Pourtant ce n’est pas la première fois que les contribuables québécois se font flouer dans ce genre de subvention. En 1987 le gouvernement Bourassa avait accordé un prêt sans intérêt de 200 millions remboursable également dans 30 ans à la compagnie General Motors de Boisbriand qui arrivera à échéance en 2017. L’usine a fermé ses portes en 2002 et pas un sou n’a été remboursé jusqu’à maintenant. Les intérêts courus, selon les estimations des taux de l’époque, représentent à eux seuls un don de plus de 500 millions pour l’ensemble de la période, donc de 250 millions pour les 15 années qui restaient après la fermeture.
Mais ce n’est pas tout, si on tient compte des performances récentes du ministre Gignac dans le cas de la fermeture de la compagnie Electrolux annoncée il y a deux ans, il y a de quoi s’inquiéter. En effet Investissement Québec avait autorisé une contribution de 4,7 millions de dollars à peine deux ans avant l’annonce de la fermeture, dont deux millions déjà versés se sont envolés en fumée. Il est plus qu’inquiétant de constater avec quelle frivolité le gouvernement subventionne les compagnies sans exiger aucune garantie. Dans le cas qui nous occupe, le gouvernement va encore plus loin en accordant un financement garanti de 112 millions dans le cadre des « améliorations au régime fiscal des sociétés pour en accroître la compétitivité et conférer à Alcan des bénéfices fiscaux » prévus à l’entente. C’est complètement indécent, particulièrement à l’heure où ce gouvernement coupe dans les services publics « pour équilibrer son budget » et veut faire payer aux jeunes un fardeau supplémentaire en augmentant les frais de scolarité.
RTA bénéficie avec cette entente de tous les incitatifs pour poursuivre le lockout. Le gouvernement lui garantit non seulement le rachat de son excédent de production d’électricité mais la compagnie enregistre des profits substantiels avec cette vente d’énergie parce qu’Hydro-Québec doit payer le tarif industriel, qui est quatre fois plus élevé que les coûts de production de la compagnie. Même si elle n’en a pas besoin, la société d’État a dû acheter 10 millions $ d’électricité à l’aluminerie, en plein conflit de travail, seulement pour le mois de janvier 2012.
Selon le directeur québécois des Métallos Daniel Roy : « il est curieux, que le lockout tombe quand le coût de l’aluminium est bas et que le nombre de cadres est démesuré, en plein ce qu’il faut pour opérer en période de lockout. Cette compagnie-là voulait un lockout et elle l’a fait, impunément, grâce au gouvernement qui permet un tel déséquilibre dans les rapports de force. »
Malgré tout cet arsenal, le mouvement de résistance au lieu de s’essouffler, prend de l’ampleur. L’appui à la lutte des travailleurs de RTA dépasse de loin la région du Saguenay, des syndicats de tout le Québec tant FTQ que CSN ont apporté leur soutien physique et matériel. Prenant la multinationale sur son propre terrain, le syndicat a déjà reçu des appuis internationaux et organise une journée de solidarité internationale le 31 mars à Alma.
Mais RTA peut dormir tranquille, le ministre Gignac accourt aussitôt à son secours. Dans une déclaration adressée aux médias, il a accusé le syndicat de partir en croisade à travers la planète pour un débat idéologique en démonisant la sous-traitance. Alors que c’est l’employeur qui décrète un lockout, devant lequel les travailleurs n’ont aucun recours. Alors que les syndiqué-e-s luttent en réalité pour un plancher d’emploi et contre l’introduction de ce qui s’apparente à des clauses orphelines pour les nouveaux et nouvelles employé-e-s qui travailleraient à rabais. Le ministre Gignac aurait reçu une commande de la direction de la compagnie, qu’il n’aurait pas agi autrement.