Édition du 1er avril 2025

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La crise climatique est une « menace existentielle » disent les Démocrates de la Chambre des représentants, mais il est plus important pour certains.es de protéger son territoire

Le nouveau comité mis en place pour faire face à la crise climatique est finalement largement dépourvu d’autorité. Cela accommode les préoccupations des plus anciens Démocrates du caucus pour la sauvegarde de leur pouvoir dans leurs circonscriptions

Kate Aronoff, The Intercept, 30 décembre 2018
Traduction, Alexandra Cyr

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Vendredi le 28 janvier, la future présidente de la chambre, Mme Nancy Pelosi (elle a été élues à ce poste depuis. N.d.t.) a confirmé la rumeur qui voulait qu’elle nomme la représentante démocrate de Floride, Mme Kathy Castor, à la présidence du haut comité de la Chambre sur les changements climatiques. Au fur et à mesure que les informations relatives à ce comité filtrent, on apprend que Mme Pelosi a aussi choisi les membres du panel du comité.
Toutefois, paradoxalement, le comité créé pour faire à ce que Mme Pelosi à elle-même qualifié de « crise existentielle » n’aura vraisemblablement pas l’autorité d’émettre des ordonnances à comparaitre que ce soit pour les dossiers ou pour des témoignages.

Ces pouvoirs vont demeurer chez les seuls et puissants comités qui ont dominé le Congrès depuis des générations. Le problème est institutionnel, c’est une guerre de territoires. Il n’y a qu’une raison pour que le sélect comité n’ait pas plus de pouvoirs, ce sont les préoccupations juridictionnelles de M. Frank Pallone, représentant démocrate du New-Jersey. Il a clairement signifié que cela ne respecterait pas les droits de son comité sur les juridictions. Ro Khanna, démocrate de Californie, signataire et défenseur de la résolution de la représentante A. Ocasio-Cortez en faveur de la création d’un comité sélect pour un « New Deal vert » a déclaré que c’était une bien mauvaise manière de voir le Congrès.

M. Khanna a récemment accusé M. Pallone de refuser de soutenir un projet de loi qu’il avait présenté en faveur de la résolution du « New Deal vert ». Mme Heather Peucell, porte-parole de M. Khanna a déclaré par courriel : « Nous avons entendu dire que le personnel de M. Pallone avait dit au personnel du Sénat qu’il ne présenterait pas le projet de M. Khanna ».

Malgré les inquiétudes de M. Pallone, ceux et celles qui soutiennent la proposition de Mme Ocasio-Cortez n’ont jamais fait pression pour que le comité sélect sur le « New Deal vert » puisse présenter lui-même des projets de loi à soumettre au vote (à la chambre) ou de contourner des comités existants comme celui sur l’énergie et le commerce. Tout ce que le sélect comité produira devra passer par ces comités existants comme la législation sur la bourse du carbone produite par le sélect comité précédent, l’a fait en 2009. Le directeur politique du Mouvement Sunrise, M. Evan Weber, a déclaré : « Nous voulions qu’il soit capable de préparer des législations (parce que) les comités en place peuvent s’emparer de ce travail et en faire ce qu’ils veulent ». Dans la version la plus récente de la résolution de Mme Ocasio-Cortez, on peut lire : « Le comité sélect ne devrait pas avoir de juridiction sur la préparation de législations ni l’autorité d’agir législativement sur aucun projet de loi ou résolution ».

(Questionné à ce sujet), M. Pallone, nouveau président du comité de la Chambre sur l’énergie et les commerce, ne nous a pas répondu dans les délais. Mais, en novembre, il a déclaré aux journalistes : « nous avons beaucoup de gens dans les comités qui sont de vrais,es champions.nes. Donc je pense que ce n’est pas nécessaire » ( sous entendu, de donner plus de pouvoir au sélect comité sur les changements climatiques).

Sans pouvoir d’ordre de comparution, une mesure à laquelle s’opposait publiquement le whip de la minorité actuelle M. Steny Hoyer, le comité (sur les changements climatiques) est plus faible que son prédécesseur créé en 2007 qui a travaillé d’arrache pied pour produire la loi Waxman-Markey (Loi américaine sur l’énergie propre et la sécurité de 2009).

Selon M. Khanna, « l’industrie qui a menti sur l’ampleur du problème des changements climatiques ne devrait pas participer à un comité dont la tâche est de trouver des solutions à ces problèmes. Le comité devrait avoir le pouvoir d’ordre de comparution et d’obliger les directeurs.trices des pétrolières, des gazières et des charbonnières à défiler devant lui. Je vous assure (qu’autrement), ça ne sera pas le cas ».

Beaucoup de détails à propos de ce comité ne sont pas encore publics. On s’attend à en apprendre plus dans les prochaines semaines. Mais avec ce qu’on entend de la part des personnes proches des négociateurs.trices laisse paraitre que plusieurs propositions contenues dans la résolution de Mme Ocasio-Cortez qui ont pourtant reçu l’appui de 45 membres du Congrès élus.es récemment ou antérieurement et du Mouvement Sunrise, ne seraient pas intégrées.

