Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Débat sur les politiques d’alliance

C’est le temps de faire le saut en politique nous aussi !

Gabriel Nadeau-Dubois fait le saut en politique avec Québec Solidaire (QS). Il a annoncé jeudi le 9 mars qu’il sera candidat à la succession de Françoise David comme député de Gouin, mais aussi qu’il sera candidat comme co-porte-parole masculin de QS lors du prochain congrès (l’équivalent, dans QS, de co-chef du parti, sans doute avec Manon Massé comme co-chef féminine).

Dominique Boisvert 12 mars 2017 4

Gabriel est un être exceptionnel, comme il en existe heureusement un certain nombre dans toutes les sociétés : charisme, talent d’orateur, maturité politique, jugement, expérience malgré son jeune âge, mais d’abord et avant tout, des valeurs sociales et personnelles remarquables. Il a déjà, en cinq ans à peine, démontré à plusieurs reprises un leadership différent, un engagement courageux et une préoccupation du bien commun qui fait trop souvent défaut en politique :
•en défendant le droit de parole public jusqu’en Cour Suprême grâce à une campagne de socio-financement (bataille finalement gagnée) ;
•en décidant de donner son prix de 25,000$ reçu du Conseil des Arts du Canada pour son essai Tenir tête (Lux, 2013), portant sur son expérience du Printemps érable, afin d’appuyer la lutte contre l’oléoduc Énergie-Est et en invitant ses concitoyens à se joindre à lui pour « doubler la mise » (le montant recueilli a en fait multiplié la mise par 15 pour atteindre plus de 385,000$ versés à l’organisme « Coule pas chez nous ») ;
•et en étant l’un des initiateurs de la grande tournée provinciale « Faut qu’on se parle », dont le succès a dépassé les attentes et qui a débouché sur le manifeste écrit à plusieurs mains Ne renonçons à rien (Lux, 2017).

Mais, à 26 ans, GND ne sera pas le Messie (et ne veut surtout pas l’être) ! Personne ne peut, à lui seul, faire tourner le vent. Et c’est heureux ainsi, car la seule politique qui soit à la fois démocratique et durable est celle qui réussit à impliquer le plus grand nombre. C’est la participation citoyenne qui fait la force et le succès de tout projet collectif, en politique comme dans les combats nonviolents (je viens de terminer le manuscrit d’un nouveau livre, à paraître à l’automne 2017, qui porte entièrement sur la nonviolence).

Mais l’arrivée de GND en politique active au Québec pourrait, si nous sommes suffisamment nombreux à le vouloir parce que nous le ressentons ainsi, constituer l’occasion ou le déclencheur d’une véritable mobilisation politique que le Québec attend depuis trop longtemps.

Bien sûr, il est impossible d’être tous d’accord sur tout : indépendance, projet social, régime économique et fiscal, etc. Mais le Québec fait du sur-place, sur la plupart des fronts, depuis 20 ans. Nous avons eu droit essentiellement à de la « gestion à la petite semaine » passant des déficits zéro à la corruption, puis à l’austérité, en passant par les dossiers mal gérés des questions identitaires et de l’épouvantail référendaire. Quelles que soient nos options politiques, le Québec mérite vraiment mieux que cela !

Pour faire des changements sociaux ou politiques, il faut un vaste mouvement d’opinion en ce sens. Malgré nos désaccords, on peut s’entendre majoritairement sur des choses essentielles. Le Québec a su le faire au moment de la Révolution tranquille des années 60. Il l’a fait à nouveau quand il a élu pour la première fois le Parti Québécois en 1976, avec une série de réformes importantes qui servent encore maintenant. Ne sommes-nous pas mûrs pour un nouveau coup de barre important, comme l’a montré l’initiative « Faut qu’on se parle » à l’automne 2016 ?

Le Québec est capable de grandes choses. Surtout s’il n’a pas besoin, chaque fois, de convaincre le reste du Canada avant de pouvoir décider et agir. Il l’a démontré si souvent, aussi bien par ses artistes, ses scientifiques, ses juristes, ses entrepreneurs ou ses réalisation économiques qui font l’envie du reste du monde.

La jeunesse du Québec peut se mobiliser, comme elle l’a éloquemment montré durant le printemps érable de 2012. L’ingénieur Armand Couture avait 32 ans quand il dirigea la construction du pont-tunnel Hippolyte-Lafontaine. Jacques Parizeau avait 35 ans quand il mit sur pied le Régime des rentes et la Caisse de dépôt et de placement du Québec. Guy Laliberté avait 25 ans quand il a fondé le Cirque du Soleil. Et Yannick Nézet-Séguin avait aussi 25 ans quand il a pris la direction de l’Orchestre métropolitain et 41 ans quand il est devenu directeur artistique du Metropolitan Opera de New York. Et encore maintenant, ce sont des jeunes qui sont à l’origine de la plupart des innovations technologiques qui transforment notre quotidien.

