Édition du 5 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique d’austérité

Le blogue de Pierre Beaudet

Ce n’est plus une rumeur (2)

Texte écrit conjointement avec Robert Deschambault

Depuis la gigantesque manif du 29 novembre, on ne peut pas vraiment parler d’une démobilisation. Ça se passe beaucoup au niveau local, où un grand nombre de personnes participent à des actions diverses : manifs du midi, visite du bureau du député, affichage de masse, etc. Encore cette semaine, l’ineffable ministre Martin Coiteux va se faire chanter une chanson ou deux lors d’une allocution qu’il doit prononcer à Montréal. Les travailleuses des garderies, les profs et d’autres employé-es du secteur public s’activent et se préparent pour la rentrée de 2015.

Plus tôt cette semaine au conseil confédéral de la CSN, il a été question justement de cette rentrée. Plusieurs pistes ont été explorées

 Enraciner l’action dans les régions, en dehors des grands centres de Montréal et de Québec. C’est là que cela peut faire le plus mal à Couillard et au PLQ qui traditionnellement s’appuie sur un réseau de patronage dans les petites et moyennes municipalités. Aujourd’hui, celles-ci sont estomaquées par les politiques d’austérité qui de toute évidence vont énormément appauvrir les régions, voire, les vider. Des coalitions inédites se mettent en place pour sauver des institutions indispensables à la survie de ces régions.

 Préparer une grande journée d’action, qui pourrait inclure des mobilisations de masse pour rappeler aux grands opérateurs politiques et économiques qu’on ne capitule pas. Cela impliquerait évidemment le secteur public, mais également les syndicats du secteur privé qui rencontrent presque tous des stratégies patronales calquées sur les prescriptions de l’Institut économique de Montréal : désyndicalisation, dislocation du collectif des travailleurs, contrat à deux voire à trois vitesses pénalisant les jeunes, etc. Le monde est en train de se rendre compte que tout cela appartient à une « logique » globale même si pour plusieurs syndicats du secteur privé, on est habitués à faire face à un employeur dans le cadre d’une convention collective. Aujourd’hui il faut se faire à l’idée, les conventions collectives ne valent plus grand-chose.

 Continuer la lutte contre la dislocation /centralisation du secteur de la santé, ce qui affectera des milliers de travailleurs et de travailleuses, et encore plus les usagers. L’angle mort de Barrette et de Couillard, c’est qu’ils sont trop gourmands et ce faisant, ils se mettent tout le monde à dos des médecins aux infirmières en passant par les employés généraux et même les directeurs d’établissement. À quand une grande alliance de tous ceux et celles qui travaillent dans la santé, au-delà de leurs affiliations syndicales ou professionnelles, pour défendre le service public ?

 Organiser des mobilisations en tenant compte des dates-phares du mouvement populaire, comme le 8 mars ou le 1er mai. Maintenant que la manif du 29 novembre a été un tel succès, on se doit de poursuivre pour faire croître notre force de ralliement.

 Se lier aux autres grandes mobilisations en cours dans le domaine de l’environnement, des droits des femmes et des autochtones. Participer, autant par vertu que par nécessité, à construire un mouvement populaire avec un P majuscule, comme les étudiant-es l’ont fait en 2012 !

 Mais par-dessus tout, il faut s’assurer que nos efforts pour déconstruire le discours de la droite idéologique, des campagnes de peur et de manipulation des dictats du capital, percent la sphère des intellectuels et des couches militantes pour prendre racine chez la population en général.

 Il est également dans l’ordre des choses d’organiser une rencontre faisant suite au Forum social des peuples, question de brasser la cage avec les camarades canadiens et de construire des solidarités effectives. Nous ne pouvons oublier Harper et la prochaine élection fédérale. Trouvons et bâtissons nos solidarités sur tous les plans. Ce front social des mouvements sociaux se doit d’inclure l’ensemble des luttes qui les traversent tant aux niveaux provinciaux que fédérale.

Une fois dit cela, il ne faut pas s’illusionner deux minutes sur ce qui nous attend. On l’a dit mais il faut le répéter, le gouvernement Couillard veut procéder à une réingénierie de la société, et non pas « simplement » couper dans les budgets. On l’a vu encore cette semaine quand l’autre pit-bull de Couillard, le ministre Pierre Moreau, a semoncé des municipalités qui « osaient » augmenter les taxes au lieu de couper dans les postes et les salaires. L’idée est toute simple : briser les syndicats comme on l’a fait aux États-Unis et à partir de là, procéder à détruire une grande partie des acquis arrachés depuis la révolution tranquille.

De gros défis attendent le mouvement syndical dans ce contexte. Il y a d’abord la « bataille des idées », qui bat son plein. La quasi-totalité de l’appareil médiatique, à part quelques individualités à Radio-Canada et au Devoir, est mobilisée aux côtés du gouvernement. Avec les médias-poubelles du réseau Quebecor, on ne va pas dans la dentelle. Les syndiqués, ces « gras durs » du système, sont des bêtes à abattre. D’autres qui font semblant d’être des experts sont grassement payés pour rendre les retraités coupables de profiter un peu de la vie après 4 décennies de dur labeur. Et bien sûr, il faut ramener tout le monde par le bas. Grosso modo, le mouvement populaire est très mal armé pour répondre à cela.

L’autre sale moment qui est devant nous provient de la nouvelle ronde de compétition syndicale qui s’annonce dans le sillon de la « réorganisation » du secteur public. Dans la santé, dans les commissions scolaires et ailleurs, des tas d’unités vont fusionner, souvent dans le chaos le plus total, ce qui va forcer les accréditations syndicales à reconfirmer leur membership. En clair, il se pourrait fort bien, malheureusement, que les syndicats se battent les uns contre les autres pour garder ou même augmenter leurs membres, au grand plaisir du patronat. Le plus de combats intersyndicaux possible, le plus de ressources consacrées au maraudage, le plus d’acrimonie entre les appareils, c’est toujours cela de gagné pour Couillard et sa bande. Plusieurs syndicats sont conscients de cela et cherchent des solutions pour confronter cette tactique qui peut ralentir le développement de ce mouvement social. Malheureusement il faut le dire, ce n’est pas tout le monde qui pense comme cela.

Enfin, il faudra également se faire à l’idée que la bataille en cours va durer des mois, probablement des années. On l’a déjà dit, il faut accepter d’être dans un marathon, pas dans un sprint, ce qui va nécessiter beaucoup de patience, beaucoup de souffle, beaucoup d’éducation populaire, bref, une capacité de lutte énorme et de longue durée. D’autres l’ont fait. Nous aussi on est capables.

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