Tiré de Courrier international.
La pandémie de Covid-19 a des conséquences inattendues en Inde. “Les gouvernements des États fédérés semblent avoir découvert une nouvelle façon de donner vie à l’activité économique en changeant radicalement la législation du travail”, s’inquiète le Business Standard dans son édito du lundi 11 mai. Tout a commencé “au début du mois” dans le Madhya Pradesh, où le démarrage de nouvelles activités “durant les mille jours à venir” ne sera pas soumis à l’inspection du travail et dérogera aux principales lois qui s’imposent aux entreprises :
“Cela signifie que, dans les usines, les ouvriers peuvent maintenant se voir refuser des conditions de travail respectant les règles habituelles d’hygiène, de ventilation, d’accès à l’eau potable, à des cantines et à des salles de repos.”
Les licenciements vont aussi être facilités, car les syndicats “ne sont plus reconnus pour négocier avec les employeurs”.
Dans l’Uttar Pradesh, les autorités “n’ont pas fait dans la nuance” et ont suspendu pratiquement l’ensemble du Code du travail “pour trois ans”, au prétexte que le moment est venu d’attirer les entreprises désireuses de quitter la Chine. Comme le Covid-19 n’est pas près de disparaître, ce sont “toutes les conditions de travail [qui] vont changer à moyen terme”. Pour compenser les effets du confinement en vigueur depuis le 25 mars, de nombreuses régions ont d’ores et déjà fait passer “de huit à douze heures” la durée légale quotidienne du travail.
Lundi 11 mai, le leader de l’opposition, Rahul Gandhi, a dénoncé sur Twitter “tous ceux qui utilisent l’épidémie comme un alibi pour priver les salariés de leurs droits les plus élémentaires”, observe Scroll. L’ancien adversaire de Narendra Modi aux élections générales de 2014 et 2019 s’insurge contre “l’entorse ainsi faite aux droits de l’homme” et le fait que les travailleurs “n’ont plus voix au chapitre”.
Le défi de “l’économie informelle”
Au moins sept États indiens viennent de faire passer la durée légale hebdomadaire du travail “de quarante-huit heures à soixante-douze heures”. Les organisations syndicales critiquent vivement le mouvement en cours “qui s’oppose aux droits fondamentaux de travailleurs” qui luttent déjà pour survivre, des centaines de millions d’entre eux n’ayant plus de revenus à cause du confinement.
Le Code du travail indien est souvent qualifié de “rigide”, notamment parce que les licenciements nécessitent le feu vert de l’État, “ce qui décourage les entreprises de plus de cent salariés d’embaucher”, affirme l’Indian Express. En gros, et c’est l’argumentaire de la droite nationaliste actuellement au pouvoir, si l’Inde avait des lois plus flexibles, “les entreprises pourraient s’adapter plus facilement et plus vite aux conditions du marché”.
Il en résulterait une “formalisation” du travail qui permettrait de faire entrer dans le droit commun une bonne partie de ce que l’on appelle “l’économie informelle”, dont dépendent 90 % des travailleurs. Or l’expérience l’a déjà montré, “le démantèlement du Code du travail n’a jamais réussi à attirer des investissements et à développer l’emploi”.
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