Ce dynamisme extraordinaire de la jeunesse a été, au niveau des instances politiques et autres niveaux décisionnels, graduellement mis en veilleuse à mesure que les « baby boomers », qui en avaient été des exemples remarquables, vieillissaient tout en restant aux commandes. Si bien qu’on en est venu à croire qu’il va de soi que nos dirigeants, dans tous les domaines, aient plus de 50 ou 60 ans. Pourtant, Robert Bourassa n’avait que 36 ans quand il a été élu premier ministre pour la première fois.

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Nous vivons à un moment de l’histoire qui risque de s’avérer décisif. Les changements climatiques, qui bouleversent déjà la météo, menacent la vie humaine sur Terre. Les inégalités économiques n’ont jamais été aussi criantes entre une poignée d’archi-riches (le fameux 1%) et le reste du monde (en janvier 2017, les 8 personnes les plus riches de la planète avaient autant que la moitié de la population mondiale, soit 3,6 milliards d’humains) ! Les migrations internationales commencent à devenir de plus en plus incontrôlables (comme on l’a constaté en 2015 et 2016 en Europe) alors qu’aux millions de réfugiés politiques s’ajoutent des millions d’autres réfugiés économiques, sécuritaires et environnementaux. Quant aux ressources de la planète, il est de plus en plus évident que si elles peuvent faire vivre l’ensemble des humains actuels, elles ne peuvent évidemment pas leur offrir à tous notre niveau de vie occidental : comment allons-nous donc partager équitablement ces ressources limitées ?

Pendant ce temps, le Canada promet à la Conférence de Paris des cibles ambitieuses de réduction de gaz à effet de serre et, de retour au pays, il s’empresse d’autoriser de nouveaux pipelines pour le sables bitumineux. Les riches cachent leur fortune dans les paradis fiscaux de KPMG et c’est nous qui payons leurs impôts. Pour être élu, le premier ministre Trudeau promet formellement une réforme électorale, puis la laisse tomber une fois au pouvoir. Les divers ministres de la santé québécois changent les organigrammes et fusionnent les établissements, pendant que les patients continuent d’attendre dans les urgences et que les médecins gagnent toujours plus. Et tous les politiciens nous promettent, chacun leur tour, de « faire de la politique autrement ».

Il me semble que le temps est plus propice que jamais pour un renouvellement en profondeur, au Québec, de notre classe et de notre projet politiques.

Et que l’arrivée de Gabriel Nadeau-Dubois devrait être l’occasion, pour chacun de nous, de plonger à notre tour « en politique ».

Il y a mille façons de le faire, et aucune n’est négligeable : envoyer un courriel ou une lettre, signer un appui ou une pétition, s’inscrire dans un parti politique, s’abonner à une liste d’envois, s’informer plus régulièrement des questions débattues, donner un coup de main pour les élections, envoyer de l’argent pour financer la campagne, discuter avec sa parenté ou ses amis, organiser une rencontre dans son milieu de travail ou de loisirs, faire circuler de l’information (vraie) sur les réseaux sociaux, oser inviter son entourage à participer à son tour, etc.

Une façon bien simple et bien concrète de faire notre part pour favoriser ce changement politique nécessaire est de signer la pétition en faveur d’une réforme électorale introduisant une forme de représentation proportionnelle au Québec : réforme si souvent promise et jamais réalisée, qui jouit présentement de l’appui unanime de tous les partis politiques au Québec (sauf les Libéraux) et qui s’avère un élément déterminant pour tout changement politique significatif. Il suffit d’aller sur le site du Mouvement Démocratie Nouvelle.

***

Gabriel devrait sans doute être élu député de Gouin d’ici l’été (mais rien n’est jamais acquis !). Et devrait aussi faire un bon travail, aussi bien à l’Assemblée nationale que comme porte-parole de QS. Même si personne d’entre vous ne s’impliquait pour y arriver.

Mais ce n’est pas là le sens de mon invitation. Car il serait bien dommage, pour le Québec, que l’arrivée de GND en politique se limite à remplacer Françoise David par Gabriel Nadeau-Dubois au Salon rouge et dans l’organigramme de Québec Solidaire.

Ce dont le Québec a vraiment besoin, c’est d’une nouvelle Révolution tranquille, d’un nouveau PQ porté au pouvoir pour la première fois, d’un Printemps érable d’un nouveau genre. Et cela n’est possible que si un souffle nouveau se lève sur le Québec, rejoignant aussi bien les jeunes que les plus vieux, les Québécois « de souche » que les « arrivants » plus ou moins nouveaux, les gens des grandes villes que ceux des régions, les plus scolarisés que ceux qui n’ont pas eu cette chance.

Et ça, Gabriel Nadeau-Dubois ne peut pas le faire. Mais il peut être pour nous l’occasion qu’on attendait. Et ça, ça ne dépend que de nous ! Pour ajouter notre souffle individuel au grand vent collectif qu’on espère faire souffler sur le Québec, il suffit de visiter son le site GND2018.

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