Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Catastrophe de Compostelle : Seul le peuple sauve le peuple

Aujourd’hui, c’est la journée nationale de Galice la plus triste dont on puisse se souvenir. Des dizaines de personnes sont mortes (79, selon les derniers comptages) dans un tragique accident de train. Les informations circulent de manière confuse et un récit du drame commence à s’imposer. La douleur des familles imprègne toute la société galicienne, un peuple qui tente de comprendre ce qui s’est passé.

Je suis conscient du fait qu’il n’y a rien de plus obscur que d’évoquer « l’instinct », mais quelque chose nous pousse bel et bien à tenter de comprendre. On ne peut pas l’éviter : l’impact de la tragédie et les informations confuses qui nous sont données nous poussent dans ce sens.

Je ne vais pas spéculer sur les familles ni sur leur douleur. C’est une question qui mérite un respect absolu, loin de l’attitude voyeuriste des mass médias, de leur soif de sensationnalisme. Ces médias qui ne comprennent pas qu’il y a des sphères qui ne les regardent en rien. Nous ne sommes autorisés qu’à nous interroger que sur ce qui relève du domaine public et à nous solidariser avec les familles des disparus ainsi qu’avec les blessés.

Le peuple galicien, et aussi les peuples des autres parties de l’Etat espagnol, démontrent une merveilleuse sensibilité et solidarité avec les familles, en offrant massivement du sang, avec des messages de soutien au milieu de l’énorme confusion provoquée par la tragédie. Cette solidarité populaire n’a rien de « politique », comme on emploi ce terme couramment, elle a tout de la politique avec un grand « P », de la politique réelle.

Les infirmières au chômage qui se sont portées volontaires pour s’occuper des blessés, les psychologues qui accourent gratuitement pour soutenir les familles, les pompiers qui suspendent leur grève pour collaborer aux tâches nécessaires, tous ne le font pas par choix « politique », ils le font par humanité. Les mêmes personnes qui sont en permanence attaquées par les coupes et les licenciements sont celles qui sont aujourd’hui indispensables pour atténuer la tragédie et elles le font généreusement, en démontrant que la coopération et la générosité sont supérieures à l’individualisme et au « chacun pour soi » qu’ils tentent de nous imposer. Face à une telle tragédie, le peuple s’occupe du peuple.

C’est pour cela qu’il est étrange que l’on accuse de « politiser l’incident » ceux qui remercient les travailleurs du secteur public pour leur labeur. Les seuls qui politisent l’affaire sont les politiciens qui réduisent les droits de tous et qui vont aujourd’hui se faire prendre en photo avec les travailleurs et les familles des victimes, apparaissant comme des sauveurs alors qu’hier encore ils licenciaient, coupaient et insultaient les travailleurs du secteur public. Certains tentent d’aider et travaillent dans l’ombre, tandis que d’autres tentent hypocritement de se rendre visibles. Où est donc cette efficacité du privé qu’ils nous ont tant vantée ? La tragédie est horrible, mais je préfère ne pas imaginer ce qui ce serait passé si tous ces services étaient privatisés.

Hier, Pablo Iglesias (*) a été durement insulté sur Twitter pour avoir simplement remercié les efforts des travailleurs du secteur public. Aux yeux de certains, la visite de Rajoy et du roi (complices ou responsables des coupes dans les services publics) n’a rien de politique, mais saluer le labeur des employés du public, oui.

Aujourd’hui, le récit qui s’instaure est celui de l’ « excès de vitesse » (ce qui est certainement vrai) et de la « responsabilité du conducteur » (ce que j’ignore). Je ne vais pas entrer à fond dans des détails techniques car je ne suis nullement un expert, mais il faut mettre toutes les informations sur la table.

Le train ne disposait pas du ERTMS, un système de gestion de conduite composé d’un frein automatique spécial et d’un mécanisme de contrôle automatique de vitesse. Un système qui, comme l’ont rappelé les syndicats des cheminots, est installé dans presque tous les réseaux en Europe et dont dispose l’AVE (train à grande vitesse, NdT) dans l’Etat espagnol, un train quasi de luxe dont le billet est réservé aux gens ayant un pouvoir d’achat très élevée. Les conducteurs subissent en outre une très forte pression pour que les trains soient ponctuels, avec des réductions salariales au cas où ils ne respectent pas les horaires.

Il ne s’agit pas d’accuser qui que ce soit avant d’avoir toute les informations, mais c’est un droit pour la citoyenneté de savoir exactement ce qui s’est passé. Respecter la douleur des familles est aujourd’hui le plus important, comme le comprend tout le peuple galicien en l’exprimant par sa solidarité, sa tendresse et son respect envers les victimes. Dans cette terrible tragédie, que rien ni personne ne pourra alléger suffisamment, nous avons démontré que nous sommes capables de nous occuper de nous-mêmes, que seul le peuple sauve le peuple.

Note du traducteur

(*) Pablo Iglesias Turrión, intellectuel de gauche, est professeur de Science Politique à l’Université Complutense de Madrid. Il a collaboré par des articles à de nombreux sites et journaux de gauche (Público, Diagonal, Rebelión et Kaos en la red).

Source :
http://www.grundmagazine.org/2013/el-pueblo-salva-al-pueblo/
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

Brais Fernández

Membres d’Anticapitalistas/Podemos (Espagne).

Auteur pour le site espagnol http://www.grundmagazine.org/

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