Depuis quelques semaines, tout se passe comme si Benjamin Netanyahou rêve d’un remake de ce chapitre sanglant de la longue guerre coloniale menée contre les Palestiniens. En autorisant certains de ses ministres à organiser des visites musclées et des « prières » provocatrices sur cette même Esplanade, il ne peut pas ne pas savoir qu’il provoquera la colère des résidents palestiniens de Jérusalem. De fait, Jérusalem est devenu un véritable champ de bataille, avec un déploiement sans précédent de forces de police qui mènent la chasse aux jeunes palestiniens, et c’est un miracle si, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas encore eu de morts.
La bataille de Jérusalem a commencé, c’est une évidence ; est-elle le résultat d’un choix stratégique de la part de Benjamin Netanyahou ? Rien n’est moins sûr. En effet, la politique d’ « israélisation » et de colonisation de la ville arabe se poursuit depuis longtemps sans entraves majeures, si ce n’est quelques confrontations limitées à des quartiers périphériques de la ville, et les rituelles et stériles déclarations de l’Union européenne sur l’illégalité de la mainmise israélienne sur Jérusalem-Est. Alors pourquoi réveiller la population locale et alerter une opinion publique internationale relativement indifférente au sort de Jérusalem ?
En réalité, cette bataille de Jérusalem, dont personne ne peut prédire les effets à moyen terme, n’est pas un choix stratégique, mais plutôt le résultat d’un jeu politicien entre les différents partis d’extrême-droite au pouvoir. C’est à qui sera le plus nationaliste, le plus radical dans ses manifestations de fidélité à « Jérusalem capitale une et indivisible du peuple juif pour l’éternité, halelouya ! ». Entre Naftali Benett, Moshe Yaalon, Benjamin Netayahou, Noemie Reguev et le reste de sa bande de voyous parés du titre de ministre, c’est la concurrence des déclarations et des initiatives provocatrices autour de l’enjeu que représente Jérusalem.
Netanyahou est loin d’être un idiot, et il sait pertinemment que de telles initiatives non seulement ne font pas progresser d’un pouce l’ « israélisation » de Jérusalem, mais, au contraire ont des effets contre-productifs à court et moyen terme, et sont lourdes de dangers à plus long terme. Mais s’il n’est pas idiot, le premier ministre israélien n’a pas l’envergure d’un vrai leader politique. Il reste le petit politicard qu’il a toujours été, plus préoccupé par les sondages et le risque de perdre une partie de son électorat à un autre parti d’extrême-droite, que par les effets sa politique – ou de sa passivité complice – sur plus d’un milliard de musulmans à travers le monde. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : El Aqsa est le troisième lieu saint de l’Islam, et le regard du monde musulman tout entier est tourne vers Jérusalem et reste extrêmement sensible à tout changement du statu quo négocié avec la Jordanie dès les premiers jours de l’occupation du Haram-el Sharif (c’est le périmètre dans la vieille ville qui abrite entre autres la Mosquée) par les forces armées israéliennes en 1967.
Netayahou ferait bien d’écouter les appels du Roi Abdallah II de Jordanie, qui est loin d’être un ennemi de l’État sioniste, quand celui-ci le met en garde contre les effets incalculables sur la région, à commencer par la stabilité de son propre royaume, que pourrait avoir tout changement du statu quo sur l’Esplanade des Mosquées. En particulier dans un contexte de montée spectaculaire de Daesh et de destruction de l’ensemble de l’ordre moyen-oriental mis en place il y a un siècle, par Messieurs Sykes et Picot1.
Il est pourtant douteux que de telles mises en garde aient de l’effet sur le chef du gouvernement israélien, pour qui l’éventualité d’un renforcement de la popularité du chef du parti Israël est notre maison [sic] est une menace beaucoup plus grave que la vague Daesh qui déferle sur l’Orient Arabe. Effarent, non ?