Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

L’enjeu à QS n’est ni la prise du « pouvoir » ni l’unité du parti

Il s’agit de sa démocratisation pour un virage à gauche toutes

Aujourd’hui s’ouvre à Saguenay le Conseil national (CN) de Québec solidaire dont l’enjeu n’est ni la volonté de conquérir la majorité parlementaire — le « pouvoir » est à Washington, New-York, Toronto, Ottawa, quelque peu à Montréal mais si peu à Québec — ni la remise en cause de l’unité du parti. Ce discours est une marotte de l’aile parlementaire pour faire peur au monde et pour faire rentrer dans le rang la dissidence toutes tendances confondues. L’enjeu est à la fois l’intensité gauche de la politique du parti et le degré de démocratisation de son organisation étant entendu la corrélation positive entre les deux.

L’aile parlementaire, par la prise de position tonitruante de Gabriel Nadeau-Dubois (GND) pour un « parti de gouvernement » avec à l’avenant « une refonte complète de son programme » et « la structure du parti "plus efficace, moins lourde et plus simple" », avait marginalisé le malaise féministe révélé au grand jour par la démission de la porte-parole à une affaire de « damage control ». Par le même moyen, elle a réitéré cette semaine le même discours sur un mode à la fois plus compatissant et plus concret. Il faut savoir gré à la nouvelle porte-parole, à deux jours du CN, d’avoir explicité très au ras du sol ce que signifie gouverner selon un programme plus efficace soit se réjouir que la CAQ propose une loi allant au-delà de ce que l’aile parlementaire avait demandé depuis belle lurette.

Il ne s’agit pas ici de s’opposer aux réformes absolument nécessaires pour immédiatement soulager les souffrances populaires mais, dixit l’ancien porteparole Amir Khadir, à la politique des « mesurettes ». Cette petite politique au gré de la conjoncture réduit la politique de gauche à une affaire de pression sur le parti au pouvoir ce qui a pour effet de confondre l’électorat sur son caractère carrément capitaliste et fier de l’être. On attendrait de l’aile parlementaire, toujours au gré de la conjoncture, un discours de politique alternative pour une augmentation du salaire minimum au niveau du revenu viable de l’IRIS, une indexation des salaires au coût de la vie, un blocage des prix de biens de première nécessité dont l’électricité de base, un gel des prix des loyers et en contrepartie la construction de logements sociaux répondant à la demande tout comme pour les places en CPE, l’imposition des surprofits et la hausse des taux marginaux sur le revenu à ce qu’ils étaient à l’ère des « trente glorieuses », un tournant vers le transport en commun gratuit se substituant à l’auto solo et non s’y ajoutant, une rénovation écoénergétique de tous les bâtiments et un tournant vers l’agrobiologie et l’alimentation végétarienne.

Pour l’aile parlementaire, la politique des « mesurettes » terre à terre… et acceptable à la droite est « fai[re] de la politique de la manière que je crois la meilleure. » L’aile parlementaire se targue de « collaborer efficacement avec les mouvements sociaux » ce dont je ne doute pas. Quoique le parti est resté bien discret à propos de la dénonciation de la loi 51, un recul drastique pour les syndicats de la construction. Cependant, s’ajuste-elle à des mouvements sociaux battus en brèche depuis plus d’une génération, qui osent à peine revendiquer des réformettes ou s’élève-t-elle au niveau des réformes historiques du sommet combatif des années 60-70 ? Que la plate-forme électorale de 2022 ait lâché la revendication historique du FRAPRU réclamant la construction de 50 000 logements sociaux (écoénergétiques ?) sur 5 ans en dit long. Affirmer que « notre approche des urnes et de la rue nous permet de développer des propositions qui répondent aux besoins des personnes qu’on représente » est plutôt une démonstration d’une coupure par rapport à la réalité populaire. Parler de « gains véritables » est encore plus décroché.

Mais est-ce vraiment les besoins et revendications des mouvements sociaux qui guident la politique de l’aile parlementaire ? Une phrase-clef de la dernière lettre aux membres de la porte-parole révèle le pot aux roses : « Nous avons conclu il y a quelques semaines un exercice de tournée des régions où des centaines d’acteurs institutionnels, industriels et des mouvements sociaux nous ont partagé leurs craintes et leurs souhaits pour leurs régions ». Notez l’ordre de préséance. Amen.

Marc Bonhomme, 24 mai 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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