Logique de guerre et logique de Paix : alerte ! (résumé)
Bolsonaro se refuse à participer à des débats. Pendant ce temps, sa machine de production de fausses informations manipule les sentiments de beaucoup de personnes peu informées.
Ceux qui n’ont pas pris position pour un camp ou pour l’autre peuvent encore prendre conscience que nous courrons le risque qu’un aventurier, porteur d’une logique de destruction, dans son esprit et dans son cœur, devienne le prochain président du Brésil.
Avec un candidat qui nous terrorise, en pointant des armes, pour l’instant imaginaires, vers ceux qui sont en désaccord avec lui, nous sommes peut-être à l’aube d’un autoritarisme dur, plus difficile et plus douloureux que celui de la dictature de 1964. Bolsonaro n’a-t-il pas dit que les militaires n’avaient pas fusillé tous ceux qui auraient dû être fusillés ?
Par l’exemple qu’il donne, il peut libérer, dans la période de deux mois entre son éventuelle élection et la passation des pouvoirs, des instincts et des rancœurs de personnes qui décideront de faire justice – et d’appliquer des « sanctions » – de leurs propres mains.
Nous devons amener le grand contingent électoral en mesure de déterminer l’issue du second tour à découvrir la différence abyssale qui existe entre les deux candidats
Une chose est d’élire le candidat d’un parti en ayant des désaccords avec son programme, une autre est d’élire un candidat qui ne fait aucun complexe à accepter la pratique de la torture ou à glorifier la violence, et qui compte parmi ses appuis des groupes brutalement racistes, homophobes, misogynes et même nazi-fascistes.
La motivation de beaucoup de ceux qui ont voté pour Bolsonaro lors du premier tour était la peur du retour du PT au pouvoir.
De fait, le PT paye aujourd’hui une grande erreur : même si il a crée et appuyé des institutions de combat à la corruption, il a, en même temps, et de façon contradictoire, recherché les conditions de l’exercice du pouvoir en acceptant et même en facilitant les pratiques habituelles de la culture politique brésilienne, pratiques qui amènent nécessairement à la corruption.
L’écho donné à cette erreur par ses rivaux a fait en sorte qu’elle recouvre tout ce qu’il avait fait de bon et de juste, et ainsi le PT a été assimilé seulement à la corruption.
Même si le PT ne fait pas son autocritique, il vaut mieux lui donner la possibilité de se rattraper dans la pratique, que de donner le pouvoir à une personne qui défend ouvertement la brutalité pour résoudre les problèmes.
La déception vis a vis du PT, la peur de son retour et même la haine à son égard ne peuvent pas empêcher de voir à quel point l’alternative qui est proposée est ténébreuse.
Bolsonaro essaie d’utiliser le vote pour conquérir le pouvoir. Mais l’histoire nous a déjà montré que le choix démocratique n’empêchait pas que des mécanismes pervers, créés par le pouvoir installé, pénètrent dans le tissu social en s’appuyant sur les fragilités humaines.
La grande manifestation à l’appel des femmes brésiliennes, le 29 septembre a crée l’espoir d’un réveil. Des millions de personnes ont répondu à l’appel et sont sortis dans les rues, dans tout le pays, pour refuser de façon catégorique le vote pour ce candidat, dans un « ELE NAO » (« pas lui ») retentissant et unanime.
Bolsonaro a déjà dit ouvertement son mépris pour les noirs, les indiens, quilombolas (communautés autonomes de descendants d’esclaves NDT), pour les femmes, pour ceux qui font d’autres choix sexuels, pour les plus fragiles. Il est raisonnable de penser que ces segments de la population risquent de souffrir de persécutions telles que celles souffertes par les juifs quand Hitler a pris le pouvoir – là aussi, au travers d’élections libres – et les a identifiés comme l’ennemi de la suprématie allemande.
Ce parallèle fait froid dans le dos.
Le principal ennemi de Bolsonaro est encore celui qui a été désigné pendant les presque 50 ans de Guerre Froide, qui a divisé les nations en deux visions de société antagoniques : d’un coté, la vision positive du régime « démocratique et civilisé de l’occident chrétien » et, de l’autre, la vision négative du régime « communiste et athée » capable de crimes odieux sous la direction de dictateurs assassins.
SI cette division binaire du monde fait déjà partie du passé dans le monde développé, elle est encore très présente dans sa périphérie. C’est pour cette raison que certains segments religieux ont appuyé le coup d’état « anti-communiste » de 64 et sympathisent aujourd’hui avec le candidat Bolsonaro.
Ainsi, il est en guerre contre ce qu’il appelle « la gauche », une catégorie unique et diabolique des ennemis du Brésil. Et il a déjà donné toutes les indications sur le fait qu’il sera un gouvernant autoritaire et même dictatorial.
Selon lui, il serait nécessaire de l’être pour affronter tous les groupes, partis et mouvements sociaux critiques du modèle économique (capitaliste), ce qui inclut même le Pape François.
Bolsonaro est un militaire. Et la formation militaire se base sur une logique spécifique, que j’appelle la logique de guerre.
C’est une logique perverse : l’objectif est de détruire l’adversaire. Pour que l’un gagne, il faut que l’autre perde. La logique de guerre est une logique de violence. C’est tout le contraire de la logique de construction d’une société humaine, qui a besoin de dialogue, de négociation, d’inclusion, de tolérance, de diversité.
Et Bolsonaro pense, parle et agit dans cette logique de guerre.
Une guerre se gagne en tuant et en détruisant. Tuer pour ne pas être tué, détruire pour ne pas être détruit.
Est-ce que la fin – la défense du pays, ou de la « patrie » – peut justifier tous les moyens ? Ce principe peut amener à des crimes, y compris dans l’activité militaire elle-même, par le non respect de ce qu’on appelle les « lois de la guerre » – comme le refus de la torture pour arracher des informations à l’ennemi. Bolsonaro a déjà déclaré qu’il accepte la torture, et, lors de son vote en faveur de l’impeachment de Dilma Roussef, il a rendu hommage à un tortionnaire connu, le Colonel Ustra.
La guerre, c’est la guerre. Et dans la guerre, il est permis de tuer. Sa logique nous enlève toute humanité. Bolsonaro ne nous a-t-il pas déjà expliqué que le policier devient un bon policier quand il peut inscrire une mort dans son CV ?
La question qui se pose, pour ce deuxième tour des élections, c’est le risque d’un aventurier sans scrupules, qui raisonne seulement dans une logique de guerre, et qui pousse notre pays dans une polarisation encore plus brutale et violente que celle que nous vivons déjà. Voici l’analogie faite par le journal argentin Pagina 12 : Bolsonaro aime être comparé à Trump, mais il ressemble plutôt, par sa biographie et par son goût du sang, au président des Philippines, Rodrigo Duterte – un tyran élu qui est devenu une référence en matière d’exécutions extra-judiciaires.
Il ne suffit pas de voter blanc ou nul : si nous ne votons pas contre lui, il sera le prochain président du Brésil.
La logique de Paix existe aussi.
Chico Whitaker, 12/10/2018
Texte complet en portugais :
Et
https://jornalistaslivres.org/logica-de-guerra-e-logica-de-paz-por-chico-whitaker/
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