Sherbrooke, le 26 octobre 2016 — « Pour Hydro-Québec, il semble que les paysages protégés du New-Hampshire valent plus cher que ceux du Québec. Alors que du côté américain, on enfouira la ligne électrique sur 100 kilomètres pour des enjeux de conservation, au Québec on veut traverser et fragmenter des milieux naturels protégés avec une ligne aérienne de large amplitude. C’est inacceptable ». C’est le cri du cœur que lancent aujourd’hui Corridor appalachien, le Conseil régional de l’environnement de l’Estrie, Nature Québec, le Réseau de milieux naturels protégés et Deux pays, une forêt alors que s’amorcent à Sherbrooke les audiences du BAPE sur le projet d’interconnexion Québec - New Hampshire. Concrètement, les organismes proposent qu’Hydro-Québec respecte intégralement la zone de conservation en la contournant et enfouisse la ligne sur une distance de 18 kilomètres.
Le projet actuel prévoit fragmenter un vaste massif forestier protégé d’une grande valeur sur le plan écologique et dont la protection, par Forêt Hereford et Conservation de la nature Canada, via une réserve naturelle et une servitude de conservation représente un gain significatif pour la connectivité écologique entre le Canada et les États-Unis.
Les organismes unissent leur voix pour demander au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement du Québec de rejeter le tracé retenu par Hydro-Québec pour la ligne d’interconnexion Québec - New Hampshire, en particulier dans sa partie sud où elle quitte l’emprise de la ligne à 450 kV existante pour rejoindre le point de raccordement à la frontière du New Hampshire. Ils proposent que la commission retienne le tracé de l’enfouissement, trop rapidement écarté par l’entreprise, et demande à Hydro-Québec de le développer.
Pour Nature Québec, il est important de considérer l’ensemble du projet, c’est-à-dire en observant également le projet de l’autre côté de la frontière impliquant le partenaire Eversource au New-Hampshire. En effet, l’ensemble du projet traverse le secteur des Montagnes Blanches tant dans sa partie québécoise qu’états-unienne. Au New Hampshire, un tiers du tracé (60 miles sur 192 miles), soit environ 100 km, sera souterrain afin de préserver les paysages, à la base de l’économie récréotouristique de la région. L’enfouissement de 18 km de ligne de transport électrique au Québec permettrait de préserver les paysages associés à la partie québécoise des Montagnes Blanches. Pour Christian Simard, directeur général de l‘organisme « L’augmentation des coûts associés à l’enfouissement est une mesure nécessaire pour s’inscrire dans la continuité du projet états-unien et la volonté de préserver les paysages des Montagnes Blanches. »
Les organisations sont consternées par le fait qu’Hydro-Québec ait minimisé de façon aussi importante la valeur et la portée de la réserve naturelle Neil-et-Louise-Tillotson et de la servitude de conservation forestière de la Forêt communautaire Hereford qui s’y rattache dans son étude d’impacts. Ce faisant, « ce projet de transport d’énergie crée un précédent extrêmement embarrassant et risque de porter un tort terrible à l’ensemble des actions de conservation qui se déploient en terres privées dans le Sud du Québec », considère Mélanie Lelièvre, directrice générale du Corridor appalachien. Cet organisme a en effet contribué à protéger près de 13 000 ha en terres privées dans les Montagnes Vertes depuis 15 ans par des moyens similaires. « Nous sommes très inquiets des répercussions de ce projet pour tous les acteurs de la conservation en terres privées » ajoute Marilou Bourdages, coordonnatrice pour le Réseau de milieux naturels protégés. « Comment convaincre les donateurs privés d’investir en conservation, si on ne peut garantir la protection de ces territoires dans le futur ? »
Louise Gratton, coordonnatrice des programmes de science de Deux pays, une forêt, ne trouve aucune justification à la fragmentation du massif forestier du mont Hereford. « En 2016, l’intégration des objectifs du développement durable de tout projet devrait examiner l’impact de celui-ci à l’échelle des paysages », dit-elle rappelant du coup la résolution 40.3 signée le 29 août dernier par les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et les premiers ministres de l’Est du Canada, dont le premier ministre du Québec, Monsieur Philippe Couillard, qui dans une perspective d’adaptation aux changements climatiques, enjoint aux organismes relevant de leur autorité de donner une place plus importante à la connectivité, à la conservation et au rétablissement écologique dans leurs activités.
Forêt Hereford et Conservation de la nature Canada ont réalisé un vaste projet de conservation bénéficiant aux communautés locales grâce au généreux don de la famille Tillotson et à des ressources bénévoles et financières considérables. « Ce territoire qui totalise un peu plus de 50 km2 vient combler une partie du déficit qu’accuse l’Estrie en superficie d’aires protégées qui ne représente actuellement que 3,27 % de la région, bien loin des objectifs gouvernementaux de 17 % en 2020 » fait remarquer Jacinthe Caron, directrice générale du Conseil régional de l’environnement de l’Estrie.
Corridor appalachien est un organisme de conservation sans but lucratif créé en 2002 qui a pour mission de protéger les milieux naturels de la région des Appalaches du Sud du Québec. Grâce au travail de Corridor appalachien et de ses partenaires, 12 700 hectares de milieux naturels en terres privées ont été protégés à perpétuité depuis 14 ans. Par la mise en œuvre de sa stratégie de conservation transfrontalière, Corridor appalachien procure aux collectivités locales les moyens de maintenir et de restaurer un cadre de vie qui respecte l’écologie de la région, dans une perspective de développement durable. www.corridorappalachien.ca
Le Conseil régional de l’environnement de l’Estrie (CREE) est un organisme présent et actif dans la région depuis 1989. Il a pour mission de protéger l’environnement et assurer la qualité de la vie en Estrie par des solutions concertées et des conseils avisés auprès de la population et des décideurs. Depuis 27 ans, le CREE a su développer une expertise dans plusieurs axes d’action, dont le développement durable et l’énergie, notamment dans la promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Le CREE se préoccupe également des enjeux liés à la conservation des milieux naturels de la région. www.environnementestrie.ca
Nature Québec œuvre à la conservation de la nature, au maintien des écosystèmes essentiels à la vie et à l’utilisation durable des ressources. Travaillant depuis 1981 à la protection de la biodiversité, Nature Québec souscrit aux objectifs de la Stratégie mondiale de conservation de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), dont il est membre. Nature Québec regroupe plus de 50 000 sympathisants, donateurs et membres individuels et plus d’une centaine d’organisations affiliées. Nature Québec est un organisme de bienfaisance reconnu. www.naturequebec.org
Le Réseau de milieux naturels protégés (RMN) regroupe la majorité des acteurs en conservation des milieux naturels en terres privées du Québec. Ce réseau d’environ 60 organisations et individus protègent plus de 44 000 hectares et regroupent des milliers de membres, de bénévoles et d’employés. Depuis 20 ans, le RMN fait valoir la nécessité de la conservation des milieux naturels en terres privées dans la province. www.rmnat.org
Deux Pays, Une Forêt (2P1F) est une importante initiative transfrontalière, qui rassemble des organisations, des chercheurs et des fondations œuvrant pour la conservation et la restauration du patrimoine naturel de l’écorégion des Appalaches nordiques. Elle compte parmi ses partenaires les plus actifs des représentants d’organisations des provinces atlantiques, du Québec et des états de la Nouvelle-Angleterre et ses activités sont soutenues par des bailleurs de fonds canadiens et américains. https://programs.wcs.org/2c1forest/
Pour plus d’information :
Sophie Gallais
Chargée de projet aires protégées
Nature Québec
www.naturequebec.org