Quand j’ai été engagé dans la Garde Côtière « Canadian », il y a 25 ans, on parlait déjà du « Polar Sea », un super brise-glace, trois fois long comme les plus gros des navires de la flotte actuelle, passant toute l’année à défendre la souveraineté « canadian » dans l’Arctique. D’une année à l’autre de la promesse non remplie, les marins spéculaient sur ses performances et donnaient leur nom pour faire partie de l’équipée prévue dans le Grand Nord. Plusieurs d’entre eux sont maintenant à la retraite et leurs espoirs de se voir cooptés membres d’équipage de l’aventure se sont évanouies au fil du temps.
Radio-Canada rapporte que de petits bateaux, prévus pour la recherche et le sauvetage ainsi que la patrouille des côtes, connaissent de nombreux problèmes de conception et de construction qui les rendraient incapables de remplir les normes de la navigation au Canada. C’est à ce point sérieux qu’ils pourraient même mettre en danger la vie des équipages ! De plus des tuyaux qui auraient eu une résistance de plusieurs années se corrodent rapidement avant la fin de cette vie utile et sont à remplacer.
Avec les révélations de Radio-Canada sur la construction de ces petits navires, plus souples quant à leur objectif, on peut se demander honnêtement, sans la partisanerie habituelle à de tels questionnements, si le contrat pour le Diefenbaker donné par les Conservateurs au chantier Seapan à Vancouver sera réalisé sérieusement au bénéfice des contribuables « canadian » ... y compris les contribuables québécois qui ont payé une partie des impôts destinés à la construction du Diefenbaker, réplique moderne du Polar Sea.
Est-ce qu’une compagnie appartenant à une riche famille étasunienne continuera de remporter la mise au détriment des compétences québécoises ? Est-ce que le mépris ira jusqu’à maintenir le choix en faveur de milliardaires étrangers au désavantage d’un Québec pourtant le plus apte à la construction navale aux rigueurs requises ? Un prix prestigieux de cette industrie en Amérique du Nord en fait la preuve.
Rappelons que les chantiers de la Seapan apprtiennent à une riche famille américaine et, qu’avant l’octroi de ces contrats, la Seapan n’était qu’un petit chantier de seconde zone, sur la Côte Ouest, sans réelles grandes réalisations.
Les Chantiers Davie restent disponibles pour un transfert du contrat au Québec, après un long boycottage du fédéral tous gouvernements confondus.
Tout le dossier que nous avons suivi plaide toujours en faveur d’un rapatriement de ce contrat aux Chantiers Davie au Québec. La seule raison qui explique le refus du fédéral est de nature politique. Si on peut à Halifax saboter de la sorte la construction de petits navires, la raison et le souci des fonds publics, exigent la revue du contrat octroyé à Seapan et son « changement d’affectation » au Québec.
Sommes-nous naïfs de le demander ? Il se peut bien qu’il reste chez nous des illusions du « beau risque ». Mais la quête de travail moins précaire chez les ouvriers de la Davie nous pousse à penser que la raison pourrait triompher dans ce pays échafaudé sur le mépris et l’arrogance du pouvoir fédéral envers le Québec et ses habitants.
Quand nous avons entrepris notre campagne pour le rapatriement du Diefenbaker, nous avons mis nos espoirs dans le camps souverainiste pour qu’il utilise cette cause à la manière de l’éternel dilemme de notre appartenance ou non au fédéralisme : mettre les fédéralistes devant le défi de faire fonctionner ce pays de façon non discriminatoire pour le Québec. Si non, avouer l’échec de cet échafaudage politique absurde à servir nos intérêts comme Québécois.
S’il y a une preuve à faire que le risque serait moins grand aux Chantiers Davie de réaliser ce contrat dans les délais et les coûts prévus, Radio-Canada et les témoignages d’experts viennent confirmer nos appréhensions quant aux compétences surévaluées des chantiers de l’Est ou de l’Ouest pour que des appels d’offre respectent aussi les capacités démontrées de chacun. L’incompétence est manifeste.
La logique politique sera-t-elle celle du peu de marge de manœuvre qu’il nous reste au Québec quant à la possibilité d’obtenir du Canada une répartition équitable du travail disponible ? On peut sans doute condamner le fédéralisme tout de go pour ne pas le faire. Et plusieurs douteront des espoirs inutiles à entretenir le rêve d’un Canada qui marcherait. Mais notre souci des intérêts supérieurs des ouvriers de la Davie, nous font pencher en faveur de la lutte politique pour une justice élémentaire.
Impossible justice ? Peut-être. Mais de la même façon que nous mettons la société libérale au défi de réaliser les promesses qu’elle entretient vainement en faveur des salariés, nous osons croire, qu’avec nos requêtes, la plus grande partie des Québécois non encore gagnée au projet indépendantiste parcourra en notre compagnie le bout de chemin à faire pour adhérer à ce Québec libre qui aménagera son territoire et ses équipements industriels majeurs en fonction du bien commun, celui du plus grand nombre, les salariés.
« Sans illusion » quand aux chances réelles d’influencer le processus de décisions à Ottawa, nous croyons néanmoins important pour le mouvement souverainiste, PQ, Bloc, ON et Québec solidaire indifférenciés, qu’il se remobilise afin défendre les intérêts des salariés du Québec devant cette machine infernale « canadian » qui nous prive une fois de plus des moyens de consacrer nos talents d’ouvriers spécialisés à faire vivre nos familles.
La bataille servira, soit à ramener le Diefenbaker au Québec, là où il est le plus sûr de trouver les compétences à sa construction, soit nous aurons un autre motif de demander des comptes aux fédéralistes que le Canada ridiculise dans leur impuissance de servir en ce pays notre nation et ses salariés.
Par Guy Roy est coporte-parole du PCQ