Édition du 12 novembre 2024

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Coup d’État. Dans le Gabon de l’après-Bongo, militaires et opposition se dirigent-ils vers un bras de fer ?

Après le coup d’État qui a destitué le président Ali Bongo, le Gabon se dirige vers une transition militaire, déjà contestée par la principale plateforme d’opposition, qui appelle à un retour à l’ordre civil et dont le candidat, Albert Ondo Ossa, revendique la victoire à la présidentielle du 26 août.

Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Le 31 août 2023, à Libreville, une affiche de campagne de l’ancien président du Gabon, Ali Bongo, chassé par un coup d’Etat. Photo AFP.

Après le coup d’État qui a destitué Omar Bongo le 30 août, actions et réactions se multiplient, esquissant une situation qui semble indiquer la fin de la présidence d’Ali Bongo, mais pas forcément celle du clan Bongo. “Le Gabon post-Bongo : le général Oligui fait quoi de l’après ?”, titre Aujourd’hui au Faso, qui se demande ce que fera Brice Oligui Nguema, cousin du président déchu et réputé proche du clan. Il se trouve désormais à la tête d’un pays riche en matières premières qui,“avec rien que le pétrole, aurait pu être un petit émirat noir dans cette forêt luxuriante”.

Une question à laquelle le nouvel homme fort gabonais n’a pas tardé à répondre puisque, nous apprend Gabon actu, “dans un nouveau communiqué, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), qui a déposé par un putsch sans effusion de sang le 30 août l’ex-chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, a annoncé que le nouvel homme fort du Gabon, le général de brigade Brice Oligui Nguema, prêtera serment lundi 4 septembre 2023 comme président de la transition devant la Cour constitutionnelle, [qu’il] a réhabilitée temporairement après avoir annoncé sa dissolution”.

Constitution d’une transition militaire

Autrement dit, le Gabon s’engage à son tour dans ces transitions militaires qui essaiment en Afrique de l’Ouest notamment, après des coups d’État militaires aboutis. Mais les nouveaux maîtres de Libreville n’ont pas manqué d’assurer leurs arrières internationaux, rassurant “l’ensemble des bailleurs de fonds, les partenaires au développement et autres créanciers de l’État”. Les divers engagements du Gabon pris sous l’ère d’Ali Bongo seront donc respectés.

À l’intérieur, Brice Clotaire Oligui Nguema entend aussi s’assurer du soutien des corps constitués gabonais. Dans un autre article, Gabon actu indique que le président du Comité pour la transition et la restauration des institutions recevra vendredi 1er septembre le corps diplomatique et les représentants de la société civile, “selon une source bien informée”, qui précise que “les rencontres se poursuivront, l’objectif [étant] d’apaiser le climat dans le pays”, précise le média gabonais. La veille, le 31 août, ce sont les représentants du patronat et les leaders religieux qui avaient été reçus par le président de l’organe de transition militaire.

Ces initiatives institutionnelles du CTRI semblent rencontrer un écho politique dans le pays, note Gabon Media Time. Si, dans un premier temps, note le site d’information gabonais, la classe politique nationale s’est très peu exprimée sur le coup d’État, le silence a été rompu ce 31 août 2023 par l’Union nationale initiale (UNI). Son président, Paul-Marie Gondjout, a appelé toutes les forces vives à s’associer aux “efforts de construction” du CTRI.

D’après l’analyse faite par ce parti de l’opposition gabonaise, l’intervention des forces armées aura “permis de sauvegarder la paix et la concorde nationale”. Il appelle donc à une transition politique, “qui ne doit être ni trop courte ni trop longue, pour la restauration de nouvelles institutions et la mise en place de nouvelles autorités civiles élues”.

“Président légitime”

Pourtant, si le nouveau pouvoir militaire prétend désormais gérer le pays, la principale plateforme d’opposition gabonaise, qui revendique la victoire à l’élection présidentielle du 26 août, n’entend de son côté pas céder sur ses prétentions au pouvoir.

Par la voix de son candidat, Albert Ondo Ossa, lors d’un entretien à Radio France internationale dont Gabon actu se fait succinctement l’écho, la plateforme Alternance 2023 a demandé aux mutins de “revenir à la légalité républicaine”.

Persuadé d’avoir remporté l’élection présidentielle, pour laquelle il avait obtenu 30 % des voix contre 64 % pour Ali Bongo, selon les résultats officiels fortement contestés, le candidat de la plateforme de l’opposition a demandé que le décompte des voix soit rendu public et que la “proclamation des vrais résultats” soit faite, en affirmant :

  • “Dès que c’est proclamé, je deviens le président légitime.”

Dans cette même interview, Albert Ondo Ossa a estimé que le coup d’État du 30 août constituait une simple “révolution de palais pour perpétuer le système Bongo-PDG [Parti démocratique gabonais]”. Cousin du président déchu, le général Oligui Nguema n’aurait donc pris le pouvoir que pour préserver les intérêts de la famille Bongo, au pouvoir depuis cinquante-six ans.

Refusant de céder le terrain aux putschistes et d’entériner ce coup d’État, “le candidat consensuel de l’opposition a convié les forces vives à une concertation ce vendredi 1er septembre 2023”, indique Gabon Media Time dans un autre article. Un appel à “l’ensemble des formations politiques, des organisations de la société civile et des confessions religieuses” afin que s’amorce un retour à l’ordre constitutionnel par une poursuite du processus électoral, indique le média gabonais.

À l’international, entre condamnations et expectative

Pendant que les mutins s’organisent et que l’opposition principale appelle à un retour à l’ordre civil, sur le plan international, les réactions s’affinent et se nuancent, après une salve de condamnations fermes.

Ainsi, relate le site Cameroun actuel, qui rapporte l’interview de Joseph Borrell avant le début de la rencontre de Tolède entre les ministres des Affaires étrangères européens, le chef de la diplomatie de l’Union européenne a estimé que les situations au Gabon et au Niger n’étaient pas “équivalentes”.

  • “Au Niger, le président était un président démocratiquement élu […]. Au Gabon, quelques heures avant le coup d’État militaire, il y a eu un coup d’État institutionnel car les élections ont été volées […]. Je ne peux pas dire que le Gabon était une vraie démocratie avec une famille qui dirigeait le pays depuis cinquante ans.”

Du côté de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, qui dirige la Commission de l’organisation panafricaine, a condamné le coup de force dans un communiqué daté du 30 août 2023.

Mais cette condamnation est sévèrement commentée par Gabon Media Time dans un autre article. Le site gabonais estime que cette condamnation “hypocrite” marque une étrange “amnésie” de l’organisation. Car, analyse Gabon Time Media, l’UA a gardé “un silence assourdissant” alors que le pays allait connaître des “élections à huis clos”.

  • “Le scrutin entaché de nombreuses irrégularités et l’opacité dans laquelle les résultats ont été compilés ont laissé peu de doutes sur la volonté des autorités déchues d’organiser des élections conformes aux principes de la charte africaine sur les élections.”

Le site gabonais estime par ailleurs que “ni les mesures interdisant la présence d’observateurs internationaux au Gabon ni l’interdiction d’accès au territoire des médias internationaux n’ont alerté le président de la Commission de l’Union africaine sur les conséquences de telles mesures”.

Enfin, du côté des États-Unis et de la France, les réactions ont été également rapides. Washington a appelé à “préserver le régime civil”, ce qui fait dire à Gabon Time Media qu’il n’y a pas de condamnation américaine “explicite” de cette prise de pouvoir par la force, tandis que Paris a condamné le coup d’État perpétré par Brice Clotaire Oligui Nguema et ses hommes.

Courrier international

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