Mais cette victoire a un prix, le gouvernement sortant, rassemblant l’Union chrétienne et les libéraux du FDP se retrouve bancal.
Car si les estimations de la soirée électorale se confirment, le FDP a raté la barre des 5 % et perd donc toute représentation au Bundestag ou il siégeait sans interruption depuis 60 ans. Il s’agit d’un petit tremblement de terre dans la vie parlementaire allemande.
Dans les rangs du FDP on avait senti ça venir d’ailleurs. Les rangs des participants étaient clairsemés et les mines atterrées à la soirée électorale du parti à Berlin, avant même les premières estimations fatidiques de 18 heures.
L’Allemagne électorale est un pays à surprise. Le parti libéral avait rassemblé 14,6 % des suffrages, lors du scrutin fédéral de 2009. Le score du FDP avait stupéfié alors tous les observateurs -comme le score de l’Union chrétienne a ébahi tout le monde hier soir.
Sa chute vertigineuse de dix points tient au mécontentement profond de ses électeurs d’il y a quatre ans. Ils lui reprochent de s’être transformé « en simple fonctionnaire du parti de la chancelière ». Les réformes qu’il avait promises, dont la baisse substantielle des impôts pour tous, sont restées lettre morte. La seule dont il pouvait réellement réclamer la paternité, la réduction de la TVA pour les hôteliers, s’est même transformée peu à peu en casserole pour le FDP. Il est accusé d’avoir favorisé ainsi ses sponsors, la chaîne hôtelière Mövenpick en tout premier.
Le mécontentement de son électorat quatre ans plus tard a fait effet balancier, et les démocrates chrétiens ont récupéré les deux tiers des électeurs transfuges de leur partenaire (environ deux millions de voix), affichant un score qui surprend même la CDU et qui efface le résultat très médiocre du parti de la chancelière en 2009.
Il faut rappeler cependant que le score de 42,1 % -selon les estimations d’hier soir 22 heures- n’est pas le score du parti d’Angela Merkel, mais repose sur l’addition des résultats des deux partis de l’Union chrétienne la CDU 33 % et la CSU 8,4 %. La démocratie chrétienne bavaroise de Horst Seehofer, a recueilli 49 % des suffrages en Bavière, le second Land allemand avec 12 millions d’habitants. Elle totalise ainsi dans le seul Land ou elle est présente autant de voix que les Verts ou die Linke dans l’ensemble des 16 Länder de l’Allemagne.
Selon les premières projections des résultats hier soir, le triomphe de l’Union chrétienne CDU/CSU semblait même pouvoir se traduire par une courte majorité absolue du parti d’Angela Merkel au Bundestag, face à l’opposition constituée des sociaux-démocrates, des verts, et du parti die Linke.
Une éventualité sur laquelle la chancelière refusait prudemment de se prononcer lors de la table ronde rassemblant les dirigeants des partis élus au parlement, hier soir dans les studios de la télévision publique. Elle préférait attendre avec prudence « les résultats définitifs ». Et prendre le temps d’en examiner les conséquences ce matin à Berlin, avec l’état-major de son parti. Une prudence compréhensible. Au cours de la nuit, les estimations précédant de peu les résultats réels semblaient d’ailleurs exclure l’ éventualité d’un majorité absolue, contraignant ainsi la chancelière à trouver un nouvel allié.
La victoire d’Angela ne lui épargnera aucune contrainte. Car la chancelière fera face demain comme hier à un même obstacle de taille pour mettre en œuvre sa propre politique. L’opposition, les sociaux démocrates et les Verts, détiennent en effet la majorité à la seconde chambre du parlement, le Bundesrat, qui rassemble les représentants des Länder.
Une majorité renforcée même depuis hier. Puisque la CDU a perdu avec son partenaire libéral la majorité dans le Land de Hesse, lors du scrutin régional de ce dimanche. Le parti libéral échouant sur la barre des 5 %, la CDU se retrouve seule. Et son bon score de 39 %, ne donne pas pour autant au ministre président démocrate-chrétien Volker Bouffier une majorité pour continuer à gouverner à Wiesbaden, la capitale de la Hesse. Il devra s’allier avec le SPD ou avec les Verts. A moins que l’opposition, avec l’aide de die Linke, ne trouve le moyen de renvoyer la CDU en Hesse dans l’opposition.
Le camps de Merkel, démocrates chrétiens et libéraux, ne dirige donc plus que deux Land sur seize, la Saxe et la Bavière. C’est le douloureux revers du succès personnel de la chancelière.
Une grande coalition rassemblant l’Union chrétienne et les sociaux démocrates, comme ce fut le cas de 2005 à 2009, serait la solution la plus logique. Elle permettrait à la chancelière de disposer d’une majorité confortable au Bundestag, afin de mettre en œuvre une politique consensuelle avec le SPD, susceptible de recueillir l’approbation des deux chambres du parlement.
Elle répondrait également aux vœux de la majorité des électeurs.
Mais les sociaux démocrates qui ont enregistré un résultat décevant avec 25,6 % des suffrages -soit 2,6 % de plus qu’il y a quatre ans-, ne faciliteront par la tâche de la chancelière. Peer « Steinbrück », leur candidat-chancelier, saluait certes sportivement Merkel « comme le vainqueur de l’élection » hier soir, en lui souhaitant tout le succès possible. Mais il poursuivait aussitôt : « je conseillerais à mon parti de ne pas rejoindre une grande coalition et de constituer une opposition forte au parlement. »
Les Verts qui ont encaissé également un résultat médiocre avec 8,4 % des suffrages, soit une perte de 2,3 % sur 2009, risquent quant à eux de reculer devant une alliance au Bundestag, pour constituer une majorité avec une CDU/CSU plus triomphante que jamais. « La CDU a cannibalisé le FDP », résume le leader des Verts, Jürgen Trittin. Le sort du FDP a de quoi faire réfléchir les futurs alliés des chrétiens-démocrates.