L’humain ne s’est jamais autant déplacé. Guerres, pauvreté et catastrophes naturelles poussent chaque année des millions de personnes sur les routes, alors que dans le monde animal, l’exode a déjà commencé en réponse au réchauffement planétaire. Pour Sonia Shah, il est temps de reconnaître le rôle central des migrations dans l’histoire de la vie sur Terre, car le mouvement a toujours été le meilleur moyen d’assurer la survie collective des espèces.
Or la migration a mauvaise presse : les États se dotent de politiques antimigrants et érigent des murs au nom de la sécurité nationale. De Trump à Le Pen, en passant par François Legault, l’amalgame entre immigration et menace à la paix sociale est sans arrêt mobilisé. Parallèlement, en biologie les espèces animales ou végétales exogènes sont considérées comme « envahissantes »… D’où provient cette aversion pour l’étranger ? Selon Shah, nous apprenons dès l’enfance que les plantes, les animaux et les gens ont une place désignée : bernache du « Canada », érable du « Japon », monsieur « européen »… Or décrire peuples et espèces selon leur origine prend racine dans les thèses périmées mais encore prégnantes des naturalistes, pour qui les créatures vivantes sont des êtres inaltérables évoluant dans un environnement fixe. Des thèses qui ont légitimé l’ordre racial et les conquêtes coloniales qui en découlent.
Pour déconstruire ces perceptions tenaces, Sonia Shah a suivi les migrants dans leurs périples, de l’île de Lesbos à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Elle nous fait connaître une galerie de personnages, de gens qui ont tout quitté pour une vie meilleure. Elle suit également les déplacements spectaculaires dans le règne animal – comme ceux du papillon monarque – et explique comment nos ancêtres ont peuplé les coins les plus isolés de la planète, des plateaux tibétains aux îles reculées du Pacifique.
Inscrit aussi bien dans les organismes humains que chez les espèces sauvages, l’instinct migratoire serait en fait un vecteur important de diversité biologique et une réponse adaptative aux changements environnementaux. Dans un contexte de montée du racisme et de la xénophobie, Sonia Shah renverse notre regard sur les migrations pour en dévoiler toute la richesse et la beauté. Un voyage captivant.
À propos de l’autrice
Sonia Shah est née à New York de parents Indiens. Reporter et journaliste scientifique encensée par la critique, elle est l’autrice de Pandémie, désigné comme le « choix du rédacteur en chef » du New York Times.
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