À première vue, les membres des deux syndicats de l’AFPC auront droit, d’ici 2024-2025, à des augmentations salariales supérieures à ce que le gouvernement fédéral leur offrait au moment du déclenchement de leur arrêt de travail. Là n’est pas le problème. En cette période caractérisée par une poussée inflationniste que la Banque du Canada semble incapable de prédire avec exactitude le cours pour les prochains mois et les prochaines années, il y a lieu de se demander ceci : que peut bien valoir un contrat de travail qui n’inclut aucun ajustement automatique à l’augmentation annuelle de l’Indice des prix à la consommation ?
Les communiqués émis par l’AFPC nous présentent les deux ententes de principe, conclues durant le présent mois, comme protégeant les salarié.e.s syndiqué.e.s « de l’inflation ». Précisons ceci : ce n’est pas parce que la Banque du Canada anticipe, dans sa boule de cristal, un taux d’inflation à 2,3%, pour 2024, que le 2,25% convenu entre le gouvernement et les négociatrices et les négociateurs syndicaux de l’AFPC pour cette même année 2024 correspond à une augmentation salariale qui reflète véritablement le taux d’inflation.
Ce n’est qu’à terme, soit en 2025, qu’il sera possible de mesurer la portée réelle de ces deux ententes de principe. Pour le moment, nous sommes d’avis que les nouveaux contrats de travail vont surtout avoir pour effet d’assurer à la ministre des Finances du Canada une prévisibilité accrue en ce qui a trait à l’accroissement de la masse salariale des 135 000 salarié.e.s syndiqué.e.s. Pour ce qui est de ces dernières et ces derniers, leurs angoisses face aux augmentations des taux d’intérêt, du prix de l’essence et de l’épicerie ne se calmeront pas avec ces deux nouveaux contrats de travail.
Le « rapport de force »
Nous pouvons définir de différentes manières le concept de « rapport de force »[1]. Pour notre part, nous le définissons comme correspondant à la capacité d’une partie d’imposer ses vues et ses choix à l’autre partie. Cette fois-ci, le rapport de force jouait à l’avantage des salarié.e.s syndiqué.e.s. Les membres de l’AFPC adhéraient massivement aux revendications et elles et ils étaient nombreuses et nombreux à participer aux activités syndicales un peu partout au pays. Le gouvernement Trudeau est présentement minoritaire à la Chambre des communes. Sa possibilité d’imposer unilatéralement sa solution via le recours à l’adoption d’une loi spéciale supposait une alliance avec le Parti conservateur dirigé par Pierre Poilievre. Une alliance à peine envisageable pour Justin Trudeau qui veut se démarquer coûte que coûte d’avec le chef de l’opposition officielle. Il n’a fallu que deux courtes semaines de grève pour que l’État patron parvienne à broyer la résistance syndicale. Il fallait, aux yeux des dirigeant.e.s de l’AFPC un montant forfaitaire de 2000$ et une quatrième année prévoyant un pourcentage à peu près à la hauteur des prévisions de la Banque du Canada pour céder et capituler devant l’État patron. Selon nous, sans une pleine indexation automatique, ce n’est pas uniquement le pouvoir d’achat des salarié.e.s qui s’érode, c’est aussi la valeur de leur travail qui en prend pour son rhume…
Concluons
Le genre d’entente conclue entre l’AFPC et le gouvernement du Canada, durant la présente ronde de négociation sur la scène fédérale, ne doit pas servir de modèle à suivre dans les autres négociations des conventions collectives. Il s’agit d’une entente principalement avantageuse pour le gouvernement.
Yvan Perrier
21 mai 2023
10h45
yvan_perrier@hotmail.com
Sources :
https://www.pressegauche.org/L-AFPC-conclut-des-ententes-pour-120-000-membres-du-Conseil-du-Tresor. Consulté le 21 mai 2023.
https://www.pressegauche.org/L-AFPC-SEI-conclut-une-entente-avec-l-Agence-du-revenu-du-Canada-pour-ses-35. Consulté le 21 mai 2023.
https://www.pressegauche.org/Greve-dans-la-fonction-publique-federale-Gains-aux-tables-du-Conseil-du-Tresor. Consulté le 21 mai 2023.
[1] Gérard Dion définit le concept de « rapport de force » de la manière suivante : « Interaction découlant de la situation et des moyens dont dispose l’un des agents vis-à-vis des autres en relations du travail lui donnant la capacité d’imposer ses volontés et ainsi de faire prévaloir son point de vue nonobstant toute rationalité et toute justice ». Gérard Dion, Dictionnaire canadien des relations du travail, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1986, p. 388.
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