Édition du 29 octobre 2024

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Asie/Proche-Orient

La prison de Saidnaya est le lieu où l'État syrien massacre en silence sa propre population – Amnistie internationale

Chaque semaine, bien souvent deux fois par semaine, entre 20 et 50 personnes sont sorties de leur cellule pour être pendues au beau milieu de la nuit. Au moins 13 000 personnes ont été tuées à Saidnaya depuis 2011, dans le plus grand des secrets. Bien d’autres personnes encore sont mortes à Saidnaya après avoir été soumises à la torture de manière répétée, et privées, de façon systématique, de nourriture, d’eau, de médicaments et de soins médicaux. Les corps des personnes tuées à Saidnaya sont enlevés par camions et enterrés dans des charniers. Il est inconcevable que ces pratiques systématiques et de grande ampleur n’aient pas été autorisées au plus haut niveau du gouvernement syrien.

Pendaisons collectives

Au moins 13 000 personnes sont mortes par pendaison à Saidnaya entre septembre 2011 et décembre 2015.

Avant leur condamnation à mort, les victimes doivent affronter ce que les autorités syriennes appellent un « procès » devant un tribunal militaire opérationnel. En réalité, il s’agit d’une procédure qui ne dure qu’une minute ou deux, et qui a lieu dans un bureau, devant un militaire, et au cours de laquelle le nom du détenu est consigné dans un registre des morts.

Le jour de l’exécution, que les gardiens de prison désignent sous le nom de « fête », ils vont chercher au cours de l’après-midi dans leur cellule les personnes qui seront exécutées. Les autorités informent les détenus qu’ils vont être transférés vers l’une des prisons civiles, que beaucoup imaginent bénéficier de meilleures conditions de détention. Au lieu de cela, ils sont amenés dans une cellule au sous-sol du bâtiment, où ils sont frappés violemment.

Un ancien gardien de prison décrit la manière dont les prisonniers sont roués de coups toute la nuit durant, avant d’être conduits vers une « salle d’exécution » :

"N’importe qui peut venir et les frapper, jusqu’à ce que l’officier arrive. On sait déjà qu’ils vont mourir de toute façon, donc on peut leur faire ce que l’on veut."
Un ancien gardien de prison de Saidnaya

La salle d’exécution de Saidnaya a été agrandie après le mois de juin 2012, afin qu’un plus grand nombre de personnes puisse être exécuté simultanément. Des cordes sont alignées le long du mur. Lorsqu’elles entrent dans la pièce, les victimes ont les yeux bandés et ne savent pas qu’elles sont sur le point d’être tuées. On leur demande ensuite d’apposer leur empreinte digitale sur des documents établissant leur décès. Enfin, ils sont emmenés, toujours les yeux bandés, sur des estrades en béton, puis pendus. Ils ne savent pas quand ni comment l’exécution aura lieu jusqu’au moment où les cordes sont placées autour de leur cou. Des détenus emprisonnés dans les étages situés au-dessus de la salle d’exécution ont signalé qu’ils entendaient parfois le bruit de ces pendaisons.

À l’heure actuelle, des prisonniers continuent d’être transférés vers Saidnaya, et le tribunal militaire opérationnel d’Al Qaboun poursuit ses « procès ». Il n’y a donc aucune raison de croire que les exécutions aient pris fin.

Des actes de torture inimaginables

Des anciens prisonniers parlent d’un cycle sans fin de passages à tabac : durant le voyage à la suite de l’arrestation, pendant les transferts entre les différents centres de détention, à l’arrivée dans la prison, et parfois chaque jour pour le moindre « manquement » aux règles, y compris le fait de parler ou de ne pas nettoyer sa cellule.

De nombreuses personnes à qui nous avons parlé ont affirmé qu’elles avaient été frappées avec des tuyaux en plastique, des barres en silicone et des bâtons en bois. Certaines ont été ébouillantées et brûlées avec des cigarettes. D’autres ont été immergées de force dans l’eau et ont reçu des décharges électriques.

"C’était comme si une partie de mon âme était morte… Après ça, je ne ressentais plus aucune joie, aucune envie de rire."
Un étudiant soumis à des décharges électriques

Certaines techniques utilisées sont devenues si répandues qu’elles ont leur propre surnom. Il y a la technique du « tapis volant » : la personne est attachée sur le dos à une planche pliante dont les deux bouts se rejoignent progressivement. Ou la technique du « pneu », ou dulab, qui consiste à faire rentrer la personne de force dans un pneu, le front contre les genoux ou les chevilles, et à la battre.

Des femmes et des hommes ont été violés et harcelés sexuellement. Des femmes ont également été menacées d’être violées devant des membres de leur famille, dans le but de leur extorquer des « aveux ».

Des conditions inhumaines

Certaines personnes souffrent de graves troubles mentaux à cause de la surpopulation et du manque de lumière naturelle. Des personnes ont affirmé qu’il pouvait parfois y avoir plus de 50 personnes dans une cellule de trois mètres sur trois. Les détenus n’ont que peu, voire pas du tout accès à des soins médicaux et, souvent, ils meurent des suites de problèmes de santé qui auraient parfaitement pu être évités.

Cette horreur sans nom vise à détruire la volonté et le moral des détenus. Les survivants souffrent de traumatismes psychologiques et de graves séquelles physiques. Ils ont souvent besoin de soins médicaux et d’un soutien psychologique importants pour reconstruire leur vie.

"J’ai vraiment failli perdre la raison."
Un professeur d’université proche de la soixantaine, décrivant les conséquences de la détention à l’isolement à Alep

Dans la plupart des cas, le gouvernement syrien nie l’arrestation même de ces personnes par les forces de sécurité, ou refuse de donner des informations sur l’endroit où elles se trouvent. Ainsi, de nombreux détenus sont des « disparus » et ne sont pas protégés par la loi, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux atteintes aux droits humains.

Il faut mettre fin à l’horreur dans les prisons de Syrie

Les meurtres, la torture, les disparitions forcées et les exterminations perpétrés à Saidnaya depuis 2011 l’ont été dans le cadre d’attaques systématiques menées par le gouvernement syrien contre la population civile.

Les violations des droits humains commises à Saidnaya s’apparentent à des crimes contre l’humanité et doivent faire l’objet d’enquêtes.

Le gouvernement syrien doit laisser des observateurs indépendants enquêter sur les centres de détention violents en Syrie dès maintenant.

Écrivez à la Russie et aux États-Unis pour leur dire d’utiliser leur influence au niveau international pour veiller à ce que des observateurs indépendants soient autorisés à mener des enquêtes sur les conditions dans ces centres de détentions où la torture sévit.

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