afin qu’il nous protège, respecter les gestes-barrières afin de se protéger et de protéger leurs proches. Une attention particulière est à porter à nos grands-parents et enfants. Les 65 ans et plus sont autour de 3% de notre population globale qui est donc jeune et parfois rétive à la discipline. Nous en appelons à leur responsabilité, comme force vives, de veiller à nos aînés et leur propre avenir en participant à cette période de résistance collective, même s’ils sont plus robustes, ils propagent plus vite l’affection.
• Refuser de servir des Africain-es et des afrodescendant-es comme cobayes, à moins que des volontaires figurent, sous supervision internationale indépendante, dans un échantillon équivalent d’Asiatiques, d’Européens, d’Australiens et d’Américains, pour l’avancée de la science et le bien commun xiv. S’opposer avec toute notre énergie au programme ID2020, cette identification électronique prônant la vaccination générale comme modèle biométrique dès la naissance, qui pourrait profiter de cette pandémie pour poursuivre ses avancées xv.
• Protéger les travailleuses et travailleurs contre les licenciements abusifs des entreprises prétextant la crise. Attention particulière aux paysan-nes qui assurent la poursuite de la production ou l’entretien des champs dans les conditions contraignantes.
• Protection des couches rurales, dont les systèmes immunitaires sont moins exposés à la promiscuité urbaine, face à la tentation des migrations des couches urbaines dans les contrées rurales.
• Protection absolue de la faune et de la flore et de l’écologie en général.
• Fournir du personnel et du matériel aux dispensaires en zones périphériques et enclavées, ou prévoir la médecine de campagne itinérante.
• Fabriquer et porter des masques, quitte avec le matériel existant, en recourant aux tailleurs ou de façon domestique en triplant du matériel textile, et en le gardant le plus stérile possible. Ceci ne dispense pas des gestes barrières et de bien se laver les mains (voir Tippy-tap en bas de page).
• Assurer la protection intégrale de tout le personnel de santé et de toutes les personnes au service direct avec la population. Ici une attention et solidarité particulière aux femmes qui forment la majorité du contingent le plus exposé aux risques comme infirmières et préposées aux bénéficiaires, soignantes à domicile et travailleuses de production et de distribution. Profiter de cette crise sanitaire pour redresser les écarts salariaux injustes.
• Augmenter sensiblement le budget de la santé et de la sécurité sociale, prévoir le réengagement des médecins expatriés volontaires, la formation intensive et l’engagement avec droit du travail de personnel infirmier et de soins aux bénéficiaires.
• Saluer et encourager les recherches entreprises par la communauté scientifique africaine et escompter des retombées positives.
• Instaurer de façon hardie la nationalisation des installations privées de santé si les capacités d’hospitalisation sont défaillantes, réquisitionner les hôtels et installations sportives selon les besoins.
• Instaurer un fonds d’urgence solidaire et patriotique issu d’un impôt sur les grandes fortunes.
• Financer et doter les instances de recherche, laboratoires et outils de sensibilisation et de communication. Financer une surveillance sentinelle par mesure de dépistage sérologique xvi. Assurer le financement des unités de soins intensifs et des infrastructures. Veiller à la recherche dans nos pharmacopées et savoirs traditionnels et la lutte pour africaniser les brevets sur la biodiversité.
• Imiter la formation professionnelle et les politiques sociales et de santé de Cuba, qui compte 8 médecins pour 1000 habitants et mieux assurer l’instruction civique et sanitaire de la population.
• Assurer la protection et le soin des ressortissants étrangers et de tout ressortissant africain-es de quelconque nationalité qui ne réside pas dans son territoire de naissance.
• Enjoindre les gouvernements à mettre en œuvre une approche holistique de l’équité entre les genres qui tiennent en compte de la résilience des femmes africaines, les défis auxquels elles sont confrontées et leur assurer des ressources adéquates pour atteindre leurs besoins essentiels durant et après la pandémie. S’assurer d’une aide d’urgence pour les femmes dans le besoin et développer des plans de développement permettant aux femmes de mieux s’autonomiser.
• Protéger la population du mercantilisme et de la corruption qui découlerait de cette situation sanitaire d’exception, des abus de personnes en positions d’autorité susceptibles de détourner des matériels et des fonds destinés à la pandémie. S’assurer des risques d’inflation spéculatrice et de la marchandisation véreuse.
• Protéger la population de l’instrumentalisation religieuse ou culturaliste de la pandémie.
• Dans le cas de régimes politiques impopulaires et discrédités, que la société civile et les acteurs les plus influents relayent les mesures préventives sanitaires essentielles et assurent la cohésion sociale.
