Édition du 19 novembre 2024

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Évasion fiscale

Le Canada au Luxembourg : 120 G$ de profits nets transférés dans la dernière décennie

MONTRÉAL, le 2 nov. 2023 - L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) publie aujourd’hui une nouvelle étude qui présente un portrait inédit de l’évitement fiscal de multinationales canadiennes au Luxembourg grâce aux informations comptables de leurs 280 filiales luxembourgeoises. Les données recueillies indiquent que depuis près d’une décennie, 59 entreprises canadiennes, dont 33 ayant leur siège social au Québec, ont transféré des profits de 119,8 G$ vers le Luxembourg. Entre 2011 et 2021, ces transferts de bénéfices ont connu une augmentation annuelle moyenne de 20 %.

Pratiques fiscales préoccupantes dans le secteur de l’alimentation

Les multinationales répertoriées appartiennent à tous les secteurs de l’économie, dont celui de l’alimentation. Les données recueillies indiquent que le quart des profits transférés au Luxembourg dans les cinq dernières années relèvent de ce secteur.

« Pendant que les ménages prennent sur leurs épaules la hausse des prix des aliments, certaines entreprises du secteur de l’alimentation ne paient pas leur juste part d’impôt sur les profits réalisés, ce qui est préoccupant dans le contexte actuel », explique Sophie Elias-Pinsonnault, chercheuse associée à l’IRIS et co-autrice de l’étude.

Éviter l’impôt tout en réclamant des fonds publics

L’étude publiée aujourd’hui montre qu’il n’est pas rare que des entreprises bénéficient de subventions publiques tandis qu’elles multiplient les stratagèmes fiscaux depuis le Luxembourg. « Contrairement à des pays tels que la France, le Danemark et la Pologne, qui ont empêché les entreprises actives dans des paradis fiscaux l’accès à des aides financières publiques découlant de la pandémie, le Canada a refusé d’imposer une telle réglementation », rappelle Colin Pratte.

CAE Inc., multinationale basée à Montréal dans le secteur de l’aéronautique, a notamment transféré au Luxembourg des profits nets de 99,2 M$ en 2020-2021 alors qu’elle recevait au même moment 115,7 M$ du programme fédéral de subventions pour les salaires et pour le loyer des entreprises touchées par la COVID-19. Les données recueillies nous apprennent également que la société Northvolt, qui recevra jusqu’à 7,3 G$ en fonds publics pour la construction d’une usine de batteries, cumulait quant à elle des actifs de 637, 6 M$ dans sa filiale au Luxembourg en 2022.

« Bien que légale, l’évitement fiscal est toujours une pratique répréhensible, particulièrement lorsque celle-ci se déroule en pleine crise sociale », remarque le chercheur.

Des solutions connues depuis 1992

La principale stratégie d’évitement fiscal décrite dans l’étude consiste à augmenter artificiellement l’endettement d’une entreprise afin d’accroître ses frais d’intérêts et ainsi réduire son revenu imposable. Cette planification par « dette intra-groupe » a pourtant fait l’objet d’un rapport du Vérificateur général du Canada en 1992, puis d’un projet de loi en 2007 qui fut finalement abrogée suite aux pressions des entreprises concernées.

« Les paradis fiscaux ont des conséquences concrètes sur la vie des gens et les solutions, connues depuis au moins trente ans, permettraient de répondre aux crises majeures de notre époque », conclut Sophie Elias-Pinsonnault.

Pour lire l’étude

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