La connivence entre les médias dominants et le pouvoir s’est traduite, dans les deux premiers jours de « l’affaire DSK », par l’oubli de la victime présumée du viol dont on accuse l’ancien directeur du FMI. Soudainement orphelins de leur candidat de prédilection pour les présidentielles de 2012, les grands médias ont d’abord concentré leur attention sur les misères qui leur semblaient faites à Strauss-Kahn.
Celui-ci pouvait-il s’être abaissé à de tels comportements, alors même que les sondages lui prédisaient régulièrement une élection facile contre un Sarkozy honni ?
Surtout, ce qui justifie implicitement cette attention sélective, c’est l’idée qu’un homme blanc, fortuné et puissant, puisse être l’auteur d’une agression sexuelle. Les médias dominants n’ont en effet pas cessé, depuis une vingtaine d’années, de construire un portrait homogène du « barbare » se rendant coupable de violences sexuelles : jeune, pauvre, habitant des quartiers populaires, arabe ou noir, de culture musulmane.
Rappelons-nous, entre 2001 et 2003, l’indignation médiatique devant le « scandale des tournantes », avec son cortège d’émissions, de reportages et de débats télévisés. Celui-ci avait principalement conduit, non seulement à stigmatiser la jeunesse des quartiers populaires et à construire un « péril musulman », mais à dissimuler le fait que des viols sont commis dans toutes les classes sociales et que l’oppression des femmes n’est en rien le « privilège » d’une religion ou d’une culture particulière.
Rien n’est plus révélateur de cet aveuglement et de cette connivence spontanée avec les puissants que les témoignages de deux éditocrates invités, partout et à toute heure, à donner leur avis sur tout : BHL et Jean-François Kahn. Le premier, au nom de son amitié avec DSK, disait ne pouvoir l’imaginer coupable. Il laissait surtout entendre que la victime présumée mentait, ne serait-ce que parce qu’une femme de ménage ne pouvait être entrée seule dans la chambre d’un homme aussi puissant que le directeur du FMI. Le second, dans l’évidence d’un racisme de classe couplé au sexisme ordinaire, affirmait qu’il ne s’agissait là, si les faits reprochés étaient avérés, que d’un « troussage de domestique ».
Dernier aspect de cette médiatisation : la personnalisation outrancière de « l’affaire ». Là où celle-ci aurait pu constituer une occasion d’informer sur cette question largement délaissée des violences faites aux femmes, les médias dominants se sont complu dans la diffusion en quantité industrielle d’images inutiles, s’émouvant de détails insignifiants pour se livrer ensuite à une critique hypocrite d’une justice américaine réputée impitoyable et d’une police organisant la médiatisation.
Mais qui donc diffuse à longueur de journée les images de DSK menotté sinon les médias eux-mêmes ? Et qui donc a oublié pendant près d’une semaine toute autre information (Nakba, Syrie, Espagne, etc.), en prétextant de l’importance cruciale de cette « affaire » ?
1. Nous nous appuyons ici sur la série d’articles publiée par l’association Acrimed (Action-critique-médias).
Voir notamment : www.acrimed.org/article3593.html
Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 104 (26/05/11)