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Santé

Lettre à François Legault sur les effets de la pandémie et des mesures de gestion de crise (CCMM-CSN)

Montréal, le 23 juin 2021 - Après un an de pandémie, les travailleuses et travailleurs du Québec sont épuisés et inquiets, particulièrement dans les secteurs névralgiques tels la santé et les services sociaux ainsi que l’éducation. Il est de votre responsabilité de vous assurer que les mesures mises en place par votre gouvernement pour lutter contre la pandémie n’exacerbent pas leur détresse. Au contraire, vous devez faire montre de compréhension et de sensibilité face à la situation des personnes les plus vulnérables de notre société, qui sont au cœur de la lutte contre la COVID-19 et travaillent quotidiennement au bien-être de leurs concitoyennes et concitoyens.

MONTREAL, le 23 juin 2021 /CNW Telbec/ -

Monsieur François Legault,
Premier ministre du Québec

Geneviève Guilbault
Ministre de la Sécurité publique

Objet : Gestion de la pandémie

Monsieur Legault,

La pandémie et la façon dont le confinement a été — et reste d’ailleurs — appliqué ont permis de mettre en lumière certaines situations d’inégalités et de discriminations systémiques au sujet desquelles nous souhaitons attirer votre attention. Bien sûr, la situation quant à la transmission de la COVID-19 s’améliore de jour en jour. Cependant, nous pensons qu’il faut tirer des leçons de cette crise à différents égards, notamment en ce qui concerne les conditions de travail dans le secteur public et la situation des personnes précarisées.

Ainsi, le Conseil central du Montréal métropolitain‒CSN (CCMM‒CSN) souhaite souligner certains effets délétères de la pandémie de COVID-19 et des mesures mises en place par votre gouvernement, qui ne sont toujours pas corrigés par le plan de relance que votre gouvernement a adopté, faute de mesures appropriées envers les personnes en position de vulnérabilité sociale. Par exemple, combien de personnes n’ont toujours pas retrouvé d’emploi, surtout parmi celles à bas salaires, comme le souligne Statistique Canada ? Le CCMM‒CSN désire également vous transmettre ses profondes inquiétudes face à certaines dérives antidémocratiques qui pourraient découler de la pandémie et de sa gestion par le gouvernement du Québec. Les éléments abordés dans cette lettre sont issus d’observations directes sur le terrain.

D’abord, contrairement à ce que plusieurs affirment, toutes et tous ne sont pas égaux face à la pandémie de COVID-19.

D’une part, les personnes à faibles revenus, qui sont le plus souvent des femmes, des personnes racisées, des jeunes et des personnes sans statut, sont surreprésentées dans les secteurs jugés essentiels : santé et services sociaux, commerce, agriculture et alimentation, etc. Plusieurs le sont aussi dans les secteurs les plus durement touchés par les mesures sanitaires de gestion de la pandémie : le tourisme et l’hôtellerie, la restauration, le commerce de détail, etc. Ceci fait non seulement en sorte que ces personnes ont subi plus durement que l’ensemble de la population les conséquences économiques de la pandémie, mais encore qu’elles sont davantage exposées au virus en raison des emplois qui sont les leurs. Elles sont placées dans une situation de stress et d’anxiété presque chroniques, étant constamment en présence de personnes contaminées par la maladie en plus de travailler et de vivre dans des conditions déjà difficiles avant même le début de la pandémie.

D’autre part, en raison de leur situation socioéconomique, ces personnes ont souvent subi les mesures de confinement ainsi que le couvre-feu de manière plus accentuée que la population dans son ensemble. Le fait d’utiliser le transport en commun, de travailler dans des milieux à risque, d’habiter dans des logements exigus et surpeuplés les expose particulièrement au risque de contamination. Travailler selon des horaires atypiques dans des conditions parfois dangereuses fait en sorte qu’elles subissent la menace de la maladie de manière exacerbée par rapport à l’ensemble de la population québécoise. Les conséquences psychologiques des mesures de confinement et du couvre-feu les ont atteintes de plein fouet. Nous pensons que leurs conditions de travail et certaines mesures de gestion de la pandémie mises en place par votre gouvernement les ont placées dans une situation intenable, les menant à l’épuisement professionnel — que le projet de loi 59 refuse d’ailleurs de reconnaître.

