Sans ces mesures, les deux regroupements s’attendent à ce que les dommages induits par les abus du marché locatif privé et la spéculation immobilière appauvrissent un nombre toujours plus grand de locataires et compromettent toujours plus leur droit au logement. « On le voit partout au Québec, les loyers explosent, les locataires n’arrivent plus à trouver des logements qu’iels peuvent se payer et les évictions frauduleuses se multiplient », dénonce Cédric Dussault, porte-parole du RCLALQ. « Ce sont de véritables drames humains qui se vivent en ce moment. Les ménages qui perdent actuellement leur logement réussissent difficilement à se reloger et le font souvent au coût de la détérioration de leurs conditions de logement », explique Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU. « Dans un contexte où le Québec en a les moyens, comment peut-on tolérer que d’aussi nombreux ménages, dont des familles, doivent choisir entre payer le loyer ou se nourrir ; vivent dans des taudis ou dans leur voiture ; soient arrachés de leur milieu de vie ; subissent l’angoisse de ne pas trouver de logement qu’ils pourront se payer ; voire carrément se retrouvent à la rue ? », déplore-t-elle.
Les regroupements de défense du droit au logement rappellent que la flambée des loyers se poursuit à un rythme effréné. « Une enquête du RCLALQ publiée en juin dernier1 révélait qu’entre 2021 et 2022, le prix des logements à louer a bondi de 9 % pour l’ensemble de la province, et que cette flambée s’accélère particulièrement hors des grands centres. Actuellement, faute d’un registre public des loyers, il est possible pour les propriétaires de contourner en toute impunité les dispositions légales prévues au Code civil du Québec. Il est devenu monnaie courante pour les propriétaires de réclamer des hausses abusives de loyer ou d’user de stratagèmes illégaux pour résilier les baux des locataires et faire des profits scandaleux. Un contrôle obligatoire des loyers, appuyé par un registre universel des loyers ainsi qu’un contrôle obligatoire des évictions permettrait de mettre fin une bonne fois pour toute à ce type d’abus ». Alors que l’inflation est sur toutes les lèvres, cet enjeu n’a pratiquement pas été abordé durant la campagne électorale.
Selon le FRAPRU, les engagements en faveur du logement social sont tout aussi décevants, et inquiétants, considérant que les plus minces, exception faite du Parti conservateur qui semble ignorer la crise du logement, sont ceux de la CAQ, qui mène actuellement dans les sondages. Pourtant, « en sortant le logement de la logique du profit et en soutenant le développement des logements sociaux hors marché, on offre aux locataires un toit sécuritaire, qu’ils peuvent payer », insiste Véronique Laflamme, rappelant que pas moins de 195 000 ménages locataires engouffrent plus de la moitié de leur revenu pour le logement, avec un revenu annuel médian de 12 500 $2. « Il est évident que la réalisation de 50 000 logements sociaux en 5 ans, est non seulement un minimum, mais vitale », martèle-t-elle. Afin d’avoir un effet durable et de répondre à une diversité de besoins et de réalités, le FRAPRU insiste : ce chantier doit passer, d’une part, par la construction de logements publics, coopératifs et sans but lucratif pour régler la pénurie là où elle sévit, et d’autre part, par l’acquisition d’immeubles résidentiels existants, leur rénovation et leur transfert de propriété au même type d’organismes sans but lucratif, pour préserver à long terme l’abordabilité des loyers et permettre aux locataires qui y vivent d’améliorer leurs conditions de vie.
Selon le FRAPRU et le RCLALQ, même si la crise du logement est déjà bien enracinée, la société québécoise a les moyens d’y mettre un terme. « Quand on parle d’un contrôle des loyers, d’un registre, comme d’agir contre les évictions frauduleuses, on parle de mesures qui ne coûteraient presque rien en termes de finances publiques, mais qui sont incontournables pour nous sortir de la crise. Le pouvoir d’encadrer le marché locatif pour protéger les locataires contre les abus est entre les mains des député.e.s de l’Assemblée nationale, il suffit de le vouloir. Et ne pas vouloir contrôler les loyers, c’est maintenir l’exploitation et l’appauvrissement des locataires, et faire passer les profits des investisseurs immobiliers et des spéculateurs, qui profitent de la crise, avant les droits des locataires et des autres personnes qui en subissent les conséquences », explique Cédric Dussault. « Non seulement les finances publiques le permettent déjà, mais Québec pourrait aller chercher plusieurs milliards de dollars supplémentaires en adoptant des mesures fiscales plus progressives, comme imposer les profits de l’immobilier. Par ailleurs, les baisses d’impôt promises par certains partis priveraient le Québec de moyens qui pourraient par exemple permettre de financer le grand chantier de logements sociaux que l’on revendique », affirme Véronique Laflamme.
Le FRAPRU et le RCLALQ comptent continuer d’interpeller les partis d’ici la fin de la campagne électorale, et promettent de rappeler l’urgence d’agir au prochain gouvernement, dès son élection.
1- RCLALQ - Sans loi ni toit : Enquête sur le marché incontrôlé des loyers, 2022.
2- Dernier recensement de statistiques Canada - Enquête sur les ménages, 2016
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