4 mai 2023 | tiré du site de la CSQ
Bien que notre analyse et notre appréciation du projet de loi ne soient que préliminaires, il est frappant de constater à quel point le gouvernement souhaite encore une fois imposer une réforme de structures et centralise de manière inquiétante la prise de décision. « Le projet de loi déposé ce matin nous laisse une drôle d’impression, comme si le ministre de l’Éducation avait décidé de ramener sur la table des projets maintes fois tassés, pour de bonnes raisons par ailleurs, notamment pour la création d’un institut national d’excellence en éducation et l’obligation de formation, sans égard aux besoins du personnel. La question qu’on se pose aujourd’hui, c’est : est-ce que ces mesures vont permettre d’attirer plus de personnel dans notre réseau pour être en mesure de fournir les services adéquatement ? La réponse est non. Et pourtant, c’est ce qui est véritablement au cœur de la réussite éducative », de lancer, en réaction à chaud, le président de la CSQ, Éric Gingras.
Plusieurs questions en suspens
Le projet de loi ouvre la porte à ce que les centres de services scolaires dispensent de la formation et des services éducatifs à distance sur une base régulière, en dehors des périodes de mesures d’urgence. La CSQ est d’avis qu’il faut toujours privilégier l’enseignement et la dispensation de services éducatifs en présence. Cette mesure doit demeurer l’exception, car l’enseignement en présentiel n’a pas d’équivalent. Des recherches le démontrent.
De même, bien qu’il soit tout à fait justifié que le ministère dispose des données nécessaires pour faire les meilleurs choix possibles pour soutenir la réussite des élèves, l’objectif de rendre le réseau scolaire plus performant grâce à un tableau de bord soulève assurément des questions.
« Quel usage sera fait de ces données ? Qu’est-ce que le ministère vise ? Qu’est-ce qu’un réseau scolaire performant pour lui ? Les données pourraient-elles servir à renforcer encore davantage l’obligation de résultat des établissements sans égard au contexte et aux moyens dont ils disposent ? C’est ce qui se dessine dans le projet de loi. Parce que les objectifs, les cibles et les obligations de résultat, on a déjà joué plusieurs fois dans ce film-là depuis près de vingt ans et on en connaît les dérives possibles. Quel a été le réel apport pour la réussite éducative des élèves ? », souligne Éric Gingras, président de la CSQ.
La fausse bonne idée d’un institut national de l’excellence en éducation
Il va sans dire que nous reconnaissons le rôle d’éclairage important de la recherche en éducation. Mais ressusciter l’idée d’un institut national d’excellence en éducation, une avenue rejetée par plusieurs experts dans le passé, a de quoi surprendre. De fait, il existe déjà plusieurs entités qui font de la recherche en éducation, en plus d’assurer un transfert des connaissances et pratiques aux acteurs du milieu. Et le personnel s’y intéresse et utilise les connaissances issues de la recherche ! À notre avis, il serait plus porteur et moins coûteux de miser sur les organisations qui existent déjà plutôt que d’ajouter une nouvelle structure dont la mise en place ne fait pas consensus et dont l’indépendance pourrait être remise en cause.
« Notre crainte est que, devant des résultats qui ne répondent pas aux attentes du ministre, il outrepasse son rôle et impose au personnel un certain type de pratiques jugées efficaces, mais sans égard au contexte de l’école, de la classe et aux besoins des élèves. Le personnel doit disposer de la marge de manœuvre nécessaire pour juger des méthodes et pratiques à mettre en place en fonction du contexte. C’est aussi une question de confiance », affirme Éric Gingras.
Déprofessionnalisation de la profession enseignante
Le projet de loi permettra aux directions d’imposer aux enseignantes et aux enseignants le choix de leurs activités de formation continue, sans égard à leurs réels besoins. Or, lorsqu’on combine cette volonté à la création d’un institut, d’une part, et à la mise en place de formation initiale écourtée pour exercer le métier d’enseignant, d’autre part, difficile de ne pas conclure à une forme de déprofessionnalisation de la profession enseignante.
« Jean-François Roberge avait martelé qu’il revenait aux enseignantes et enseignants de choisir leur formation continue. Bernard Drainville fait reculer la profession en donnant aux directions d’établissement le pouvoir de choisir à leur place. L’autonomie professionnelle, ça ne se limite pas à tenir le crayon quand vient le temps de déclarer nos formations ! »
Absence de consultation des acteurs du milieu
Alors que la réforme en santé du gouvernement Legault avait été annoncée en campagne électorale, il n’en est rien de cette réforme caquiste visant la gouvernance scolaire. Qui plus est, ce projet de loi n’a fait l’objet d’aucune consultation préalable des acteurs du milieu de l’éducation.
La CSQ souhaite être entendue en commission parlementaire à ce sujet.
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