Édition du 25 mars 2025

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Économie

L'état du monde du travail en Amérique 2008/2009

Rapport de l’Institut de politique économique

En dépit d’une hausse de productivité, les Américains souffrent d’une diminution de revenu, d’une inégalité croissante, de l’érosion de leurs standards de vie, et d’un déclin de leurs espoirs. [1]

Parmi les périodes économiques, celle qui a commencé en 2001, se déroule en fort contraste avec les autres. Les hommes et les femmes des travailleurs américains furent incroyablement productifs, plus que toutes les périodes précédentes, mais ils n’ont pas profité des fruits économiques de cette croissance. A moins que les tendances actuelles prennent une nouvelle direction, ce sera là première période économique jamais enregistré où la classe moyenne des États-Unis, terminera le cycle avec moins de revenus qu’elle en avait au début.

Ce n’est pas que la possibilité d’un résultat plus heureux n’existait pas. Après tout, malgré la période de baisses et de hausses venant de terminer, le PIB s’est élevé d’un bon 2.5% par mois. Mais la promesse contenue dans cette croissance, - presque 20% sur toute cette période- ne s’est jamais matérialisé pour la majorité. En effet, la part du lion des bénéfices s’est rendue dans les portefeuilles situés au sommet de l’échelle des revenus, contournant la majorité des gens dont le travail avait rendu cette croissance possible.

L’État du monde du travail en Amérique 2008/2009, publié aujourd’hui par ou l’Institut de politique économique (EPI), dans une version en ligne, fournit un portrait détaillé de la période économique de 2000-2007, son impact sur les travailleurs et les familles de l’Amérique, et les implications de la baisse actuelle. Dans sa 11e édition, les économistes de l’EPI, Lauwrence Mishel, Jared Bernstein et Heidi Shierholz, dans une nouvelle introduction et des nouveaux commentaires, ont mis à jour et révisé les volumes précédents à partir des données et analyses les plus récentes, et en ajoutant des chapitres sur les emplois, les salaires, les revenus familiaux et la mobilité des l’échelle des revenus. (Des chapitres additionnels sur la pauvreté, et la richesse suivront, ainsi qu’un nouveau chapitre sur les soins de santé, avec la publication de l’édition imprimée du livre par Cornell University Press en janvier 2009.)

Dans leur revue du portrait économique actuel, cinq facteurs dominants émergent : forte croissance en productivité, faible croissance des emplois, stagnation ou diminution du revenu familial pour la majorité des familles ; hausse de l’inégalité dans la distribution des bénéfices de la croissance économique ; et la rigidité croissante des classes économiques que cette inégalité produit. Le livre explique ces facteurs dans leur contexte historique et en décrit les implications dans la baisse économique en cours.

Faible croissance des emplois :

La période économique 2000-2007 fut la première à avoir enregistré un baisse de la population de travailleurs présentement au travail. La baisse de pourcentage de 1.1 dans la participation au travail, se traduit environ par 1,4 millions de personnes qui autrement seraient au travail ou chercheraient activement un emploi. La faillite de l’économie de produire suffisamment d’emplois, se constate dans les mesures du chômage à long terme, qui s’est élevé dramatiquement en 2000-2007. La part des sans-emplois qui fut sans travail six mois ou plus s’éleva de 12.1% dans les années 90 à 19,4% dans les années 2000. Parmi les chômeurs à long terme en 2007, un grand nombre et de façon disproportionnée, fut les travailleurs les plus expérimentés (45 ans et plus) et ceux avec une éducation collégiale.

La performance dans la croissance des emplois fut, dans cette période, dramatiquement plus lente que dans les périodes précédentes de recouvrement. Pendant que, en moyenne, les emplois augmentaient de 2.0% par an durant les périodes précédentes, la croissance fut un tiers aussi rapide - seulement 0.6% dans la période 2000-2007. Uniquement pour recouvrer les emplois perdus durant la récession de 2001, cela a pris presque 4 ans (47 mois) – deux fois plus longtemps que la moyenne de 21 mois dans les autres périodes après la deuxième guerre mondiale.

« Si la croissance des emplois de 2000 à 2007 avait correspondu à la période de 1990, l’économie aurait ajouté 7 millions d’emplois de plus qu’elle l’a fait » a noté la co-auteure Heidi Shierholz. « La situation de faible emploi veut dire que le potentiel de millions d’Américains travailleurs et productifs est resté inexploité. - un très mauvais service pour eux, leur familles et pour toute l’économie. »

Des chèques de paie réduits :

Le coût de la faible croissance des emplois est supporté non seulement par les sans-emplois, mais aussi par ceux avec un travail. Quand les emplois sont rares, les employés ont un peu plus de pouvoir pour négocier de meilleurs salaires et bénéfices. La part des employés non volontairement à temps partiel (c’est-à-dire ceux qui veulent mais qui ne peuvent trouver un travail à temps plein) a continué d’augmenter car les employeurs coupaient les coûts en réduisant les heures de travail. En juin 2008, avec l’économie qui perdait de nouveau des emplois avec la récession, le nombre de personnes travaillant involontairement à temps partiel s’est élevé à environ 5 millions. Le même mois, presque un cinquième (18%) des sans-emplois avait perdu leur emploi depuis au moins 6 mois.

Bien que la croissance a augmenté de 18% depuis 2000, le revenu de la majorité des foyers américains ne reflète pas cette croissance. C’est même l’opposé : le revenu réel pour la famille médiane, est tombé de 1.1% pour 2000-2006. Une petite augmentation dans le salaire horaire de la famille médiane (1%) fut plus qu’effacée par la baisse de 2.2% dans les heures travaillées annuellement. De plus, quelque soit la croissance de salaire obtenu depuis 2000, elle fut basée sur le rattrapage des années 1990 – les salaires ne ne sont pas améliorés aucunement sur la période 2000-2007.

