Édition du 12 novembre 2024

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Europe

Espagne : victoire de la gauche socialiste sur fond de percée de l’extrême droite

Le parti du président sortant, le socialiste Pedro Sanchez, est arrivé nettement en tête des élections législatives espagnoles de dimanche, selon des résultats partiels. Et quand Podemos subit un revers électoral attendu, le parti d’extrême droite Vox fait pour la première fois son entrée au Parlement...

Tiré de regards.fr

Le pire a été évité. Malgré l’entrée du parti d’extrême droite Vox dans le Parlement espagnol avec 10% des voix, les partis de droite ont été incapables d’obtenir une majorité aux élections parlementaires célébrées dimanche dernier en Espagne. La formation de centre-droit Ciudadanos, emmenée par Albert Rivera, a obtenu un bon résultat (15,8%) mais le Parti Populaire de Pablo Casado s’est effondré – il perd la moitié de ses députés avec seulement 17% des voix. C’est le socialiste Pedro Sánchez, du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui apparaît donc comme le vainqueur incontestable de l’élection avec 28,7% des suffrages et qui restera donc vraisemblablement à la tête du gouvernement dans une coalition avec Unidas Podemos (UP – l’alliance entre Podemos, Izquierda Unida, le parti écologiste Equo et d’autres organisations de gauche) qui a obtenu 14,3%.

Malgré la large victoire socialiste – ils ont obtenu 123 députés sur 350, bien plus que les 42 sièges de la coalition de Pablo Iglesias –, le leader de Podemos a déjà appelé le président pour lui proposer un accord de gouvernement. Pour obtenir la majorité parlementaire, un éventuel gouvernement PSOE-UP aurait besoin aussi du soutien de certains partis nationalistes basques et d’autres régions, mais pas forcément celui des indépendantistes catalans. La permanence du PSOE au gouvernement est donc assuré.

Podemos en déroute

Il faut dire que, sur son côté gauche, la campagne d’Unidas Podemos n’aurait pu être plus calamiteuse : la convocation d’élections anticipées par Pedro Sánchez après à l’échec de son projet de loi de finances – résultat d’un accord avec UP – en février dernier a pris Pablo Iglesias de court. Un mois auparavant, son ancien numéro deux, Íñigo Errejón, avait fait scission dans la région de Madrid, semant la déprime parmi les militants de Podemos, déjà démoralisés par la baisse continue des intentions de vote en faveur du parti au profit du PSOE.

Le succès de la motion de censure contre Mariano Rajoy il y a dix mois, résultat du en grande partie aux négociations d’Iglesias avec le PSOE et les nationalistes basques et catalans, semblait oublié, tout comme le rôle-clef d’Unidas Podemos dans toutes les mesures sociales approuvées par le gouvernement de Pedro Sánchez au cours des derniers dix mois. La bonne performance d’Iglesias lors des débats télévisés de la campagne lui a permis d’enrayer la perte des voix et déjouer les pronostics les plus désastreux. Mais la dégringolade n’en a pas été moins considérable : Unidas Podemos est passé de 71 à 42 députés.

De son côté, Pedro Sánchez a démontré à ceux qui en doutaient encore qu’il était un habile stratège. La campagne du PSOE s’est faite sur deux points principaux : l’optimisme à tout crin et l’avertissement sur les dangers d’un gouvernement avec la participation de l’extrême droite… Et force est de constater qu’il a réussi à fortement mobiliser l’électorat de gauche. C’est ainsi que Sánchez a réussi à s’attribuer le mérite des décrets-lois comme celui qui a augmenté le salaire minimum espagnol de plus de 20%, alors qu’il a été le fruit d’une négociation avec Unidas Podemos.

Une droite radicalisée

Mais cette campagne menée au pas de course a aussi révélé une droite radicale nouvelle dans le paysage politique espagnol dont c’était la première échéance nationale depuis le referendum d’autodétermination en Catalogne en octobre 2017. De fait, quatre des députés élus dimanche dernier sont en prison provisoire depuis plus un an et demi, accusés de « sédition » et de « rébellion ». L’organisation du référendum de 2017, déclarée illégale par la Cour Constitutionnelle espagnole et violemment réprimée par la police sous le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy, a accéléré la radicalisation d’une partie de la droite. Vox, un parti d’extrême droite jusqu’alors marginal, a rapidement grimpé dans les sondages et a obtenu plus de 10% des voix aux élections régionales andalouses de décembre 2018, surfant notamment sur l’abstention d’une grande partie de l’électorat de gauche.

Le PP du très réactionnaire Pablo Casado et Ciudadanos n’ont pas hésité à conclure un accord avec Vox pour déloger le PSOE du gouvernement andalou dans une coalition des droites qu’ils auraient pu exporter au niveau national si la mobilisation inédite de l’électorat progressiste ne les en avait pas empêchés. A l’image de la dérive des autres partis conservateurs européens (comme en France…), le PP et Ciudadanos ont développé un discours ultranationaliste et ont flirté avec les positions antiféministes de Santiago Abascal, le leader de Vox et ancien militant du PP. Leur stratégie a pourtant échoué : le PP a souffert une défaite historique et Ciudadanos a ruiné son image de parti de centre libéral, ce qui rend pratiquement impossible un accord de gouvernement PSOE-Ciudadanos comme celui que les deux partis avaient tenté en 2016.

Dimanche soir, une fois le résultat de l’élection tombé, les militants socialistes réunis pour célébrer la victoire devant le siège de leur parti, ont mis Pedro Sánchez en garde sur la tentation de regarder à sa droite pour former une coalition de gouvernement, lui criant « Pas avec Rivera ! ». D’après la ministre du travail, « le président a pris bonne note ». Aujourd’hui devraient donc commencer les négociations pour la formation d’un gouvernement PSOE-UP, mais les élections municipales, régionales et européennes qui auront toutes lieu le 26 mai prochain, vont très probablement repousser l’établissement des accords au mois de juin.

Pablo Castaño Tierno

Professeur au département de sociologie de l’University of London, G-B.

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