Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Les 3 options de la direction Solidaire concernant l’entente avec le PQ

La radicalité politique du dernier congrès doit les encadrer

Pour le prochain congrès de la mi-mai, la direction Solidaire propose trois options en ce qui concerne les rapports du parti avec le PQ soit le rejet de toute entente quelle qu’elle soit (A), le « pacte électoral impliquant un nombre limité de circonscriptions ayant une députation libérale ou caquiste » (B) ou le report de « la décision finale au sujet des ententes électorales […] au congrès de novembre 2017 »(C)[[Voir sur Presse-toi-à-gauche ! Les quatre premiers textes du « Cahier de propositions no.2, 12e congrès de Québec solidaire, 19-20-21-22 mai 2017. »

Cette décision à prendre s’inscrit dans le cadre d’« un chantier de réflexion et d’action » visant les « convergences et les alliances possibles entre QS et des mouvements sociaux et politiques […] porteu[se]s de valeurs comme la fin de l’austérité et le réinvestissement massif dans les services publics et les programmes sociaux, l’égalité entre les femmes et les hommes, le féminisme, la diversité, une transition écologiste et la fin du développement des hydrocarbures et proposant un nouveau mode de scrutin mixte compensatoire »... ce à quoi le PQ s’est plus ou moins rallié.

L’option A contre celles B... et B prime

Les options ‘A’ et ‘B’ reprennent à divers degrés, dans leurs propositions respectives, les « valeurs » du « chantier », ‘A’ en plus dur et spécifique et ‘B’ en plus mou et général. Les deux options clefs, en plus de souscrire au chantier, ne veulent pas « une plateforme électorale commune ni d’un programme de gouvernement... ». ‘B’ veut plutôt « des engagements minimaux sur un certain nombre d’enjeux fondamentaux... » présidant au pacte électoral limité.

‘C’, quant à elle, repose sur l’espoir que la base du PQ d’ici l’automne poussera la direction de son parti vers davantage de souplesse, ce qui ajoutera à la pression pour accepter ‘B’ de la part de Québec solidaire. En ce sens, elle devrait être qualifiée de ‘B prime’. Toutefois ‘C’ n’a-t-elle pas raison de faire remarquer qu’« au congrès de novembre 2017 […] sera également traitée la question de la plateforme électorale pour l’élection de 2018 » sans souligner, par contre, qu’il fait sens de traiter la question des options dans le cadre de la plate-forme.

Le point aveugle de des options ‘B’ et ‘C’

Ni ‘B’ ni ‘C’ ne saisissent qu’une fois franchi le seuil fatidique d’une entente, si minime soit-elle [1]2, l’électorat conclura à une alliance implicite. Il identifiera deux camps, l’un souverainiste et l’autre fédéraliste, ce qui tacitement l’invite à voter, dans un système uninominal à un tour, pour le partenaire le mieux en mesure de l’emporter là où il n’y a pas eu désistement. Si jamais le partenaire senior formait un gouvernement minoritaire, il serait politiquement coûteux à celui junior de contribuer à le renverser sous prétexte que le désaccord ne faisait pas partie de l’entente électorale.

Reste l’option ‘A’ qui convainc clairement d’un PQ néolibéral identitaire qui machiavéliquement, à la mode « gauche efficace » de son chef, cherche, par mille et une manoeuvres astucieuses, à neutraliser Québec solidaire par une « entente » pour mieux chasser sur les terres de la CAQ. Ce qui donnerait un gouvernement PQ autonomiste au goût de la CAQ, bleu bonnet du bonnet rouge Libéral. Québec solidaire en sortirait tourné en ridicule, isolé et démoralisé.

Le tendon d’Achille de l’option ‘A’

Toutefois, ‘A’ ne fait pas le plein d’appuis s’il se contente de seulement stigmatiser le PQ au profit d’un profil antilibéral que ‘B’ juge récupérable par un PQ opportuniste — et dieu sait qu’il l’est — surtout si sa base militante pousse à la roue comme le pense ‘C’. D’autant plus que le PQ a déjà fait connaître en janvier sa proposition de plate-forme électorale discutée sur la place publique alors que Québec solidaire ne la révélera que l’automne prochain. Pourtant les Solidaires auraient eu besoin d’un bon deux ans pour expliquer et ajuster une plate-forme allant à contre-courant.

