Le Parlement britannique se prononce jeudi 9 décembre sur un triplement des droits d’inscription à l’université proposé par le gouvernement. Dans les facs, la mobilisation contre cette mesure ne faiblit pas. Le mouvement étudiant est en train de devenir la principale force d’opposition aux coupes budgétaires.
Depuis qu’il a dévoilé son plan de rigueur drastique, le 20 octobre, le gouvernement britannique peut s’estimer heureux. Il n’a rien à craindre des travaillistes, dont le nouveau leader, Ed Miliband, est inaudible.
Le front social est plutôt calme. Malgré les 91 milliards d’euros d’économies et les 500 000 emplois publics supprimés, les Britanniques semblent plutôt résignés face à la cure d’austérité qui se prépare.
De 7 000 à 10 600 euros de droits d’inscription en 2012
Seule exception, dans cette apathie générale : les étudiants ne décolèrent pas contre la hausse prévue des droits d’inscription à l’université. Actuellement plafonnés à 3 800 euros, ils vont grimper à 7 000 euros à partir de la rentrée 2012. Et certaines universités pourront même aller jusqu’à 10 600 euros par an.
Obsédé par la réduction des déficits, le gouvernement veut se désengager des universités (la réforme prévoit aussi un baisse de 80% du budget d’enseignement). Bien qu’il cherche à convaincre du bien-fondé de ses projets, plusieurs études montrent qu’un tel triplement des frais dissuaderait les plus modestes de poursuivre des études supérieures et accroîtrait considérablement l’endettement des jeunes diplômés.
La mise à sac, le 10 novembre, par un groupe d’étudiants radicaux, du siège du Parti conservateur en plein cœur de Londres, a été le premier signal d’alarme pour le gouvernement. Depuis, les manifestations sont strictement encadrées par les forces de l’ordre.
Mais les étudiants, qui se mobilisent par dizaines de milliers, sont toujours aussi déterminés. Une trentaine d’universités, dans toute l’Angleterre, sont touchées par des mouvements spontanés d’occupation partielle.
En Ecosse et au Pays de Galles, les revendications étudiantes ont été entendues par les autorités locales, qui ont annoncé qu’elles ne répercuteraient pas la hausse des droits d’inscription.
La « trahison » des libéraux-démocrates
La prochaine journée d’action est prévue pour mercredi 8 décembre, la veille du vote, au Parlement, sur le triplement prévu des droits d’inscription. Enhardis par des semaines de lutte, les étudiants pensent pouvoir mettre en échec le gouvernement.
Ils ont déjà réussi à faire tanguer la coalition au pouvoir. La réforme des universités, voulue par les conservateurs, va à l’encontre du dogme des libéraux-démocrates, qui, avant d’entrer au gouvernement, avaient promis de s’opposer à toute augmentation des droits d’inscription.
Cette promesse de campagne leur avait permis de rafler près de la moitié du vote étudiant aux élections de mai. Aujourd’hui, les étudiants se sentent floués. Et ils ont décidé de faire payer leur trahison aux lib-dems.
Le chef du parti, Nick Clegg, est passé, en quelques mois, du statut d’idole des jeunes à celui de ministre le plus impopulaire du gouvernement. Sa boîte aux lettres a été souillée d’excréments. Les services de sécurité lui ont déconseillé de sortir à vélo, comme il en avait l’habitude.
Le gouvernement lâche du lest
Nick Clegg est contesté jusque dans ses propres rangs. Plusieurs députés ont prévenu qu’ils voteraient jeudi contre l’augmentation des droits d’inscription. Et même le ministre en charge de la réforme, le lib-dem Vince Cable, envisage de s’abstenir.
Malgré cette cacophonie, l’arithmétique parlementaire devrait permettre d’adoption du projet. Le gouvernement a cependant été contraint de lâcher du lest en annonçant dimanche que les étudiants les plus défavorisés seraient dispensés de droits de scolarité pendant leur première année universitaire.
Il est donc peu probable que les étudiants fassent reculer le gouvernement. Mais leur mobilisation a permis de mettre à jour des failles dans la coalition au pouvoir.
C’est un mouvement spontané, sans leader clair, peu politisé et concentré sur un objectif précis. Mais face à la faiblesse de l’opposition travailliste et à l’apathie des syndicats, il apparaît aujourd’hui comme la principale force de résistance aux coupes budgétaires.