Tiré de À l’encontre.
Le cortège a traversé les rues Bab Azzoune, Ali Boumendjel, Larbi Ben M’hidi, Pasteur, Sergent Addoun, le boulevard Amirouche, la rue Mustapha Ferroukhi, avant de se diriger vers la place Audin pour prendre fin à 13h10, à hauteur du lycée Barberousse, près de la Fac centrale.
Les étudiants et leurs renforts populaires ont scandé les slogans habituels : « Dawla madania, machi askaria ! » (Etat civil, pas militaire), « Qolna el îssaba t’roh, ya ehnaya ya entouma ! » (On a dit la bande doit partir, c’est nous ou bien vous), « Ennidhal, ennidhal, hatta yarhala ennidham ! » (La lutte continue jusqu’au départ du système), « Sallimou essolta li echaâb ! » (Remettez le pouvoir au peuple), « Etudiants s’engagent, système dégage ! »…
La veille de la commémoration de la mort du chahid Larbi Ben M’hidi, exécuté par l’armée coloniale, rappelle-t-on, le 4 mars 1957, on pouvait entendre : « Ya chahid ertah, ertah, sa nouwassilou el kifah ! » (Repose en paix, martyr, nous poursuivrons le combat). Des portraits de Ben M’hidi sont brandis par certains manifestants.
L’un d’eux hissait une pancarte à l’effigie de « Si Hakim » [de son nom Hadni Saïd, il eut une longue trajectoire militante passant par le PPA, le MTLD et le FLN, il participa au Congrès de la Soummam, et fut tué par l’armée française en 1957] et de Abane Ramdane [assassiné le 27 décembre 1957, par une fraction du FLN, suite au congrès de la Soummam qui s’est tenu en août 1956 et où le thème Etat civil et non militaire a été développé], et ce message : « A la mémoire de nos martyrs. Primauté du politique sur le militaire. Le peuple demande un Etat civil ». Sur les autres pancartes, on peut lire : « Le peuple veut un pouvoir issu de la volonté populaire », « Changement radical du système », « Libérez les détenus », « Ni stop, ni recul, ni corona. Révolution jusqu’au bout ! Liberté, démocratie, justice sociale », « Une seule Constitution, celle du peuple », « 22 février 2019-22 février 2020 : yetnahaw ga3 ! » (Ils dégagent tous !). Un homme d’âge mûr écrit : « L’escalade. La victoire est proche ».
Sur un grand panneau est décliné ce slogan, en rouge : « Hadj Moussa, Moussa El Hadj ». Un protestataire dénonce : « La justice otage de la police politique ». Un professeur universitaire charge la gestion de l’institution académique : « L’université est une prison ». Il ajoute : « Etudiants en résidence surveillée ».
« A quand le jugement du parrain Bouteflika ? »
Le même prof exige le jugement du Président déchu : « Jugez le président A. Bouteflika ». Un citoyen exprime la même revendication. « A quand le jugement du parrain Bouteflika ? » assène-t-il. Une étudiante exprime pour sa part cette réflexion : « Eloigner l’étudiant de la politique, c’est ce qui en a fait un jeu malsain entre les mains des corrompus. »
Il y a également le message de cette étudiante clairement de gauche qui a retenu notre attention : « Etat civil ne suffit pas. Ne remplacez pas une bourgeoisie par une autre. Conscience de classe ». Au verso de sa pancarte, cette inscription : « C’est une lutte de classes. Gare à l’opposition fictive. Zitout ne me représente pas ». Retenons, en outre, cette banderole qui proclame : « Non à la normalisation avec le système ».
Il convient de noter, par ailleurs, la présence de nombreux portraits de détenus politiques et d’opinion, à l’image de Yasmine Si Hadj Mohand, arrêtée le vendredi 21 février à Alger ; Karim Tabbou, Abdelwahab Fersaoui ou encore Brahim Lalami.
A signaler, pour finir, que des interpellations ont émaillé la marche d’hier. « J’ai été interpellé et entendu par la police pendant une heure », témoigne un activiste, figure emblématique du hirak, qui avait déjà été arrêté samedi dernier en même temps que 55 autres manifestants. Son procès est programmé pour le 23 mars, nous dit-il.
Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) a posté de son côté cette information sur sa page Facebook : « Deux manifestants arrêtés aujourd’hui (mardi 3 mars) à la marche des étudiants, à la Grande-Poste. »
La même source a indiqué dans une autre publication que Ibrahim Daouadji, un hirakiste de Mostaganem [deuxième ville côtière de l’Algérie, à quelque 360 km à l’ouest d’Alger] qui a été en détention pendant plus de trois mois, a été de nouveau appréhendé hier : « L’ex-détenu Daouadji Ibrahim vient d’être embarqué dans un restaurant à la rue Tanger (Alger) par des gendarmes en civil et se trouve à la brigade de gendarmerie de Bab J’did », a alerté le CNLD.
Article publié dans El Watan en date du 4 mars 2020.
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