Seul un accord REDD+ (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement) a été adopté au moment de mettre sous presse. D’autres décisions sectorielles sur la finance et le mécanisme de « pertes et dommages » sont en voie d’être adoptés en plénière, mais ils pourraient bien être torpillés en raison des divergences de vue considérables entre les différents blocs.
Les pays du G77/Chine, présidés par la République des Fidji, et l’Inde, au nom du BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine) ont exprimé de sérieuses réserves sur la 5e version du texte présentée par les présidents du Groupe de travail ad hoc sur la Plateforme de Durban. La plupart des pays en développement ont dénoncé l’absence d’une feuille de route et d’un échéancier clair dans le texte devant mener à un accord en 2015.
Le Canada et les États-Unis ont aussi exprimé des réticences, mais se sont montrés ouverts à adopter le texte sur le financement à long terme. Par contre, si des États souhaitent amender le texte, ils auront aussi des améliorations à proposer. « Les positions du Canada participent du blocage des négociations en refusant de bouger sur des points clés. Ceci altère la confiance des parties et n’incite pas à ce que d’autres pays s’engagent », selon Alain Brunel, directeur climat-énergie de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), qui a suivi les négociations à Varsovie.
Un point positif, une entente est intervenue pour financer le Fonds d’adaptation à la hauteur de 100 millions de dollars, notamment grâce à la participation généreuse de la Suède et de l’Allemagne.
« Le Canada refuse d’ajouter du financement au Fonds d’adaptation ; il ralentit le processus sur les « pertes et dommages » pour les pays qui subissent des catastrophes ou une dégradation de leurs conditions de vie consécutives à l’inaction climatique depuis 20 ans ; enfin, non seulement le Canada refuse de hausser ses objectifs de réduction d’émissions avant 2020, mais il n’atteindra même pas ses propres maigres cibles », ajoute Alain Brunel.
« En parallèle, le Canada a l’arrogance de prendre crédit des réductions des émissions réalisées par les villes et provinces canadiennes, alors qu’il refuse de mettre en place les dispositifs efficaces qu’elles ont eu le courage d’adopter comme une taxe carbone ou une bourse carbone par exemple. En plus, en pleine conférence de Varsovie, le ministre des ressources naturelles du Canada, M. Oliver, a eu l’indicible mépris de féliciter l’Australie qui veut abolir sa taxe carbone », ajoute Alain Brunel.
« Le Canada n’est évidemment pas le seul responsable du blocage des négociations. D’autres pays comme l’Australie ou le Japon, qui ont annoncé revoir leurs ambitions à la baisse, ont jeté un froid sur ces négociations. La Pologne, pays hôte du sommet, a également joué un jeu trouble en organisant une conférence parallèle avec l’Association mondiale du charbon. Le premier ministre polonais a même osé limoger son ministre de l’Environnement, le président de la conférence, juste après l’arrivée des ministres cette semaine. »
« Exaspérés du blocage des négociations, quelque 800 représentants de la société civile ont alors décidé de quitter la conférence jeudi. D’autres, dont les représentants de l’AQLPA, ont décidé de rester jusqu’au bout, et avec une centaine d’autres manifestants de crier fort dans le stade hier soir, à l’adresse des ministres qui négociaient, « Stop Climate Madness » et « Our voice ! Our future ! Our power ! ».
« Les citoyens doivent prendre acte que de nombreux gouvernements du monde, dont celui du Canada, sont davantage porteurs des intérêts de l’industrie des combustibles fossiles que de la volonté et des intérêts réels de leurs citoyens. Ils doivent donc s’organiser pour changer les politiques et les dirigeants qui mènent le monde vers le chaos climatique » déclare André Bélisle, président de l’AQLPA.