La Commission interaméricaine des droits de l’homme, branche de l’Organisation des États américains, qui a mené une enquête sur les meurtres et les disparitions de femmes et de filles autochtones en Colombie-Britannique, en 2012, a publié son rapport aujourd’hui. La Commission souligne qu’en vertu du droit international sur les droits de l’homme, le Canada est tenu de prévenir la violence en prenant des mesures pour s’attaquer aux problèmes que sont la pauvreté, l’accès au logement et à l’emploi, ainsi que la criminalisation disproportionnée. De plus, le rapport appuie énergiquement la tenue d’une enquête nationale sur la crise des femmes autochtones disparues et assassinées.
L’enquête a été lancée à la demande de l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) et de l’Alliance canadienne féministe pour l’action internationale (FAFIA). « Ce rapport est révolutionnaire », a déclaré Dawn Harvard, Ph. D., vice-présidente de l’AFAC. « C’est le premier examen en profondeur des meurtres et des disparitions de femmes autochtones au Canada réalisé par un organe d’experts en matière de droits de la personne. »
Quatre conclusions clé formulées dans le rapport s’appliquent à toutes les parties du Canada. « Premièrement, dit Mme Harvard, le Canada a l’obligation légale de traiter le problème de la violence envers les femmes autochtones de manière exhaustive et efficace. « Ce n’est pas une question de choix. Nos obligations en droit international des droits de l’homme nous imposent d’éliminer la discrimination qui cause la violence et de veiller à ce que les institutions canadiennes - y compris la police et le système judiciaire - répondent efficacement lorsque des femmes autochtones sont assassinées ou portées disparues. »
« Deuxièmement », dit Mavis Erickson, défenseure des femmes pour le Conseil tribal Carrier Sekani, qui représente les peuples autochtones du Nord de la Colombie-Britannique, « la Commission a fait une importante constatation de fait. Elle a conclu que la discrimination qui a commencé avec la colonisation et a été perpétuée par des lois et des politiques comme la Loi sur les Indiens et les pensionnats autochtones est la cause profonde des niveaux élevés de violence envers les femmes autochtones. »
« La Commission affirme que cet état de fait constitue le fondement d’une violence généralisée et qu’elle a créé les risques auxquels sont exposées les femmes autochtones aujourd’hui, par la marginalisation économique, les bouleversements sociaux et les traumatismes psychologiques. » « Ainsi, dit Sharon McIvor, de FAFIA, le rapport de la Commission réfute directement la prétention du premier ministre selon laquelle c’est une question de crimes individuels plutôt qu’un phénomène social. La Commission affirme clairement que cette tendance générale connue constitue un risque élevé, qu’elle entraîne une grande vulnérabilité et qu’il faut agir sur ces facteurs de risque. »
Leilani Farha, directrice générale de l’organisme Canada sans pauvreté et rapporteure spéciale des Nations Unies sur le droit au logement convenable, souligne la clarté des affirmations de la Commission quant au lien qui existe entre la violence qui vise les femmes autochtones et leurs conditions économiques et sociales désavantagées.
« La Commission a dit sans équivoque au Canada qu’il doit prendre des mesures efficaces pour tenir compte des facteurs de risque, et tout particulièrement que le Canada doit combattre la pauvreté des femmes autochtones, améliorer leurs perspectives d’éducation et d’emploi, leur garantir des logements adéquats et intervenir dans l’application disproportionnée du droit pénal aux femmes autochtones. »
« Cette compréhension générale de la portée des obligations du Canada explique pourquoi le rapport affirme la nécessité de mettre en œuvre les recommandations issues de l’enquête Oppal, en Colombie-Britannique, mais que ce n’est que le point de départ d’un processus d’adoption de réformes dans une région », ajoute Shelagh Day, de FAFIA.
« Le troisième point clé », dit Claudette Dumont-Smith, directrice générale de l’AFAC, « c’est que la responsabilité du statut légal et des conditions de vie des femmes autochtones et de leurs communautés incombe au gouvernement fédéral et aux gouvernements des provinces canadiennes. Ce n’est pas uniquement une question provinciale ; les différents ordres de gouvernement ne devraient pas se renvoyer la balle. »
« La Commission interaméricaine est claire. Le Canada doit opposer à la violence une réponse nationale coordonnée. C’est ce que nous recherchons et que nous n’avons pas encore obtenu. »
« Enfin, la Commission interaméricaine appuie fortement la tenue d’une enquête nationale », dit Holly Johnson, présidente de FAFIA. « En dépit de ce rapport et d’autres qui l’ont précédé, la Commission affirme qu’il y a encore beaucoup plus d’éléments à comprendre et à reconnaître si nous voulons aborder efficacement la crise de la disparition et du meurtre de femmes autochtones au Canada. »
« Cette conclusion est cruciale. Le message de la Commission interaméricaine est que le Canada a beaucoup de travail à faire, par tous les ordres de gouvernement, avec la pleine participation des femmes autochtones, et que ce travail doit être coordonné efficacement à l’échelle nationale. »
On peut consulter le rapport de la CIDH aux adresses suivantes : www.fafia-afai.org et www.oas.org/en/iachr/reports/pdfs/Indigenous-Women-BC-Canada-en.pdf