Selon les cinq regroupements, qui viennent en aide à des gens mal-logés ou sans logis, l’actuelle pénurie de logements locatifs abordables qui sévit dans la plupart des grandes villes canadiennes aggrave sérieusement les problèmes de pauvreté et d’itinérance. Lors du dernier recensement de 2016, 1,2 million de ménages locataires du Canada, dont 244 120 du Québec, avaient déjà des besoins impérieux de logement, parce qu’ils vivaient dans un logement trop cher, trop petit ou insalubre. « Non seulement le bas taux d’inoccupation des logements force bien des gens à aller vivre dans un endroit inadéquat, mais il contribue à l’accélération de la hausse du coût des loyers », souligne Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU, rappelant que ces conséquences s’ajoutent, dans les grandes villes comme Montréal, à celles de la spéculation immobilière qui chasse déjà de nombreux locataires à faibles revenus de leurs quartiers. Les organismes craignent que la rareté de logements locatifs à prix abordables n’augmente l’itinérance, visible ou cachée, alors que les ressources d’aide débordent ou ne décourage les femmes de quitter un conjoint violent.
Selon eux, Ottawa a un rôle de premier plan à jouer pour contrer la crise du logement. Alors que la campagne électorale fédérale bat son plein, ils interpellent les partis voulant former le prochain gouvernement pour les presser de bonifier leurs plateformes électorales afin de tenir compte des besoins de logements sociaux et de l’urgence de mieux entretenir ceux qui existent déjà. Même s’ils s’attendent, comme le stipule la loi adoptée cet été, à ce que le prochain gouvernement respecte les objectifs fixés par la nouvelle Stratégie canadienne sur le logement, les investissements doivent être beaucoup plus importants et mieux ciblés, selon les groupes. « Les besoins en logements sociaux sont criants partout », déplore Véronique Laflamme. Selon elle, « le logement privé construit avec les investissements de la Stratégie nationale sur le logement est hors de prix ; ils ne correspondent en rien à la capacité de payer des ménages locataires que le gouvernement dit vouloir aider ».
Laury Bacro, coordonnatrice du RSIQ abonde dans le même sens. Selon elle, « il faut prendre en considération les différentes communautés et personnes, notamment jeunes, Autochtones, LGBTQ+, personnes immigrantes et en situation d’handicap qui, pour différentes raisons, ne vont pas fréquenter les ressources d’hébergement d’urgence et qui n’ont pas les moyens d’accéder à un logement privé, même subventionné. La crise du logement est une réalité et les ressources débordent un peu partout au Québec. Il faut mettre en place des solutions pérennes rapidement ! L’urgence est là ! ».
Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes sont témoins de l’instabilité résidentielle vécue par les femmes en difficulté ou violentées, dans toutes les régions. « L’accessibilité ou pas à un logement fait partie de la décision des femmes de quitter un conjoint violent » souligne Manon Monastesse, directrice de la FMHF. « Dans un contexte où le logement se fait de plus en plus rare et de plus en plus cher, la solution pour les femmes en quête d’un logement sécuritaire et à la mesure de leurs moyens, c’est du logement social », rappelle Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au RMFVVC.
« À l’heure actuelle, c’est extrêmement difficile pour nos maisons d’intervenir, car l’accès au logement social est très laborieux, l’attente est extrêmement longue alors que les situations auxquelles on fait face sont urgentes. Des femmes qui seraient prêtes à quitter la maison d’hébergement n’ont nulle part où aller, il faut donc prolonger leur séjour et ainsi refuser d’autres femmes en détresse », déplore madame Riendeau. Même constat du côté de La FMHF. Selon ses données statistiques 2018-2019, 50 % des femmes qui quittent une maison d’hébergement vont dans une situation de logement précaire. Manon Monastesse espère que la Stratégie fédérale sur le logement respectera ses engagements : « Nous attendons de voir comment se fera l’actualisation concrète du 25 % de logements abordables réservés exclusivement aux femmes. À date, nous n’avons aucune indication, malgré le fait que cette mesure est primordiale pour sortir les femmes et les enfants d’un contexte de violence ».
À l’unisson, les organismes déplorent que le fédéral n’ait réservé aucun financement spécifique pour construire de nouveaux logements sociaux au cours des 4 dernières années. Dans un rapport déposé en mars 2016, le Comité de l’ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels s’inquiétait d’ailleurs de la pénurie de logements sociaux au Canada et au Québec.
Le tiers des HLM du Québec menacés
À l’enjeu pressant d’augmenter le nombre de logements sociaux s’ajoute l’état lamentable de ceux déjà bâtis, qui ont été négligés pendant des décennies par les gouvernements successifs et qui risquent de disparaître s’il n’y a pas de changement de cap de la part d’Ottawa. « À Montréal, actuellement, des logements HLM sont barricadés parce qu’ils sont en trop mauvais état pour être habités et que les budgets de rénovation accordés par les gouvernements s’avèrent insuffisants. C’est scandaleux ! », dénonce Carole Guilbault, représentante de la Fédération des locataires de HLM du Québec ; « pire, d’ici peu, près de 20 000 logements sociaux construits avant 1994 avec des fonds fédéraux ne bénéficieront plus d’aides fédérales ». Selon la Société d’habitation du Québec, le tiers des 74 000 HLM du Québec sera dans cette situation dès l’an prochain.
Des demandes précises
Selon les cinq regroupements, pour aider le Québec à faire face à la crise qui s’enracine, le futur gouvernement fédéral doit investir au moins 2 milliards $ par année dans la réalisation de nouveaux logements sociaux. Il doit aussi garantir tous les fonds nécessaires pour maintenir ou remettre en état ceux déjà construits. Ainsi, les partis devraient s’engager clairement à assurer à long terme, en partenariat avec le gouvernement du Québec, la vocation sociale et le niveau actuel d’abordabilité des HLM, avec des loyers n’excédant pas 25 % des revenus des locataires. Ils doivent également s’engager à ce que les fonds fédéraux en itinérance soient de 50 millions $ minimum par année au Québec et à ce que le programme Vers un chez soi permette de répondre aux différentes réalités en itinérance et de consolider une diversité d’actions.
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