Cette performance contraste fortement avec la période économique précédente. De 1989 à 2000, les salaires horaires qui avaient augmenté de 4.7% et les heures annuelles travaillées de 4.1%, furent les plus grands facteurs qui ont généré une réelle croissance de revenu de 10.5% pour les familles de classe moyenne.

Répartition inéquitable de la croissance

La croissance que les statistiques rapportent peuvent avoir semblé irréelle pour plusieurs familles américaines, mais c’était très réel pour un autre groupe. Les gens dans le 10% du sommet de l’échelle des revenus ont pris la part du lion des bénéfices de la croissance économique, c’est-à-dire plus de 90% de toute la croissance de 1989 à 2006. Et le plus haut ils se trouvent dans l’échelle, plus grands sont les bénéfices. Pour la moitié inférieure de ce 10%, (du 90th au 95th percentile), le revenu s’est accru de 32%. Mais dans l’air raréfié du sommet de 1%, le revenu a plus que triplé (203.7% d’augmentation) – et dans le 1% de ce 1%, les revenus ont plus que quintuplés – augmentant de 425% pour un revenu moyen de $30.5 millions dans ce groupe en 2006.

« Pendant que la majorité des américains luttaient pour vivre, parmi le 10% du sommet on se payait du bon temps » dit la co-auteure Lawrence Mishel. « Nous avons vu un important écrémage des bénéfices de la croissance de 90% des Américains les moins fortunés, vers le 10% du sommet, et spécialement au 1% du sommet, et même plus, au dixième du 1%. au sommet. »

Absence de mobilité dans l’échelle des revenus

Il n’est peut être pas très surprenant de voir le viel adage : « les riches s’enrichissent » redevenir d’actualité. Mais un autre adage aussi est vrai : qu’en Amérique, nous pouvons tous travailler dur et « nous hisser vers le haut par la force de nos poignets » (pull ourselves up by our boobstraps) » et peut-être compter sur sur cette mouvance vers le haut, pour nous approprier une plus grande part de la tarte. Mais l’exploration des données par les auteurs sur la mobilité dans l’échelle du revenu montre que la « boostrap » théorie ne reflète pas l’expérience de la majorité des gens. Bien que quelque mobilité existe, une proportion significative des familles reste près de la même position dans l’échelle du revenu. Par exemple, environ 60% des familles qui ont commencé dans le cinquième du bas le sont toujours une décennie plus tard. Et à l’autre bout de l’échelle du revenu, 52% des familles qui étaient dans le cinquième plus haut, y sont toujours dix ans après.

Il y a aussi moins de mobilité dans les revenus aux États-Unis que dans plusieurs autres pays avancés, incluant les pays européens comme l’Allemagne et le Danemark dont les sociétés sont perçues comme plus rigidement stratifiées que la nôtre.

L’inégalité même conduit à une diminution de la mobilité sur l’échelle sociale. La plus grande concentration des revenus tend à limiter l’accès aux outils qui aideraient à rendre cette ascension possible. Le rapport examine le fossé entre le sommet et la base en regard des études collégiales complétées parmi les étudiants avec le même potentiel académique. Ce fossé est si profond que les étudiants performants des familles à faibles revenus ne complètent pas davantage les études collégiales que les étudiants moins performants des familles à hauts revenus.

« Quand la concentration des revenus créée des barrières aux ressources et opportunités qui rendrait les gens capables d’avancer grâce à leurs propres initiatives et efforts, cela viole le sens fondamental de justice », dit le coauteur Jared Bernstein. « Les américains, ne s’objectent pas à l’inégalité des résultats si cela signifie que des gens ont travaillé plus fort et plus efficacement, mais nous nous objectons si le jeu est faussé à cause de l’inégalité des chances.

Défis à l’horizon

Avec la récession en cours les américains font face maintenant à des nouveaux défis. Plus de 400,000 emplois ont été perdus dans la première moitié de 2008 alors que le taux de chômage s’élevait à 5.5% - en hausse comparé au taux le plus bas qui était de 4,4% en mars 2007. Les économistes s’attendent à ce que le taux de chômage atteigne le 6.4% en 2009. Pour les afro-américains et les hispaniques la perspective est plus grave. Alors que ces deux groupes ont fait des gains importants dans le taux d’emploi pendant la période de recouvrement de plein emploi dans les années 1990, ces gains furent renversés durant la période 2000-2007. Se basant sur les « patterns » historiques, les auteurs s’attendent à ce que le chômage parmi les Afro-Américains se situe autour de 11% par la fin de 2009.

L’histoire des travailleurs en Amérique en est une d’espoir – la croissance vigoureuse accomplie par le difficile et efficace travail de millions d’Américains. C’est aussi une histoire du comment cette promesse a été brisée, par le fait que trop peu de ces contributions ont été justement récompensés.

L’Institut de politique économique, (EPI) est un institut indépendant, à but non lucratif, non partisan, qui étudie l’impact des tendances économiques et politiques sur les travailleurs des États-Unis et dans le monde. La mission de l’Institut de politiques économiques est aussi d’en informer la population afin qu’elle puisse trouver les solutions qui assureront à tous les mêmes opportunités et la prospérité.

Traduction : Françoise Breault


[1Rapport de l’EPI : L’Institut de politique économique, (EPI) est un institut indépendant, à but non lucratif, non partisan, qui étudie l’impact des tendances économiques et politiques sur les travailleurs des États-Unis et dans le monde. La mission de l’Institut de politiques économiques est aussi d’en informer la population afin qu’elle puisse trouver les solutions qui assureront à tous les mêmes opportunités et la prospérité. Voir www.epi.org

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