Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

Est-ce que le Québec profitera de la COP 15 pour mettre fin au déclin du caribou du Pipmuacan et de notre culture ?

NITASSINAN, QC, le 29 nov. 2022 - Face à l’inaction du gouvernement du Québec dans le dossier du caribou forestier, nos Premières Nations innues, Essipit et Pessamit, seront à la COP 15 afin de mettre à l’ordre du jour les préjudices irréversibles qu’engendre la perte de biodiversité pour notre Nation et dénoncer les freins du Québec à l’exercice de notre leadership en matière de conservation.

Notre survie culturelle : hautement menacée par la perte de biodiversité
La perte de biodiversité, induite en grande partie par l’exploitation forestière sur nos terres ancestrales, sans égards à nos besoins, nos valeurs, nos droits et intérêts, engendre des pertes culturelles inestimables pour nos communautés. « Ça altère notre mode de vie, bouleverse notre façon d’être, menace notre sécurité alimentaire et notre identité culturelle » s’indigne Marielle Vachon, cheffe du Conseil des Innus de Pessamit.

Nos communautés se mobilisent depuis plusieurs années pour préserver le lien sacré qui nous unit au Nitassinan, notre Terre, et tout particulièrement à minashkuau-atiku, le caribou forestier, une espèce en péril. L’état de la population du caribou du Pipmuacan est tout particulièrement alarmant, et sa sauvegarde est vitale pour le maintien de notre lien sacré à l’espèce. « Nos communautés ont fait le choix de suspendre le prélèvement du caribou afin de préserver l’espèce, sacrifiant une activité traditionnelle centrale dans notre culture. Pendant ce temps-là, le gouvernement du Québec reste les bras croisés. » affirme de son côté Martin Dufour, chef de la Première Nation des Innus Essipit, exaspéré par l’inaction de Québec et inquiet face à l’urgence d’agir pour le caribou du Pipmuacan. La passivité perpétuelle du gouvernement provincial à l’égard de ces enjeux et du déclin de minashkuau-atiku a mené les deux Premières Nations à développer leurs propres initiatives.

Des initiatives autochtones supportées par le milieu

Les initiatives de conservation d’Akumunan et du Pipmuakan sont le fruit d’un travail rigoureux réalisé en collaboration avec des experts en conservation et des spécialistes du caribou forestier, arrimant savoir innu et scientifique. Ces initiatives reçoivent l’appui de plusieurs institutions de recherche et d’enseignement, de la SNAP Québec, ainsi qu’Environnement et Changement climatique Canada.

Néanmoins, il aura fallu plus de 15 ans pour que la réserve de biodiversité Akumunan, initié par le Conseil de la Première Nation des Innus Essipit, obtienne un statut légal de protection. « Nous saluons l’appui du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques dans la réalisation du projet Akumunan. Toutefois, on ne peut attendre un autre 15 ans avant de poursuivre avec la création de nouvelles aires protégées et des efforts de restauration notables dans l’habitat du caribou du Pipmuacan » mentionne le chef d’Essipit. En effet, malgré l’urgence et le fait qu’il ait été entériné par la Commission indépendante sur le caribou, le projet d’aire protégée Pipmuakan, déposé en 2020 par le Conseil des Innus de Pessamit, n’est toujours pas exclue à l’exploitation forestière ou à toutes autres activités industrielles et émission de droits. Rappelons que le projet vise à préserver les derniers grands massifs d’habitats intacts dans l’aire de répartition du caribou du Pipmuacan.

Les entraves du Québec à l’exercice de notre leadership

Des obstacles majeurs dans la gouvernance provinciale empêchent les deux communautés de mettre en œuvre ou de compléter leurs initiatives. Les freins sont nombreux : un processus de consultation inadéquat et rigide qui ne laisse pas de place au leadership autochtone, un régime forestier inflexible où la vocation première du territoire est de nature économique ; un nouveau statut d’aire protégée d’initiative autochtone inaccessible tant que les lignes directrices ne sont pas définies et des ministères qui travaillent en silo et de manière concurrente au détriment de la biodiversité et de la conservation.

