A propos du « budget carbone », j’énumérais les éléments suivants :
– Le « budget carbone » pour avoir 66% de chance de rester au-dessous de 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle est selon le GIEC de 400GT pour la période 2011-2100[2] ;
– Les émissions de CO2 se montent à 40GT/an environ (dont 36Gt provenant de la combustion de combustibles fossiles)[3]
– A ce rythme, le « budget » sera donc épuisé en 2021.
Cette dernière affirmation est inexacte parce qu’elle ne tient pas compte des absorptions de CO2 par les plantes vertes et par les océans (« puits de carbone »). Comme ces absorptions représentent à peu près 55% des émissions[4], il en résulte que, toutes choses restant égales, le budget carbone pour 1,5°C sera épuisé en 2033, et pas en 2021.
« Toutes choses restant égales » signifie entre autres que les émissions et la capacité d’absorption par les puits restent stables.
En ce qui concerne les émissions, j’ai dit dans l’interview qu’elles continuaient d’augmenter. En fait, elles étaient au même niveau en 2015 qu’en 2014, mais il était encore trop tôt pour évoquer une stabilisation. Celle-ci semble devoir se confirmer aujourd’hui, sur base des données pour 2016, comme le montre le graphique ci-dessous (source : IEA) :
Cette stabilisation intervient alors que le PIB mondial a cru de 3%. Elle confirme par conséquent un début de découplage entre croissance et émissions, dû principalement au recul du charbon dans la production d’électricité, au profit des renouvelables et du gaz de schiste (le gaz émet moins de CO2 à la combustion que le charbon).
Par contre, les concentrations atmosphériques en CO2 continuent d’augmenter de façon inquiétante, ainsi que le montre cet autre graphique :
Le fait que les concentrations augmentent alors que les émissions diminuent est paradoxal et pourrait résulter notamment d’une baisse des absorptions de CO2 par les puits de carbone (il faut savoir en particulier que le CO2 se dissout moins bien dans l’eau chaude que dans l’eau froide, or les océans se réchauffent).
L’erreur de douze années dans le calcul sur la date d’épuisement probable du budget carbone n’affecte pas les conclusions effrayantes relatives à l’extrême gravité de la situation. L’Organisation Météorologique Mondiale ne cache d’ailleurs pas son inquiétude : la température a déjà augmenté de 1,1° par rapport à la période pré-industrielle et l’année 2016 a marqué un nouveau record de chaleur.
Le journal Le Monde rapporte le commentaire du climatologue Michael Mann, directeur du Earth System Science Center de l’université de Pennsylvanie (Etats-Unis) : « Il est évident, dit-il, que la perspective de stabiliser le réchauffement en dessous de 1,5 °C s’éloigne, (car) nous avons déjà réchauffé l’atmosphère de plus de 1 °C, et 0,5 °C de plus pourrait être déjà dans les tuyaux. »[5] (en d’autres termes : inévitable du fait de la quantité de carbone déjà accumulée dans l’atmosphère mais qui n’a pas encore fait sentir tous ses effets).
Il n’y a aucun doute : la catastrophe climatique est en marche. Les 20 millions d’êtres humains menacés de mort en Afrique du fait des températures élevées et de la sécheresse montrent qu’il s’agit bien d’une énorme catastrophe sociale, dont les plus pauvres font les frais. Il n’est possible de l’endiguer que par un plan d’urgence qui brise la logique d’accumulation du capital.
Notes
[1] http://www.lcr-lagauche.org/lecosocialisme-est-bien-plus-quune-strategie-un-projet-de-civilisation/
[2] https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/syr/AR5_SYR_FINAL_All_Topics.pdf
[3] https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg3/ipcc_wg3_ar5_summary-for-policymakers.pdf
[4] https://earthobservatory.nasa.gov/Features/CarbonCycle/page5.php