Édition du 17 décembre 2024

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Crise climatique

Le changement climatique va fortement ralentir l’économie mondiale, et c’est déjà le cas

Les raisons d’engager un combat mondial pour contrer, autant qu’il est encore possible, le réchauffement climatique et réduire très fortement les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas économiques mais humaines. Mais on peut, en complément, s’appuyer sur des évaluations des effets typiquement économiques de ce phénomène, comme en son temps (2006) le « rapport Stern », certes controversé, mais qui avait fait grand bruit. En passant, Nicholas Stern est devenu encore plus inquiet qu’au moment de son rapport : le « coût de l’inaction » progresse quand l’action est bien trop faible.

Hier 26 septembre, le « climate vulnerable forum » (site http://tinyurl.com/c76qgao) a lancé la deuxième édition de son rapport, dont la première version datait de 2010. Ce forum est très intéressant car c’est un partenariat de vingt pays du Sud, avec leurs experts et leurs institutions de recherche. Le nouveau rapport n’est pas encore en ligne, mais celui de 2010 est déjà d’un énorme intérêt et j’en reparlerai. Il envisage en effet les multiples conséquences du réchauffement global, via des évaluations de la vulnérabilité des pays du monde, surtout les plus pauvres, mais aussi celle des pays riches, aux premiers rangs desquels on trouve les Etats-Unis et l’Espagne. La Chine est particulièrement menacée.

Voici des informations que j’ai reçues ce matin via la fondation GoodPlanet (http://www.goodplanet.info/). Il s’agit d’un communiqué de l’AFP à New York, que je reproduis intégralement.

Le changement climatique ralentit actuellement de 1,6% la production économique mondiale et devrait conduire à un doublement des coûts mondiaux dans les vingt prochaines années, selon un rapport révélé mardi aux Etats-Unis.

Le document produit par le DARA and Climate Vulnerable Forum, un partenariat de vingt pays établi en 2009 et qui doit être présenté mercredi à New York, brosse un portrait sombre des retombées économiques du changement climatique.

Ce rapport relève ainsi l’existence “d’un mal sans précédent pour la société humaine et le développement économique actuel qui va de plus en plus freiner la croissance, d’après une mise à jour décisive et une révision des estimations antérieures des pertes liées au changement climatique”.

Cependant, note le document, s’attaquer aux causes du changement climatique permettrait d’entraîner au contraire “des profits économiques majeurs pour la planète, qu’il s’agisse des grandes économies comme des nations pauvres”.

L’étude met aussi en avant des estimations selon lesquelles les économies fortement émettrices de carbone sont responsables de cinq millions de morts par an, essentiellement dues à la pollution de l’air.
“L’échec des actions contre le changement climatique coûte déjà à l’économie mondiale 1,6% de son PIB, soit 1.200 milliards de dollars par an de prospérité”, poursuit-il.

De plus, “les températures qui grimpent rapidement et la pollution liée au carbone vont contribuer à doubler les coûts mondiaux jusqu’à 3,2% du PIB de la planète d’ici 2030″.
Si les pays les plus pauvres devraient prendre de plein fouet ces retombées en termes de perte de PIB, les grandes économies ne seront pas épargnées.

“Dans moins de 20 ans, la Chine va subir la plus grande part de toutes les pertes, au-delà de 1.200 milliards de dollars”, soulignent les auteurs, qui estiment que ces chiffres “éclipsent les coûts modestes” pour s’attaquer au changement climatique.

La présidente du Forum, le Premier ministre du Bangladesh Sheikh Hasina, a assuré que ces changements allaient être dévastateurs pour son pays. “Un degré Celsius en plus signifie 10% de perte de productivité dans l’agriculture”, a-t-elle prévenu. “Pour nous, cela signifie perdre près de quatre millions de tonnes de céréales, ce qui équivaut à 2,5 milliards de dollars (…) Si l’on ajoute les autres dégâts en termes de prospérité, nous faisons face à une perte totale de 3 à 4% de notre PIB”, a-t-elle renchéri.

Pour Jeremy Hobbs, directeur exécutif d’Oxfam International, ce rapport “rappelle une fois de plus que les conséquences les plus cruelles du changement climatique sont la faim et la pauvreté”.
“Les coûts économiques et sociaux de l’inaction politique sur le changement climatique sont renversants”, a-t-il regretté.

Jean Gadrey

Jean Gadrey, né en 1943, est Professeur honoraire d’économie à l’Université Lille 1.
Il a publié au cours des dernières années : Socio-économie des services et (avec Florence Jany-Catrice) Les nouveaux indicateurs de richesse (La Découverte, coll. Repères).
S’y ajoutent En finir avec les inégalités (Mango, 2006) et, en 2010, Adieu à la croissance (Les petits matins/Alternatives économiques), réédité en 2012 avec une postface originale.
Il collabore régulièrement à Alternatives économiques.

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