D’un point de vue démocratique, la manière dont votre gouvernement a agi depuis le début de la pandémie soulève plusieurs enjeux de nature à nous inquiéter. Les modifications à la manière dont sont tenues les consultations publiques au Québec, notamment les commissions parlementaires, ne vont pas dans le sens d’une participation démocratique pleine et entière. Les nombreux décrets émis par votre gouvernement, notamment dans les secteurs de la santé et des services sociaux et de l’éducation est également pour nous une préoccupation importante. La mise au rencart de projets de loi importants pour la population québécoise en raison des conditions imposées par la pandémie nous paraît elle aussi problématique. C’est en particulier le cas en ce qui concerne le projet de loi 39 sur la réforme du mode de scrutin, qui est maintenant remis aux calendes grecques, alors que votre parti et vous-mêmes vous étiez fermement engagés à procéder à des modifications essentielles au mode de scrutin avant la tenue de la prochaine élection québécoise. C’est avec une immense déception, une certaine frustration et une colère certaine que nous avons appris le 28 avril dernier que votre gouvernement reculait sur cette promesse faite durant la période électorale, qui nous paraissait pourtant porteuse et susceptible de favoriser une meilleure représentation de la population au sein de l’Assemblée nationale. Nous pensons qu’il est toujours temps d’agir pour réformer le mode de scrutin, et nous demandons avec insistance que votre gouvernement s’y attelle rapidement afin que la réforme attendue — et promise — voie le jour dans les plus brefs délais.

En conséquence de ce qui précède, le CCMM‒CSN vous demande de redresser le tir, d’adopter des mesures de justice sociale et de faire montre de plus de sensibilité à l’égard de la situation des personnes les plus précarisées de notre société puisque ce sont ces mêmes personnes qui assurent des soins essentiels à la santé et la sécurité du public, le gouvernement doit tout faire pour atténuer les effets des mesures sanitaires sur celles-ci — ce n’est que leur rendre justice. Nous sommes persuadés que la mise en œuvre de nos suggestions permettra d’améliorer les choses au-delà de la pandémie.

Le CCMM‒CSN demande donc que de meilleures conditions sanitaires et de travail soient instaurées pour favoriser le bien-être des travailleuses et travailleurs essentiels, au bénéfice de l’ensemble de la population et ce, au-delà de la pandémie. Est-il nécessaire de rappeler ici que la surmortalité des aîné-es au Québec résulte en grande partie des surcharges et mauvaises conditions de travail du personnel soignant et des préposé-es aux bénéficiaires qui, depuis la réforme Barrette, sont déplacées d’un établissement à l’autre ?

Non seulement les équipements de protection individuelle doivent être disponibles en tout temps, mais les conditions de travail doivent également être améliorées, notamment en ce qui concerne la santé-sécurité du travail, les horaires de travail ainsi que l’accès aux congés et aux vacances. D’ailleurs, l’actuelle ronde de négociations dans le secteur public serait une excellente occasion de régler plusieurs problèmes endémiques que la pandémie a exacerbés et mis en lumière. Nous vous encourageons à donner suite aux demandes des travailleuses et des travailleurs afin d’améliorer leurs conditions de travail et du même coup assurer la pérennité et la qualité des services publics québécois.

En ce qui concerne plus particulièrement les personnes sans statut, le CCMM‒CSN tient à rappeler ici que les droits sont interdépendants. Les restrictions d’accès aux soins et à d’autres droits de base ne peuvent que dégrader la situation pour l’ensemble des citoyens. Le CCMM‒CSN demande que toutes les personnes résidant sur le territoire québécois puissent disposer d’un statut et de documents légaux leur permettant de travailler et de se loger décemment, sans risque d’exploitation. Le CCMM‒CSN demande également que ces personnes aient accès aux services publics de santé et de services sociaux, d’éducation, ainsi qu’à des services de garde à la petite enfance.

D’une manière générale, le rehaussement du salaire minimum au-delà de 15 $ est une mesure de nature à rééquilibrer les conditions de travail et de vie des populations les plus durement touchées telles les femmes, les personnes racisées, et les personnes sans statut. La Loi sur les normes du travail doit aussi être revue pour que l’accès à dix jours de congé de maladie payés en cas de covid soit universalisé.

Le CCMM‒CSN demande également que des mesures soient mises en place afin de s’assurer de la protection des droits de l’ensemble de la population, notamment au point de vue des processus démocratiques. Nous ne saurions tolérer que le recours à des décrets devienne la norme. Bien au contraire, il est crucial que votre gouvernement fasse tout ce qui est en son pouvoir pour que la voix et les intérêts de l’ensemble de la population soient au cœur de la vie démocratique québécoise.

Après un an de pandémie, les travailleuses et travailleurs du Québec sont épuisés et inquiets, particulièrement dans les secteurs névralgiques tels la santé et les services sociaux ainsi que l’éducation. Il est de votre responsabilité de vous assurer que les mesures mises en place par votre gouvernement pour lutter contre la pandémie n’exacerbent pas leur détresse. Au contraire, vous devez faire montre de compréhension et de sensibilité face à la situation des personnes les plus vulnérables de notre société, qui sont au cœur de la lutte contre la COVID-19 et travaillent quotidiennement au bien-être de leurs concitoyennes et concitoyens.

Dominique Daigneault, présidente du Conseil central du Montréal métropolitain‒CSN

Exécutif

Conseil syndical

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