Essipit et Pessamit se feront entendre sur la scène internationale

Les Premières Nations d’Essipit et de Pessamit ont l’intention de profiter du rayonnement international offert par la COP 15 pour faire reconnaître la légitimité de leur gouvernance en regard du caribou forestier et du Nitassinan et réclamer des mesures de protection immédiates pour la population du Pipmuacan. « Si Québec souhaite faire bonne figure à la COP 15 en matière de respect des droits autochtones, qu’il annonce l’inscription immédiate de notre projet d’aire protégée Pipmuakan au registre des aires protégées. » Conclut la cheffe de Pessamit, irritée par l’oisiveté du gouvernement provincial dans le dossier du caribou forestier.

Conseil des Innus de Pessamit

https://pessamit.org/

La réserve indienne de Pessamit est située à environ 50 km en amont de Baie-Comeau. En 2005, le conseil de bande de Betsiamites a été remplacé par le conseil des Innus de Pessamit et, le 6 novembre 2008, la Commission de toponymie acceptait le changement du nom Réserve indienne de Betsiamites pour celui de Réserve indienne de Pessamit. Les habitants d’un village montagnais ont été identifiés dès les premières explorations européennes. Champlain en rapporte en effet la présence sur sa carte de 1632 où il fait mention des Sauvages Bersiamiste. Sous le Régime français, un poste de traite était établi à l’embouchure de la rivière Betsiamites. Désigné sous le nom Pointe-des-Bersimites par Hocquart en 1733, on pense cependant qu’il était localisé sur la rive ouest de la rivière plutôt que sur la rive est où le village se situe actuellement. Les registres de la mission de Notre-Dame-de-Betshiamits s’ouvrent en 1845 et c’est probablement à cette époque que démarre l’évolution en parallèle des formes Betsiamites et Bersimis. Du côté des Montagnais et des missionnaires oblats dont Charles Arnaud et Louis Babel, c’est la première forme qu’on utilise. La seconde est cependant privilégiée par l’amiral Bayfield lorsqu’il fit les relevés hydrographiques du Saint-Laurent entre 1837 et 1848 et par la Compagnie de la Baie d’Hudson lorsqu’elle vint s’y établir en 1855. Par ailleurs, à partir de 1860 environ, un petit noyau industriel se développe sur la rive ouest et c’est là surtout que Bersimis acquiert sa popularité. Un bureau de poste y est établi sous ce nom en 1863 puis sous ceux Moulin-Bersimis, en 1910, et de Rivière-Bersimis, en 1945. Il faut se rappeler que, vers 1900, la population y est plus importante que du côté du village montagnais. Là, le bureau de poste porta le nom Notre-Dame-de-Betshiamits de 1881 à 1898. Remplacé par celui de Bersimis de 1898 à 1919, il reprit ensuite le nom Betsiamites quand les habitants en firent la demande et que la Commission de géographie du Québec réussit à convaincre son homologue fédéral du bien-fondé de cette position. Malgré cela et en dépit du fait que la réserve ait été établie sous le nom Betsiamites en 1861, l’usage administratif a, le plus souvent, favorisé Bersimis à tel point qu’Hydro-Québec y a exclusivement recours dans ses aménagements de la rivière dans les années 1950. C’est en 1981 que le conseil de bande entreprend de renverser la tendance en faisant la promotion de Betsiamites. L’anthropologue Frank G. Speck avançait en 1931 l’hypothèse que le nom pourrait signifier ceux qui arrivent par la rivière. Toutefois, la plupart des auteurs s’entendent pour accorder à ce toponyme montagnais « Pessamit » le sens de lieu où il y a des sangsues ou des lamproies ou anguilles de mer.

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