Édition du 19 novembre 2024

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Écosocialisme

L’écosocialisme a trouvé son forum

ÉCOLOGIE RADICALE • Organisées à Genève du 24 au 26 janvier, les Rencontres écosocialistes ont attiré des militants de toute l’Europe venus dénoncer le capitalisme et réfléchir à des alternatives concrètes à la destruction de la planète.

(tiré de Gauche Hebdo, 1 février 2014)

Des militants de solidaritéS se sont alarmés des effets de la crise écologique et du changement climatique, qui nous menacent à pas si long terme d’une catastrophe planétaire. A l’intérieur de leur parti, ils ont formé un groupe de travail pour partager des inquiétudes justifiées, approfondir leur connaissance du sujet et surtout examiner si la logique destructive d’une économie basée sur la recherche du profit aux dépens des êtres humains est réversible. En cinq ans, ils ont accompli un travail rédactionnel et éditorial très riche et en automne dernier ils étaient prêts à élargir leur audience et à augmenter le nombre de celles et de ceux qui partagent leur engagement. Ils ont alors lancé un appel auprès d’organisations et d’individus à se joindre à eux pour mettre sur pied ces assises à Genève, ville où se sont établies une multitude de compagnies occupées à brasser de l’argent, à négocier des matières premières ou à faire du business agroalimentaire. L’appel lancé par les membres du collectif désignait clairement le capitalisme et ses pseudoréformes comme responsables du désastre.

Rapidement des militants et organisations se sont dits partie prenante de la proposition : depuis la Belgique, se sont annoncés le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), Daniel Tanuro (LCR), Francis Taylor (Climat et Justice sociale) ; de l’Etat espagnol, les intellectuelles et militantes Esther Vivas et Yoyo Herrera ont appuyé la proposition et des militants d’Andalousie, des Iles Canaries, d’Euskadi et de Catalogne se sont dits intéressés ; côté France, des membres du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), de la Gauche anticapitaliste, d’Attac et de différents mouvements de résistance les ont rejoints, dont Pierre Rousset, l’âme de la publication électronique Europe solidaire sans frontières (www.europesolidaire.org).

En Suisse, outre le parti SolidaritéS, qui s’engage derrière la proposition de son groupe de travail écologiste, différentes personnalités et organisations se sont dites intéressées : Valentina Hemmeler Maïga (Uniterre), Philippe Sauvin (L’Autre syndicat), l’altermondialiste Olivier de Marcellus, des personnalités du monde universitaire (Jean Batou et Sébastien Guex), l’ancien conseiller national Josef Zisyadis (La Gauche) ou Julien Cart, l’ex-conseiller municipal genevois. Ainsi est née l’organisation Alternatives face aux défis écologiques, qui a convoqué les Rencontres écosocialistes européennes du 24 au 26 janvier dernier.

Ces « écosocialistes » sont évidemment anticapitalistes en plus d’écologistes. Tout au long de la durée de leurs rencontres, orateurs et participants aux ateliers ont mis à nu la responsabilité des pratiques dictées par la maximalisation du profit quelles qu’en soient les conséquences sur la flore, la faune, les humains, l’avenir de la planète.

Le soir du vendredi 24 janvier, l’auditoire de la Facultés des sciences humaines d’Uni-Mail a été pris d’assaut par des personnes d’âge mûr et des jeunes, Genevois ou habitants de France voisine, ainsi que des militants venus des cantons de Vaud et de Neuchâtel, et d’autres encore, arrivés avec leur sac à dos des quatre coins de l’Europe. Tout le monde ne parlait pas français, mais les organisateurs des Rencontres ont su assurer les traductions pour qu’on se comprenne. Militante féministe et écologiste venue d’Andalousie, Mari Carmen Garcia Bueno a fait un exposé limpide sur « Les luttes des femmes du Sud comme du Nord pour l’écologie » et dénoncé la logique qui chasse des paysans africains et des femmes roumaines de chez eux pour qu’ils viennent en Europe occidentale se faire exploiter en tant qu’ouvrières et ouvriers agricoles. Avec le peu d’argent qu’ils gagnent, ils permettront à la famille restée au pays de se procurer une poignée de riz ou de la nourriture fournie par l’agrobusiness européen…

Le sociologue franco-brésilien Michael Löwy a fait part de son désaccord avec la conception qui crédite le Nord de l’intérêt pour l’écologie alors qu’il exporte ses déchets ailleurs ; contrairement à leurs colonisateurs européens, les sociétés précolombiennes de l’Amérique du Sud avaient un grand respect pour la nature. Par ailleurs, il a cité des exemples de luttes de paysans dans ce continent pour préserver leur milieu de vie. Il nous a rappelé l’engagement écologique des premiers théoriciens du marxisme, en citant notamment un texte de Rosa Luxemburg que certains dirigeants du mouvement ouvrier avaient pris soin d’oublier. Ingénieur agronome belge, Daniel Tanuro a parlé de situations très graves avec passion et humour en dénonçant l’abandon des investissements dans la protection de l’environnement puisqu’il est finalement plus rentable d’investir dans les technologies permettant de se prémunir de destructions considérées comme inéluctables (« capitalisme vert »).

En attendant la publication du bilan des rencontres, mentionnons quelques buts visés par les organisateurs : la rédaction d’un manifeste permettant à des tiers d’identifier le mouvement et de s’en approcher, la formulation de propositions susceptibles d’être intégrées dans les programmes d’organisations sociales, socialistes, écologistes, ainsi que la mise sur pied de réseaux de formation et d’échanges d’expériences. La prochaine rencontre pourrait se tenir dans l’Etat espagnol à l’été prochain !

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