Dans une lettre transmise au premier ministre Justin Trudeau, au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum, au ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, et à Alexandre Boulerice, membre de l’opposition officielle, les organisateurs du FSM réclament des ministères qu’ils approuvent sans délai les demandes de visa toujours à l’étude des participant-e-s qui assisteront au FSM et au Forum mondial des Médias libres, et qu’ils entreprennent immédiatement une enquête et la révision des demandes de visa refusées en émettant par exemple une directive ministérielle urgente à toutes les ambassades et consulats.
Le FSM est le plus grand rassemblement de la société civile sur la planète visant à trouver des solutions aux problèmes actuels. Il rassemble à chaque édition plusieurs milliers de personnes autour d’une multitude d’activités portant sur diverses thématiques (développement social, économie solidaire, environnement, droits humains, démocratisation, etc.). Initié en 2001 au Brésil, le FSM 2016 marquera l’histoire en étant le premier à se tenir dans un pays dit du Nord. Or, plusieurs personnes qui n’ont pu obtenir un visa sont des militantes et des militants de la première heure du FSM. Leur participation est fondamentale pour la tenue de nos activités.
À ce jour, plus de 13 000 personnes se sont inscrites en ligne au FSM de Montréal, dont 50 % proviennent d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Depuis le mois de janvier, les organisateurs de l’événement ont délivré plus de 2000 lettres d’invitation et ont mis en place une équipe d’accompagnement afin d’aider les demandeurs à remplir les formalités administratives. Ils ont par ailleurs avisé les autorités canadiennes et diffusé dans les réseaux consulaires l’information relative au FSM 2016 afin de faciliter l’octroi des visas.
Vague de refus
Malgré tout cela, nous semblons faire face à une vague massive de refus de visas de la part des autorités canadiennes. Selon les données partielles que nous avons rassemblées à ce jour (touchant près de 14 % des personnes ayant reçu des lettres d’invitation), plus de 70 % des demandeurs se sont vu refuser leur visa. Parmi les pays les plus touchés, nous retrouvons la République démocratique du Congo, le Maroc, l’Iran, Haïti, le Nigeria et le Népal.
Si le nombre massif de refus soulève l’indignation, les motifs invoqués par l’administration canadienne suscitent la colère : remise en cause des raisons du voyage, de l’accès aux ressources financières ou de l’intention de quitter le Canada à l’issue du séjour, ces motifs démontrent le peu de considération pour des personnes invitées et prises en charge par des organismes québécois, et l’absence de réel traitement des dossiers. Et dans bien des cas, les délais excessifs de traitement, l’opacité des procédures et les décisions expéditives rendent impossibles tout recours et toute contestation.
Plusieurs personnalités se sont vu refuser leur droit d’entrée au Canada, notamment Aminata Traoré, ex-ministre de la Culture et Tourisme du Mali qui vient de poser sa candidature au poste de secrétaire général de l’ONU. C’est aussi le cas d’Imad Temiza, président du syndicat palestinien indépendant des postiers, dont le visa a été refusé sous le motif de situation financière malgré qu’il soit entièrement pris en charge par des organisations canadiennes. Il y a eu également d’autres cas de refus auprès de responsables de grandes organisations qui ont l’habitude de participer au FSM, tels que Caritas internationalis ou le réseau No Vox international qui a vu quasiment tous ses partenaires africains se faire refuser leurs visas.
Procédures complexes
Les demandes de visa sont confiées à des agences privées agissant pour le compte d’Immigration Canada. Les personnes qui veulent obtenir un visa doivent remplir un formulaire complexe, informatisé et anonyme. Remplir ce formulaire prend au moins une demi-journée. La liste des pièces justificatives est très longue. Il n’y a pas de possibilité d’échanger avec des fonctionnaires pour obtenir des informations supplémentaires. Et le délai pour recevoir une réponse est beaucoup trop long. Également, le fait de participer au FSM n’a pas été considéré comme une raison valide pour obtenir l’autorisation de voyage au Canada et a entraîné le refus de nombreuses demandes. Comment justifier une telle fermeture de la part du Canada ?
Cette situation est un symptôme inquiétant de la surdité des institutions politiques et administratives canadiennes qui risque d’entacher l’image du Canada, et ce au moment où il cherche à rétablir sa réputation au plan international.
Le collectif FSM 2016 ainsi que plusieurs organisations participantes réclament en conséquence une intervention urgente du ministère Affaires mondiales Canada et du ministère d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, afin d’accélérer les demandes de visa toujours en cours et de réviser les demandes refusées.