Édition du 15 avril 2025

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Féminisme

Fiche laïcité 3 – L’austérité et les discriminations : des dangers pour une société séculière

Depuis de nombreuses années, le Québec connaît des vagues successives de privatisation des services publics : la prestation des services publics est renvoyée à des entreprises privées, au milieu communautaire ou encore vers les familles ou les groupes religieux. Que ce soit en raison des politiques fédérales ou québécoises, l’État n’assume plus autant ses responsabilités pour la redistribution de la richesse et la prestation des services publics universels.

Tiré du site de la Fédération des femmes du Québec.

Services publics : un rempart contre l’exclusion sociale

Dans les services publics, les citoyen.nes sont en contact les un.es avec les autres sans égard à leur origine, leur sexe, leur croyance ou leur classe sociale, car les services y sont offerts sans distinction entre les personnes. Dans une société marquée par la privatisation des services, les gens ont au contraire tendance à fréquenter ceux qui leur ressemblent. Ils ne sont pas autant en contact avec la diversité et ne sont pas autant appelés à construire ensemble des projets.

Pis encore, certains services sont offerts par des communautés religieuses peu gênées de faire du prosélytisme, et ce, dans une perspective conservatrice et souvent rétrograde au plan de l’égalité femmes-hommes. Ces milieux sont plus qu’heureux de remplir les vides créés pour soulager la pauvreté, faciliter l’intégration des nouveaux arrivant.es, offrir des services aux femmes enceintes en détresse, etc.

De plus, le désengagement de l’État vis-à-vis de la justice sociale en matière de revenus et des conditions de travail laisse une plus grande place à la précarité, aux écarts de richesse et à l’exclusion sociale. Ce sont des terreaux fertiles au conservatisme voire l’extrémisme religieux qui sont tous les deux dangereux pour l’égalité homme-femme. Les menaces au droit des femmes à l’égalité se retrouvent dans tous les courants conservateurs, fondamentalistes ou intégristes de la religion chrétienne, musulmane, juive ou de toute autre confession religieuse. L’attachement aux idées conservatrices n’est donc pas une bonne nouvelles pour les femmes.

L’élimination des discriminations : vers une société égalitaire et juste

Le désengagement de l’État n’est donc pas sans effet dans une société, qui si elle a atteint l’égalité de droit, est toujours en quête de l’égalité de fait. L’une des manifestations importantes d’une société encore en recherche d’une réelle égalité est la présence de nombreuses discriminations et la relative indifférence des gouvernements à lutter concrètement contre celles-ci.Les sources des discriminations dans notre société sont bien sûr multiples[1] et leurs manifestations peuvent se cristalliser autant dans des gestes et des paroles échangés au travail ou dans la rue, que dans des pratiques institutionnalisées. Elles exigent un travail soutenu et constant pour en venir à bout. Il est de plus impossible de les traiter en silo, notamment parce que des femmes se retrouvent touchées par tous ces systèmes producteurs d’inégalités, mais aussi parce qu’ils se nourrissent mutuellement. Les inégalités provoquées par les différentes formes de discriminations nous empêchent d’atteindre une société réellement égalitaire et juste.L’État, en vertu du droit à l’égalité, a le devoir d’assurer que chacune et chacun obtient une place pleine et entière dans la société. Lorsque l’État n’assume pas cette responsabilité, la cohésion sociale s’en trouve ébranlée, et la justice sociale écorchée. La lutte pour mettre fin à ces discriminations repose trop souvent sur les seules épaules de celles et ceux qui en sont les premièr.es touché.es. Pourtant, les écarts de justice que ces discriminations créent nous affectent toutes et tous.

La laïcité de l’État est un outil (non le seul) pour prévenir de l’influence religieuse conservatrice avec son lot d’inégalités pour les femmes, mais aussi pour assurer qu’il n’y est pas de discrimination envers les personnes croyantes ou athées. Dans sa volonté de faire avancer le droit des femmes à l’égalité, l’État doit être prudent pour ne pas provoquer ou renforcer la stigmatisation envers des femmes qui ont une croyance religieuse. L’État a la responsabilité de mettre en place des programmes d’éducation et de sensibilisation pour permettre à la population de reconnaître les systèmes d’exclusion qui infériorisent des personnes en raison de la discrimination associée au sexe, à l’identité de genre, à leur situation socio-économique, à leur origine ou à la couleur de leur peau, à leur handicap, à leurs croyances religieuses ou à leur orientation sexuelle. Poursuivre la laïcisation de l’État est essentiel, mais ce processus doit s’accompagner d’autres actions concrètes pour mettre fin aux discriminations. L’État doit aussi avoir le souci constant que ses nouvelles lois, politiques et programmes respectent les droits et libertés et ne soient pas sources d’inégalités entre les citoyen.nes.

Agir

Le 30 mars derniers nous avons réuni le Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), le Conseil des Montréalaises, Québec inclusif, le Centre commémoratif de l’Holocauste, la Collective des féministes musulmanes, le Collectif pour un Québec sans pauvreté, le Pink Bloc et la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes pour interpeller les partis en élection à agir pour un Québec sans inégalité. Cette conférence de presse faisait suite à la parution de l’appel « Agir pour un Québec sans inégalité ». Cet appel a été signé par de nombreux groupes et individu.es. Nous vous invitons, si ce n’est déjà fait, à en prendre connaissance, à le signer et à le faire circuler. Maintenant que le nouveau gouvernement se met en place à Québec, nous allons étudier la meilleure manière de donner suite à cet appel pour que cesse l’inertie du gouvernement envers les inégalités. Nous vous tiendrons au courant.

Cybel Richer-Boivin

Auteure à la Fédération des femmes du Québec.

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