• Protéger les populations des abus des droits de la personne sous le prétexte des lois d’exception ou d’urgence. La réponse étatique recourt spontanément à la coercition des forces de l’ordre et de l’armée. La militarisation de la santé ne doit se faire qu’en dernier recours, lorsque les capacités civiles sont dépassées. Le discours et l’approche martiale contre la pandémie, qui semblent être la norme, doivent être relativisés au regard des expériences de collaboration civiles et militaires lors d’épidémies précédentes et leur tendance à gérer les populations fragilisées de façon belliciste et adverse aux politiques publiques de santé xvii. La retenue et l’éducation populaire doivent prévaloir sur les comportements disciplinaires dégradants et affectant la dignité humaine.
• Montrer une plus grande solidarité entre nos peuples et être solidaires des victimes de l’ordre international et ainsi stopper les embargos, sanctions et mesures d’exclusion économique contre Cuba, le Venezuela, l’Iran, la Palestine qui violent le droit international, affectent leur population et les empêchent de s’organiser contre la pandémie xviii.
• Relancer l’esprit de Bandoung en resserrant la coopération Sud-Sud.
• À l’occasion de la décennie de l’ONU des afrodescendants, avoir une attention particulière quant à l’impact du COVID19 sur cette population.
• Dépasser les mentalités nationalistes et recouvrer un élan panafricain internationaliste et solidaire, pour défendre l’humanité, les biens communs, reconstruire des valeurs pour une autre économie tournée vers l’équité, l’égalité des opportunités, la décision démocratique et populaire, le respect des genres, des générations et de la nature.
• Recouvrer la marge de manœuvre de l’État-nation, en accélérant l’intégration africaine et s’affranchir des règles contraignantes en matière de déficits ou d’endettement et, en comptant sur nos propres forces xix miser sur la transformation locale des matières premières, des ressources naturelles et en orientant le développement sur les besoins essentiels et les infrastructures.
Saisir que la transition post pandémie sera une occasion autant pour l’impérialisme et les forces réactionnaires de poursuivre l’effort de recoloniser l’Afrique ; qu’une opportunité pour les forces panafricaines de rallier les populations pour la reconstruction et la défense de la souveraineté du continent et de ses diasporas et l’avènement d’un développement viable, équitable, durable et populaire par l’État fédéral continental. Pour ce faire, une repolitisation démocratique des masses panafricaines est escomptée afin d’assurer le contrôle de la transition.
References
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ii. Stephen S Morse, Jonna A K Mazet, Mark Woolhouse, Colin R Parrish, Dennis Carroll, William B Karesh, Carlos Zambrana-Torrelio, W Ian Lipkin, and Peter Daszak, Prediction and prevention of the next pandemic zoonosis,Lancet. 2012 Dec 1 ; 380(9857) : 1956–1965.
iii. Qun Li, M.Med., Xuhua Guan, Ph.D., Peng Wu, Ph.D., Xiaoye Wang, M.P.H., et al , Early Transmission Dynamics in Wuhan, China, of Novel Coronavirus–Infected Pneumonia, N Engl J Med 2020 ; 382:1199-1207,
iv. Des chercheurs chinois ont divulgué, en accès libre le 5 janvier, l’identité du génome viral et la Chine a informé l’OMS le 7 janvier et le monde le 8 janvier 2020, mais il a fallu attendre le 20 janvier pour qu’elle fasse état de la contagiosité entre humains et de l’ampleur de la catastrophe.
v. covid-19-islande-lecons-symptomes-tests-aleatoires-depistage-grande-echelle
Vi. (la perte de l’odorat), phénomène observé et attesté aussi chez certains
vii. Maladies à Coronavirus,
viii. Investigations épidémiologiques et cliniques pre ?coces du COVID-19 pour la re ?ponse en sante ? publique,
ix Déclaration pour une réponse africaine souveraine à la pandémie du Covid-19. Dakar le 30 mars 2020.
x (x)
Ou Une façon sécuritaire de laver ses mains sans robinets, le Tippy-tap :
x1 Maysoon Dahab, Kevin van Zandvoor, Stefan Flasche, Abdihamid Warsame, Paul B. Spiegel, Ronald J Waldman, Francesco Checchi, COVID-19 control in low-income settings and displaced populations : what can realistically be done, London School of Hygiene and tropical medicine
xii. Solidarity Message of the African Union Commission Chairperson to African Member States,
xiii. African Union,
xiv. Conformément à la Déclaration d’Helsinki et aux lignes directrices internationales relatives aux aspects éthiques de la recherche biomédicale sur des sujets humains.
xv. La pandémie de coronavirus COVID-19 : Le vrai danger est l’Agenda ID2020 , Mondialisation.Ca,
xvi. Lignes directrices, Surveillance mondiale de l’infection humaine par le nouveau coronavirus,
xvii. Gibson-Fall, Fawzia, Coronavirus : how to avoid military responses becoming double-edged swords,
xviii Fembargo-and-blockade-during-a-pandemic-attacks-on-the-integrity-of-peoples-condemned-by-international-law
xix Kako Nubukpo, « Après le coronavirus, une autre Afrique est possible et ce n’est pas une utopie » Le monde,
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