Si on prend pour acquis que le Comité ne serait pas privé de ses pouvoirs d’élaborer des lois, l’enjeu devient : quel sera son mandat ? Nous avons peu d’informations maintenant et la déclaration de Mme Pelosi pour annoncer le retour du comité est plutôt vague : « Ensemble, nous devons protéger la santé publique en réduisant la pollution atmosphérique, créer des emplois qui feront des États-Unis un meneur en technologies vertes, défendre la sécurité nationale, prévenir l’instabilité liée au climat et maintenir notre responsabilité morale sacrée de laisser un avenir soutenable et sain aux générations futures ».

Les partisans.es du « New Deal vert » craignent que le mandat (du sélect comité) soit trop ambigüe et trop large pour qu’il puisse produire quoi que ce soit de pratique. M. Weber explique : « Nous sommes préoccupés de savoir s’il y aura un mandat et si oui ce qu’il sera. Nous voulons que ce soit : faire un plan pour un « New Deal vert » et préparer une loi en ce sens ».

Mme Castor a déjà déclaré que des mesures prévues dans le « New Deal vert » seraient prises en considération mais : « nous ne nous intéresseront pas qu’à cela ».

M. Varshini Prakash, co-fondateur et porte-parole du Mouvement Sunrise, soutient : « Nous sommes jeunes et notre vie est littéralement en danger si nous ne faisons rien à propos de la crise climatique. C’est inexcusable de la part de nos politiciens.nes de refuser de discuter de cette grande menace existentielle pour sauvegarder leur ligne de parti. Pourquoi les jeunes devraient-ils devenir les seuls adultes dans cet enjeu ? Nous ne sommes pas ici pour nous battre pour notre pouvoir politique et quoi que ce soit qui y ressemble. Nous y sommes pour nous battre pour des solutions parfaitement claires, intelligibles, équitables et justes, celles qui ont été données par des centaines de scientifiques. Il faut faire quelque chose qui va nous assurer que notre avenir se passera dans une paix relative pas dans le chaos, les conflits et l’incertitude ».

Les experts.es du climat et les économistes nous ont dit que, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les temps qui nous sont impartis et éviter les niveaux de température atmosphérique catastrophiques, nous devons mobiliser toute l’économie comme si nous entrions en guerre. Le National Climate Assessment prévoit, que dans l’état actuel des choses, l’économie américaine pourrait subir des dommages de centaines de milliards de dollars aux cours des prochaines décennies. Le dernier rapport du Panel sur les changements climatiques insiste pour dire que nous n’avons que 12 ans pour extraire les énergies fossiles de l’économie mondiale en commençant dans les pays industrialisés comme les États-Unis, qui sont les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre.

Lors d’une entrevue sur E&E News, Mme Castor laissait entendre qu’exiger que tous les politiciens.nes refusent les dons de l’industrie des énergies fossiles comme les partisans.es du « New Deal vert » le demandent, pourrait violer le Premier amendement de la Constitution. Mais elle est assez vite revenue sur cette déclaration dans une autre entrevue avec Alexander Kaufman de HuffPost. Devant les protestations, elle a signé l’engagement la semaine dernière. Comme les autres signataires, elle promet de ne pas accepter de dons de comités d’action politiques liés à l’industrie des énergies fossiles et de leurs employés.es au-delà de 200$.

Nous n’avons aucune indication que les membres du sélect comité devront s’engager de la sorte ce qui laisse la porte ouverte à l’influence de l’industrie des énergies fossiles. Pour M. Pakrash : « d’après ce qu’on entend en ce moment, le comité serait plus mal équipé légalement et plus inefficace que son prédécesseur il y a 10 ans. À cette époque, il y a eu des milliards de dollars de dommages en inondations et feux de forêt. Que les Démocrates et le sélect comité ne prennent pas plus au sérieux cette crise est complètement inexcusable ».

Les partisans.es sont aux embuscades et attendent les annonces publiques quant aux particularités du sélect comité pour continuer à faire pression pour que plus d’éléments de la résolution Ocasio-Cortez soient inclus (dans le mandat du sélect comité) dont celui du pouvoir émettre des ordonnances à comparaitre. L’objectif est aussi de rendre la proposition du « New Deal vert » et les changements climatiques l’enjeu de la prochaine élection de 2020 et de ses primaires qui arrivent vite.

Le porte-parole de Justice Democrats, M. Waleed Shahid, m’a déclaré : « Le « New Deal vert » deviendra l’ultime test pour tout candidat.e à la Présidence. Nous applaudissons les Sénateurs Booker, Sanders et Merkley qui appuient déjà cette position. Nous gardons espoir que d’autres possibles candidats.es comme Beto O’Rourke, Kamala Harris et Kirsten Gilibrand en feront autant ».

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