Ce silence est d’autant plus étonnant que de nouvelles audiences publiques du BAPE (Bureau des audiences publiques en environnement) portant sur la question doivent commencer ce 31 mars, pendant la dernière semaine de la campagne électorale. Et ce, après des audiences tenues en 2010 et une ÉES (étude environnementale stratégique) qui portaient sur le même sujet ! Trop d’études scientifiques, c’est comme pas assez ! Un cynique pourrait se demander si la stratégie de certaines autorités serait d’épuiser les citoyens qui s’opposent à cette technique d’extraction aux effets désastreux pour l’environnement !
Voici donc quelques questions en vrac pour cette fin de campagne.
Malgré les demandes répétées et insistantes des citoyens, pourquoi n’y a-t-il toujours pas de véritable moratoire ? Certes, le projet de loi no 37 (mort au feuilleton) proposait un moratoire, mais un moratoire troué comme un fromage de Gruyère, qui ne s’appliquait que dans quelques 36 villes ou MRC, dont Outremont ! Tout le reste du territoire québécois en était exclu ! Et il n’aurait en outre été valide que pour 5 ans ou jusqu’à l’adoption d’une loi sur les hydrocarbures. Et surtout il ne se serait appliqué qu’au gaz naturel. Et comme dans tous les puits il y a toujours du gaz et du pétrole en proportion variable, une compagnie pourrait toujours forer et fracturer pour du pétrole partout au Québec malgré ce pseudo-moratoire.
Un autre enjeu de la fracturation est passé sous silence pendant la campagne électorale : c’est la grande inefficacité de cette technique. Contrairement au pétrole conventionnel, pour le gaz de schiste, le mieux que la compagnie peut espérer extraire c’est 20 % de la ressource ; 80 % du gaz ne peut être économiquement sorti du sous-sol. Pas fort comme technique du 21e siècle. Dans le cas du pétrole de schiste, le taux de recouvrement est encore pire : c’est entre 1 et 2 %. Dans le cas des schistes du Bakken au Dakota, c’est 1,2 %. Donc, s’il y a vraiment 45G de barils de pétrole à Anticosti, on peut, au mieux, espérer en récupérer 1,2 %. Il y a là de quoi dégonfler une bulle spéculative ! Ces 45G de barils pourraient même être qualifiés de vraie « promesse électorale » !
Un autre enjeu majeur de la fracturation, ce sont les coûts que la société québécoise devra assumer après la fermeture des puits. Les 80 % de gaz et les 98,8 % du pétrole qui n’ont pu être extraits et qui sont restés dans la roche-mère vont migrer très lentement vers le puits pendant les siècles à venir. Déjà, nous devons payer 1,2G $ pour décontaminer les sites miniers orphelins abandonnés par les compagnies minières qui ont exploité nos ressources pour faire des profits. Pourquoi refaire le même genre d’erreur ? Ce sera le pauvre contribuable des futures générations qui devra ramasser la facture. Pourquoi les trois partis politiques qui font la promotion de la filière pétrolière ne parlent-ils pas de cet enjeu ???
Comme personne n’en a parlé pendant la campagne électorale, j’espère que le gouvernement élu, quel qu’il soit, n’aura pas le culot de dire qu’il a reçu un mandat « pour ça ».Ni durant les deux débats, ni durant la campagne électorale, l’enjeu de la fracturation hydraulique n’a été mis sur la table. Par conséquent, tout comme dans le cas du Suroît et du Mont Orford après l’élection de 2003, les citoyens pourront alors affirmer haut et fort : « Nous n’avons pas voté pour ça » !
Gérard Montpetit
La Présentation