Tiré d’AfrikArabia.
La ferveur était bien au rendez-vous ce mardi dans les rues de Kinshasa pour accompagner la papamobile de François jusqu’au Palais de la Nation. Des dizaines de milliers de Kinois s’étaient massés sur le bord des boulevards pour applaudir un Pape très attendu. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le premier discours du souverain pontife a tenu ses promesses. Dans un pays ultra riche en ressources minières, mais avec 70% des Congolais qui vivent sous du seuil de pauvreté, les paroles du Pape ont frappé fort. « Retirez vos mains de la République démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! » a dénoncé François sous les applaudissements. « Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! »
Une corruption prédatrice
Le Pape ne s’est pas privé pour fustiger un « colonialisme économique » dans un pays « largement pillé, et qui ne parvient pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources ». François a donc vengé en quelques secondes des millions de Congolais en dénonçant « le monde entier qui ferme les yeux, les oreilles et la bouche ». Mais les oreilles de certains hommes d’affaires et politiciens congolais ont tout de même dû siffler en écoutant la suite discours de François. Car si les Congolais ne profitent pas des richesses du pays, c’est que la corruption, quasi-endémique au Congo, détourne ces richesses vers une élite largement prédatrice. Pour le souverain pontife, « ce sont souvent les ténèbres de l’injustice et de la corruption qui obscurcissent la lumière du bien ». A bon entendeur…
« Ne pas s’habituer au sang qui coule »
Concernant le conflit armé qui secoue l’Est du pays depuis bientôt trois décennies, le message de François était plus classique : paix, réconciliation et compassion avec les victimes. Mais là encore, sans oublier de condamner le reste du monde qui semble regarder les bras croisés un conflit oublié. « La communauté internationale s’est presque résignée à la violence qui le dévore, s’est désolé le Pape. Nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule dans ce pays, faisant des millions de morts ». François n’est pas rentré dans la dénonciation explicite des groupes armés et des pays qui les soutiennent (on pense au Rwanda), mais il s’est élevé contre « le tribalisme » et ceux qui « prennent part pour leur ethnie, alimentant des spirales de haine et de violence ». Dénonçant ainsi, un mal, qui ronge de nombreux pays de la région. Ils se reconnaîtront.
Tshisekedi accuse l’agression rwandaise
Le président Tshisekedi a, quant à lui, joué une partition attendue. Profitant de l’aubaine de la venue du souverain pontife et de la tribune internationale qui lui était offerte, le président congolais n’a pas hésité à citer son turbulent voisin. Le chef de l’Et a accusé « les puissances étrangères, avides de minerais, [qui] commettent avec l’appui direct et lâche de notre voisin le Rwanda, de cruelles atrocités ». Félix Tshisekedi en a également profité pour marteler que le Congo « continuera d’assumer ses responsabilités… et la défense de son territoire ». Une mise au point qui intervient quelques jours après la prise de Kitshanga par les rebelles du M23. La rébellion, après s’être retirés de Kibumba et de Rumangabo, tente actuellement une percée vers l’Ouest et le Masisi, espérant isoler l’approvisionnement de la ville de Goma. Enfin, à 11 mois d’une élection présidentielle, dont l’organisation commence à prendre du retard, les Congolais attendaient également une prise de positions du Pape sur la démocratie et la transparence des scrutins en Afrique, et en particulièrement en RDC. Ils devront sans doute patienter un peu. Le Pape François est encore au Congo pour trois jours.
Christopher Rigaud – Afrikarabia
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