Rappelons la fermeture de l’usine GM de Boisbriand et ses 1200 mises à pied, la perte de 800 emplois à la raffinerie Shell de Montréal-Est et la suppression future de 1300 emplois chez Électrolux de l’Assomption, prévue pour la fin de l’année 2012.
Malgré les menaces, les travailleurs ne se laissent pas faire sans rien dire. C’est le cas des métallos québécois. Le 14 décembre 2011, 300 ouvriers de l’usine d’ArcelorMittal de Contrecœur manifestent et exigent de la compagnie les investissements promis [1] Le 1er janvier 2012, l’aluminerie Rio Tinto Alcan d’Alma a brutalement déclenché un lock-out. La compagnie, via la sous-traitance, veut réduire les conditions de travail des jeunes travailleurs. Mais les ouvriers de Rio Tinto font preuves d’un courage exceptionnel et refusent de plier l’échine en se battant pour maintenir les emplois de qualité.
Ces compagnies sont loin d’être déficitaires. Rio Tinto Alcan est le premier producteur mondial d’aluminium [2] et ArcelorMittal le premier producteur d’acier [3]. Si les plus grosses compagnies mondiales refusent d’offrir un travail décent aux ouvriers des pays du nord, qui le fera ?
La lutte des ouvriers belges doit servir d’exemple aux travailleurs québécois
Les temps sont également durs pour les ouvriers européens. Là-bas, la rhétorique des compagnies est la même qu’ici : « la concurrence internationale ne nous permet pas… ». Tous les prétextes sont bons pour casser les conditions de travail ou fermer les usines. En Belgique, par exemple, la compagnie ArcelorMittal annonce le 14 octobre 2011 la fermeture de la phase à chaud dans la région de Liège, ce qui supprimera plus de 500 emplois. Cette décision risque d’atteindre directement ou indirectement plus de 10 000 travailleurs et leurs familles. Comme au Québec, c’est toute une région qui est menacée de chômage.
Le 17 octobre, lors de l’assemblée générale des ouvriers des ateliers centraux à Ougrée, le délégué syndical Alain Pidutti demande aux travailleurs d’empêcher les patrons de démonter les installations et plaide en faveur de la nationalisation de l’outil [4]le 26 octobre les syndicats appellent à une manifestation dans la ville de Seraing. Plus de 8000 personnes vont participer au rassemblement et la vaste majorité des commerces de la ville sont fermés en solidarité avec les travailleurs [5]].
Le ton monte et la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) lance un appel pour une grève générale de 24 heures le 7 décembre. La Fédération européenne des métallurgistes (organisation qui regroupe 68 syndicats de métallos à travers le monde) appuie l’initiative [6]. Le 7 décembre 2011, c’est 40 000 personnes qui prennent d’assaut les rues de Liège pour dénoncer les menaces de mises à pied et réclamer la nationalisation de la sidérurgie. Des actions de solidarités sont organisées dans presque toutes les usines ArcelorMittal en Europe.
Le président des métallos FGTB pour la région Liège-Luxembourg, Francis Gomez, y déclare : « quand le capital détruit nos emplois, le juste retour des choses c’est de s’approprier évidemment ce qui nous appartient, nos entreprises nous appartiennent, c’est pour ça qu’ont se dit que la seule possibilité de survivre, c’est de nationaliser la sidérurgie [7] »
La mobilisation des métallos liégeois s’inscrit dans une mobilisation plus large contre l’austérité budgétaire et pour la création d’emplois de qualité. Le 2 décembre 2011 une manifestation intersyndicale (CSC, FGBT, CGSLB [8]) avait réuni plus de 80 000 personnes à Bruxelles et les syndicats militent présentement en faveur d’une grève générale le 30 janvier 2012.
Métallos de tous les pays, unissez-vous !
De Liège [9]à Contrecœur, en passant par Alma, le combat est le même. Tous les travailleurs, par leurs revendications, défendent leurs conditions de vie et celles de leurs communautés et luttent contre la barbarie du système capitaliste.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de ces événements pour éviter les fermetures d’usines et la destruction de nos conditions de travail ?
1) Il faut rompre avec le corporatisme et sortir de la logique sectorielle. Il faut que chaque conflit ouvrier mobilise toute la communauté. C’est le seul moyen pour briser les tactiques déloyales des compagnies et du gouvernement (scabs, injonctions) et de rééquilibrer le rapport de force.
2) Lorsque la compagnie ne démontre aucune bonne foi et que la fermeture de l’usine semble inévitable, les employés ne doivent pas hésiter à réclamer la nationalisation de l’outil. C’est ça ou le chômage. Les employés connaissent mieux l’usine que leurs patrons et les actionnaires. La compagnie pille nos ressources naturelles. Le gouvernement donne aux multinationales milliardaires des subventions et des déductions d’impôt astronomiques. Il n’y a donc aucune honte à réclamer ce qui nous appartient de droit.
3) Depuis 2008, tous les pays occidentaux font face aux mêmes problèmes (destruction des services publics, budget d’austérité, marchandisation de l’éducation, précarisation des conditions de travail). Nous n’avons pas le choix ; notre seule option est de réagir ensemble contre la destruction de nos droits les plus élémentaires. Les travailleurs ont le plus grand besoin d’une organisation politique internationale. Les capitalistes en ont plusieurs, il nous en faut au moins une !
« L’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »
Statuts de l’A.I.T. (1864)
Par Henri Saint-François d’Alternative socialiste [10]