D’autant plus qu’on sait que la main tendue au PQ est une option populaire au sein de Québec solidaire. Elle est soutenue tant par le principal et vedette candidat porte-parole, acquis au « nous » Solidaires et péquistes [2], que par au moins un de ses adversaires [3]. Si cette jonction anti Libéraux avec le PQ se réalisait, jetant ainsi à la poubelle le fondement antilibéral du programme et même de sa Déclaration de principes, Québec solidaire deviendrait le quatrième parti néolibéral de l’Assemblée nationale moyennant quelques adoucissements sociaux.

L’autre face de la critique antilibérale : la radicalité revendicative du congrès de 2016

Pour maximiser ses chances de l’emporter, l’option ‘A’ a à compléter sa critique du PQ par l’ébauche dès maintenant d’une plate-forme en conformité avec la radicalité du congrès de la révision du programme du printemps dernier. L’esprit de ce congrès, faisant sien l’objectif des Accords de Paris sur le climat nécessaire pour sauver la civilisation, était en syntonie avec la montée de la campagne radicale de Bernie Sanders qui a failli remporter la nomination du Parti démocrate à la présidence étasunienne n’eut été des manoeuvres de la direction de ce parti. Québec solidaire est peut-être le seul parti mondial présent dans un parlement qui ait intégré à son programme cet objectif vital... auquel manque cependant un plan de mise en oeuvre.

Guidé par les décisions de ce congrès, j’ai proposé une ébauche de plate-forme d’un « Québec indépendant pour le plein emploi écologique » [4] dont l’axe était ce plan manquant. Elle serait aussi nécessaire pour encadrer le « chantier de réflexion et d’action » avec les « mouvements sociaux et politiques ». Il serait inconcevable d’enclencher ce chantier sur la base d’une page blanche de la part d’un parti riche d’un processus programmatique long de dix ans et tout juste révisé. On ne nous prendrait même pas au sérieux si on tentait une pareille manoeuvre politicienne.

Une proposition préliminaire au débat sur les options

Ce serait encore plus clair si le prochain congrès adoptait une proposition préliminaire : Déclarer que le débat sur les trois options et que le « chantier de réflexion et d’action » se fassent dans le cadre des décisions du congrès du printemps 2016 dont les points d’orgue sont les suivants :

• Une assemblée constituante paritaire élue à la proportionnelle dès le premier mandat ;
• La « socialisation des activités économiques » en vue de « l’exploration de systèmes économiques alternatifs » à ceux « capitalistes […] essentiellement axées sur le profit » ;
• Une diminution des émanations de gaz à effet de serre des deux tiers d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990, conformément aux objectifs des Accords de Paris, tout en écartant les néolibéraux et dysfonctionnels marché et taxe carbone.

Marc Bonhomme, 2 avril 2017, www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca


[1Il y a cependant possibilité d’une déclaration unilatérale de désistement anti-CAQ en autant que la CAQ se démarque par un néolibéralisme pur et dur et surtout par un identitarisme sans fard qui le situe seul à la droite extrême. Une telle déclaration mettrait sur la sellette tant le PQ que les Libéraux pour que l’un ou l’autre se désiste aussi dans les comtés que la CAQ est susceptible de prendre et où l’un ou l’autre de ces partis est en troisième place.

[2Marc Bonhomme, Le premier message de Gabriel Nadeau-Dubois aux solidaires (lettre), Le Devoir, 27/03/17

[3Marco Bélair-Cirino, Jean-François Lessard veut presser le pas, Le Devoir, 1/04/17

[4Marc Bonhomme, Une alliance sociale basée sur une plate-forme Solidaire mobilisatrice — Un Québec indépendant de plein emploi écologique, Presse-toi-à-gauche, 14/03/17. On trouvera une version plus récente sur mon site web.

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