Édition du 17 décembre 2024

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Forum social de Tunis

Forum social mondial : bilan de sa nouvelle édition en Tunisie 2013

Eric Toussaint - “Le Forum Social au contact d’une réalité en ébullition a produit une réaction chimique positive”

Le Forum Social Mondial (FSM) a clôturé sa neuvième édition centralisée ce samedi 30 mars dans la capitale tunisienne avec un bilan quantifiable significatif. Plus de 50.000 participants ; presque mille activités de tous types ; une manifestation d’ouverture le mardi 26 qui a réuni 25.000 personnes et une marche de clôture bondée en solidarité avec le peuple palestinien. “Un forum très positif” selon l’analyse de l’historien et militant belge Eric Toussaint, coordinateur du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM), une des organisations qui composent le Conseil International du FSM depuis ses débuts.

Entrevue et photo par Sergio Ferrari.

Sergio Ferrari – Question : Quels ont été les aspects les plus importants de cette nouvelle édition du FSM ?

Eric Toussaint : Il y a eu une forte participation tunisienne dans de nombreuses activités. Nous l’avons vu, par exemple, dans les ateliers et activités dédiés à la dette. Également dans l’Assemblée des Mouvements Sociaux du vendredi 29. Le grand intérêt de la jeunesse et des mouvements sociaux pour cette initiative était évident. Cela constitue un aspect très positif de notre bilan.

Q : Cela signifie que le FSM sort renforcé en tant qu’espace de cette session au Magreb ?

R : Cela ne fait aucun doute. Le FSM vit une crise évidente depuis quelques années déjà. En particulier le Conseil International, comme instance facilitatrice, rencontre des difficultés énormes à trouver une nouvelle dynamique... Et dans le même temps, le Forum Social, de manière incontestable, reste le seul lieu et cadre mondial où se rencontrent les mouvements sociaux. Et dans ce sens, en absence d’une alternative, le FSM reste très important. Étant donné que la société tunisienne et de la région sont activement mobilisées, cela a apporté un souffle d’air frais et de renouveau à cet espace international. Le Forum Social, en entrant en contact avec une société en mouvement, en ébullition, produit une réaction chimique, une interaction extrêmement intéressante et nous l’avons constaté lors de cette édition.

Q : Selon votre bilan, le fait de convoquer le FSM dans un pays et une région en ébullition pourrait aussi servir dans l’avenir d’antidote contre tout risque d’institutionnalisation de cet espace mondial...

R : Tout à fait. Nous pourrions imaginer une prochaine édition du FSM en Egypte si un groupe d’organisations de ce pays désirait le recevoir. En effet, l’Egypte vit une situation totalement électrique avec un mouvement syndical proportionnellement plus fort dans le secteur industriel qu’en Tunisie, avec une paysannerie fortement frappée par les politiques néolibérales de la Banque Mondiale et la privatisation des terres. Mais des explosions sociales pourraient avoir lieu dans d’autres parties du monde et divers scénarios sont imaginables.

Q : Comment débloquer les difficultés et la forme de paralysie à laquelle est confrontée le Conseil International du FSM ?

R : Je n’ai pas de solutions. Je constate qu’une série de forces qui composent le Conseil désirent continuer à jouer ce rôle. Ce que Tunis nous enseigne c’est qu’à un certain moment il faut libérer le terrain et laisser de l’espace à de nouvelles forces. Nous en tant que CADTM continuons à être membres du Conseil International et nous savons qu’il y a des acteurs très intéressants et dynamiques en son sein avec lesquels nous collaborons étroitement. Mais nous voyons également qu’il y a une série de forces très institutionnalisées qui gèrent la “marque” du Forum Social selon leurs intérêts.

Q : Malgré tout cela, votre idée est qu’il faut continuer à le renforcer...

R : Sans aucun doute. Le FSM est un espace utile. On voit que, comme cela s’est passé ici, il y a une dynamique très positive qui se développe indépendamment des problèmes de fonctionnement.

Q : Dans le cadre de ce bilan optimiste, quels ont été les éléments négatifs qui ressortent de cette édition ?

R : Parmi les organisations qui ont installé leurs stands se trouvait l’USAID, qui est l’organisme de coopération des États-Unis présent dans toutes les opérations de déstabilisation autour du globe. C’est un instrument de la politique internationale du gouvernement des Etats-Unis. Donc cette organisation n’a rien à faire au Forum. C’est un élément préoccupant d’autant plus qu’il implique une violation de la Charte des Principes de 2001. Je comprends donc les participants qui sont allés vider cette organisation du périmètre du campus universitaire El Manar où se réalisait le Forum.

Nous avons également vu – de la même manière que ce qui s’est passé durant l’édition antérieure de 2011 à Dakar – que la monarchie marocaine a envoyé une centaine de personnes payées pour se faire passer pour des membres d’organisations non-gouvernementales et sociales. Une partie d’entre elles sont des policiers qui sont venus empêcher que s’exprime dans cet espace la revendication du droit à un État Saharaoui indépendant...Nous l’avons vu à Dakar, cela s’est à nouveau produit le vendredi 29 à l’assemblée des mouvements sociaux... Des éléments provocateurs liés au régime marocain sont venus prendre la tribune d’assaut et ont essayé d’empêcher que dans la déclaration des Mouvements sociaux soit fait référence à cette solidarité nécessaire avec le peuple saharaouis. Cela aussi a été un aspect négatif, bien que ce ne soit pas la responsabilité du FSM. Il faut trouver les moyens de protéger en particulier les activistes marocains qui ont le courage de défendre le droit démocratique à la souveraineté nationale.

Sergio Ferrari, à partir de Tunis

* Traduit par Jérémie Cravatte.

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