Tiré du Journal des alternatives. L’autrice est stagiaire d’Alternatives en Inde.
Les revendications de cette manifestation
Plusieurs motifs expliquent l’instigation de cette grève. Tout d’abord, le taux de commissions des services Uber et Ola est beaucoup trop élevé, soit environ 40 % par trajet. Lorsque les applications comme Uber et Ola sont arrivées en Inde, leur taux de commission était d’environ 10 %. Or, ce pourcentage a énormément augmenté en quelques années, ce qui a diminué le revenu des employé.es.
Également, il y a une concurrence déloyale entre les taxis, les automobiles et les tuk-tuks conventionnels (ou également appelés rickshaws motorisés), ainsi qu.avec l’introduction des tuk-tuks électriques et des motos-taxis. En effet, l’entretien et l’usage de moyens de transport plus grands consommant plus en essence fait en sorte que les tarifs fixés sont plus élevés dans la première catégorie pour pallier aux coûts supplémentaires, que dans la deuxième. De plus, le secteur traditionnel du taxi est désavantagé face aux services des applications comme Uber et Ola, qui offrent des tarifs plus bas. La clientèle choisissant davantage l’option la moins chère, les véhicules traditionnels sont moins sollicités, ce qui diminue les opportunités et les bénéfices de ces salarié.es.
Enfin, les syndicats alertent sur l’utilisation de véhicules privés sous les applications de taxi dans le trafic de contrebandes, de drogue et d’alcool, contribuant à une économie illégale.
Des données choquantes
Un rapport de 2024 élaboré par People’s Association in Grassroots Action and Movement (PAIGAM) et financé par l’Université de Pennsylvanie dévoile des faits troublants sur les conditions de vie et de travail des salarié.es sur les plateformes en Inde. En effet, cette recherche intitulée « Prisonniers sur roues ? » [Trad. Libre] révèle que 83 % du personnel de taxi des plateformes travaillent plus de 10 heures par jour, 60 % plus de 12 heures et 31 % plus de 14 heures.
Ces longues périodes assises immobiles sur un siège ont pour conséquences des problèmes de santé, comme des douleurs musculaires aux pieds, aux jambes, aux genoux et au dos, des maux de tête, du stress, de la dépression, et bien d’autres symptômes causés par les conditions de ce travail. Cela fait aussi en sorte que les employé.es ont moins d’heures de sommeil et les mettent en danger..
Malgré ces longues journées de travail, 43 % de ces personnes gagnent moins de 500 roupies par jour, ce qui équivaut à un peu moins de 8 $ CAN. En tout, 70 % des salarié.es reçoivent un revenu en dessous de 1 000 roupies par jour, donc un peu plus de 16 $ CAN, après les déductions.
Comme les salaires ne sont pas élevés, les applications prennent en plus une importante portion des revenus sur chaque trajet. En effet, 35 % d’entre du personnel déclarent que ces entreprises prennent une commission de 31 % à 40 % par trajet. Approximativement 23 % disent que c’est plutôt entre 41 % et 50 %.
En plus de ne recevoir qu’une fraction de ce qu’ils gagnent, 68 % des personnes répondantes rapportent avoir subi des déductions inexpliquées et arbitraires à travers l’algorithme des applications. Cela comprend des changements dans les taux de commission ou des paiements en ligne. Également, 83 % des réponses rapportent des blocages ou à des désactivations des applications les empêchent de travailler.
Des demandes qui ne sont pas nouvelles
Ce n’est pas la première fois que le monde du travail du taxi et des tuk-tuk manifestent pour leurs droits. Aussi, cette grève générale s’inscrit dans un mouvement plus large pour améliorer les conditions de travail des employé.es fonctionnant avec les applications bien avant le Covid. On peut mentionner d’autres manifestations en 2018 organisées entre autres dans les villes de Pune, Delhi et Mumbai par des salarié.es d’Uber, d’Ola, de Swiggy et de Zomato (ces deux dernières sont des plateformes de livraison). Elles dénonçaient les mauvaises pratiques de ces entreprises envers le personnel et leur demandaient de meilleures conditions de travail. Certaines grèves, notamment dans la ville de Guwahati en 2023, ont davantage impacté les déplacements de la population.
Bref, les manifestations sont récurrentes contre ces applications dans ce secteur d’activité, démontrant que les conditions de travail dans le secteur du taxi sont encore à améliorer. Malgré les tentatives des syndicats pour sensibiliser les autorités et le gouvernement concernant les problématiques avec Ola, Uber et les plateformes similaires, les directions politiques ne réagissent pas beaucoup et n’appliquent pas d’actions assez efficaces pour réduire les désagréments qu’ont le personnel du secteur des taxis dans leur emploi. Cette situation est empirée par le silence criant des entreprises numériques, qui se taisent face aux problèmes qu’ils apportent à l’industrie.
Ainsi, les 15 syndicats demandent que le gouvernement soutienne davantage le monde traditionnel du travail dans le taxi pour qu’il soit moins pénalisé par les iniquités créées par Ola et Uber. Aussi, ils exigent que les autorités légifèrent plus afin que ces compagnies respectent les droits des travailleuses et des travailleurs et qu’il y ait une plus grande transparence de leurs pratiques. Certains secteurs salariés veulent même que ces applications soient bannies du marché, alors que d’autres proposent le développement d’une application gouvernementale du secteur du taxi. L’objectif est d’apporter, d’améliorer et de sécuriser des conditions de travail saines et généralisées.
La mobilisation du monde du travail dans le taxi en Inde demande d’améliorer les conditions de travail, ainsi que les ressources d’aide. La sensibilisation et la participation de la population en appui à ce mouvement sont essentielles et résonnent avec les manques aux droits du monde du travail en Inde.
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