Édition du 12 novembre 2024

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Affamés de terres : les petits agriculteurs nourrissent la planète avec moins d'un quart de toutes les terres agricoles

Gouvernements et agences internationales font souvent valoir que les petits agriculteurs contrôlent la majorité des terres agricoles mondiales. Lorsque le Directeur Général de l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture a proclamé 2014 Année internationale de l’agriculture familiale, il a chanté les louanges des petits producteurs mais n’a pas une seule fois évoqué la nécessité d’une réforme agraire. Il a au contraire déclaré que les exploitations familiales géraient déjà la plus grande partie des terres agricoles mondiales, soit, selon son équipe, le pourcentage énorme de 70%.

Culture du manioc sur les rives du Mékong : les petites fermes ont tendance à donner à la production alimentaire priorité sur la production de matières agricoles et de cultures d’exportation.

Culture du manioc sur les rives du Mékong : les petites fermes ont tendance à donner à la production alimentaire priorité sur la production de matières agricoles et de cultures d’exportation.

Toutefois, un nouvel examen des données réalisé par GRAIN démontre le contraire. Les petites fermes, qui produisent l’essentiel de l’alimentation mondiale, doivent actuellement se contenter de moins d’un quart des terres agricoles mondiales, voire moins d’un cinquième, si l’on exclut la Chine et l’Inde.

« La concentration des terres entre les mains des riches et des puissants explique pourquoi nous perdons rapidement tant de fermes et de paysans, » indique Henk Hobbelink, coordinateur de GRAIN. « La grande majorité des familles d’agriculteurs ont de nos jours moins de deux hectares à cultiver et cette part continue de diminuer. Si rien n’est fait pour renverser cette tendance, le monde perdra sa capacité à subvenir à ses propres besoins alimentaires. »

Marina Dos Santos de la coordination du Mouvement brésilien des travailleurs sans-terres (MST) et de La Via Campesina déclare : « Aujourd’hui, les paysans sont criminalisés, traînés en justice, voire éliminés, quand ils luttent pour la terre. Le nombre de décès restés impunis atteint aujourd’hui un chiffre alarmant. Les gouvernements parlent de terrorisme ou le sabotage pour intimider les militants de cette lutte pour la terre et cela devient très préoccupant. Nous subissons quotidiennement des expulsions systématiques de nos propres terres. Cela affecte non seulement les paysans et paysannes qui luttent pour rester sur leurs terres, mais aussi les peuples autochtones. Aujourd’hui, la paysannerie et les ressources naturelles sont la cible de l’avarice d’intérêts spéculatifs étrangers. Nous voulons la terre pour vivre et pour produire, c’est notre droit fondamental, contre l’accaparement des terres par les multinationales qui ne cherchent que spéculation et profit. »

« Les gens doivent comprendre que si le processus actuel de concentration des terres se poursuit, les petits agriculteurs auront beau être aussi durs à la tâche, aussi efficaces et productifs que possible, ils seront tout simplement dans l’incapacité de continuer, » insiste Camila Montecinos de GRAIN. « La concentration des terres agricoles fertiles entre les mains d’une minorité toujours plus restreinte est directement liée à l’augmentation du nombre de personnes qui souffrent chaque jour de la faim. »

Le rapport de GRAIN procure également de nouvelles données démontrant que ce sont encore les petits agriculteurs qui fournissent l’essentiel de l’alimentation mondiale, et qu’ils sont souvent beaucoup plus productifs que les grandes exploitations agricoles. Si la production de toutes les exploitations kenyanes égalait la production des petites fermes du pays, la productivité agricole nationale doublerait. En Amérique centrale, elle triplerait presque. Les femmes sont les principaux producteurs alimentaires, mais leur rôle n’est pas comptabilisé et reste marginalisé. »

Les agences internationales ne cessent de nous rappeler que nous devons produire davantage de nourriture pour alimenter une population grandissante. Mais la production alimentaire pourrait être largement augmentée, et ce presque immédiatement, si les paysans et les paysannes avaient accès à davantage de terres et pouvaient travailler dans des conditions favorables plutôt que de subir les persécutions qu’ils subissent aujourd’hui.

« Les petites fermes forment la grande majorité des exploitations agricoles au Zimbabwe. Leur taille moyenne a augmenté suite au Programme de Réforme Agraire Accéléré et elles produisent maintenant plus de 90% des cultures vivrières agricoles, contre 60-70% avant la redistribution foncière. Davantage de femmes possèdent la terre en leur nom propre », indique Elizabeth Mpofu, coordinatrice générale de La Via Campesina.

Nous devons de toute urgence remettre la terre entre les mains des petits agriculteurs et faire du combat pour une réforme agraire véritable et complète le pivot de la lutte pour l’amélioration des systèmes alimentaires. C’est un objectif que les organisations paysannes et les mouvements de sans-terres poursuivent depuis bien longtemps.

Voir Dossier PDF Affamés de terre

Mots-clés : Edition du 2014-06-24

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