Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

Haro sur l'eau douce d'Anticosti (Coalition Eau Secours ! - Fondation Rivières)

MONTRÉAL, le 13 juill. 2016 - La Coalition Eau Secours ! et la Fondation Rivières déplorent vivement l’autorisation gouvernementale de prélever plus de 30 millions de litres d’eau des cours d’eau de l’île d’Anticosti pour satisfaire aux besoins de trois forages exploratoires d’hydrocarbures par fracturation hydraulique. Cette décision est ancrée dans l’absence de cohérence, d’information pertinente et d’acceptabilité sociale.

Une menace réelle

Deux des quatre rivières pour lesquelles les prélèvements ont été autorisés abritent d’importantes populations de saumon, une espèce considérée en voie de disparition par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ces rivières sont peu profondes. Une ponction d’eau importante et répétée peut créer un déséquilibre en surface et une pression accrue sur les nappes phréatiques pour les régénérer.

Aussi, les eaux usées engendrées par la fracturation hydraulique présentent jusqu’à 48 produits chimiques. De ces produits, 27 % sont reconnus comme toxiques et 19 % comme cancérogènes[1]. En plus de cette contamination chimique toxique, les eaux usées peuvent être jusqu’à cinq fois plus salées que l’eau de mer. Environ 50 % de ces liquides demeurent dans le sous-sol, où ils peuvent contaminer la nappe phréatique par les fissures géologiques. L’autre 50 % remonte à la surface avec les hydrocarbures, d’où les risques de fuites dans les puits, au moment du reflux, ou encore dans les bassins de rétention lors de l’entreposage, pouvant ainsi contaminer et saliniser le milieu fragile de l’habitat du saumon.

Nous craignons également le pompage d’alevins de saumon, dépendamment de la saison des prélèvements d’eau. Ces perturbations, individuelles ou combinées, représentent une menace bien réelle à l’intégrité des réserves d’eau douce d’Anticosti, de ses populations de saumon et de la villégiature de pêche.

De plus, selon le rapport final de l’Évaluation environnementale stratégique, les bassins versants de l’île d’Anticosti ne peuvent fournir les volumes d’eau pour soutenir le développement à grande échelle de l’industrie des hydrocarbures par fracturation hydraulique. Les perturbations écologiques anticipées pour les quatre rivières ciblées nous semblent donc hautement probables en l’absence d’information quant à la durée de ces prélèvements.

Quel traitement d’eau ?

Le gouvernement du Québec se veut rassurant et précise que l’eau usée de la fracturation hydraulique devra être traitée avant d’être retournée au Golfe du Saint-Laurent. Cependant, le fournisseur, le système de traitement et les paramètres de rejet sont, à ce jour, inconnus.

Récemment, en 2012, Québec cherchait à faire traiter ces eaux usées par des installations municipales, non conçues pour traiter des substances toxiques. M. Raymond Van Coillie, un expert en toxicologie environnementale de l’Université de Sherbrooke, recommandait plutôt de concevoir des traitements spécifiques pour les rejets de l’industrie, tel que l’ont fait les minières et les papetières pour leurs propres effluents.

Le traitement des eaux usées de fracturation ne semble toutefois pas au point. Aux États-Unis, des scientifiques de l’université Duke, ayant étudié les eaux de fracturation traitées et rejetées dans des cours d’eau de Pennsylvanie, ont découvert que certains contaminants persistaient en des concentrations élevées après traitement, dont le chlore, le bromure et le radium.

Ainsi, la mention d’un traitement des eaux usées de fracturation à Anticosti, sans détails pertinents, tient davantage de l’improvisation que de la rigueur scientifique et du respect d’exigences environnementales élevées. « De plus, l’implication du gouvernement du Québec à titre d’investisseur dans le projet le place dans une situation de conflit d’intérêt avec son rôle de protecteur de l’environnement et des citoyens. Québec a investi plus de 115 millions de dollars dans l’exploration d’hydrocarbure alors que les citoyens d’Anticosti n’ont pas d’eau potable depuis plus de trois ans ! », explique Martine Chatelain, présidente d’Eau Secours !.

Quelle acceptabilité sociale ?

Finalement, nous ne pouvons pas passer sous silence l’absence d’acceptabilité sociale pour toute la filière hydrocarbure au Québec. Malgré les consultations publiques, malgré l’importante participation citoyenne, malgré les mémoires déposés et les protestations exprimées, le gouvernement du Québec nie l’opinion publique sur la question des hydrocarbures et les questionnements sur la pertinence de cette industrie à l’ère de la transition énergétique.

Il n’est pas suffisant, pour notre premier ministre, d’invoquer un contrat, ni une administration précédente, pour justifier le risque de contamination de précieuses réserves d’eau douce. Les enjeux sont beaucoup trop grands pour permettre le « laisser-faire ».

Pour sa part, la Fondation Rivières salue l’intervention de la Communauté de la réserve de Mingan demandant la révocation des autorisations émises. « Nos discussions avec le chef Jean-Charles Piétacho au cours du week-end sont porteuses d’espoir afin d’en arriver à la protection de nos rivières » indique Jacques Gélineau, porte-parole de la Fondation.

[1] FRANCOEUR, Louis-Gilles -Traitement des eaux de fracturation du gaz de schiste - Les usines d’épuration ne suffisent pas, estime un expert, 2012-01-20

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