Aujourd’hui, ce 29 mai 2015, les délégations de 19 pays se rencontrent à Bangkok pour discuter des « migrations illégales dans l’océan indien ». De plus en plus de preuves surgissent à propos des horreurs auxquelles ces migrants-es Rohingyas musulmans-es, originaires de Birmanie et d’autres venant du Bangladesh font face alors qu’il leur faut fuir les persécutions et la pauvreté. Chacun des pays qui participent à la réunion porte une part de responsabilité dans cette crise.
Selon les estimations du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) de l’ONU, et l’Organisation internationale pour les migrations, au moins 7 bateaux avec 2,600 personnes à leurs bords sont à la dérive dans la baie du Bengale et la mer d’Andaman. Ces réfugiés-es sont déshydratées et sans nourriture selon les témoignages devant les responsables des secours en mer. Ces secours sont mal coordonnés et les responsables n’ont pas nécessairement le cœur à la bonne place.
3,500 autres Rohingyas et Bengladeshis ont réussi à mettre pied à terre en Malaisie et en Indonésie après que ces gouvernements aient mis fin au refoulement des bateaux vers la mer. Ils ont offert des refuges temporaires à ces migrants-es pouvant s’étendre sur un an pour certains-es. L’ONU estime qu’au moins 120,000 demandeurs-euses d’asile ont quitté la Birmanie et le Bengladesh depuis le début de l’année.
Depuis des années, les Rohingyas et les Bangladeshis sont obligés de s’en remettre à des trafiquants sans scrupules pour rejoindre le nord de la Malaisie. Ils utilisent une route bien établie par la mer vers le sud de la Thaïlande puis à travers la jungle pour arriver au nord de la Malaisie. L’étendue de ce trafic démontre clairement l’implication de fonctionnaires de ces pays dont certains-es de haut niveau.
Lorsque le gouvernement thaïlandais a fermé les camps de transit dans le sud du pays plus tôt ce mois-ci, les trafiquants ont abandonné en mer les bateaux chargés de réfugiés-es. La fermeture des camps avait été provoquée par la découverte de 33 morts qui avait soulevé l’ire populaire. Jonathan Head, journaliste de la BBC avait mis à jour des preuves de l’implication directe de représentants-es du gouvernement thaïlandais et de personnes du milieu des affaires dans ces camps. Son reportage du 22 mai comprenait une entrevue avec un responsable local qui avait fermé un camp. Le gouvernement l’avait enjoint de transférer les Bangladeshis vers un camp de détention. Il est de notoriété publique que ces « détenus-es » seraient revendus-es aux trafiquants-es. Un policier a parlé d’un grand camp dans la zone militaire sur la frontière entre la Thaïlande et la Malaisie. Il pourrait recevoir 1,000 réfugiés-es amenés-es par les trafiquants-es. Impossible de les abattre à coup de fusil tant que l’armée n’a pas donné son aval.
La semaine dernière, la police malaisienne a découvert un réseau de 28 camps près de la frontière thaïlandaise. Les réfugiés-es y étaient emprisonnés-es et maltraités-es pour extorquer de l’argent à leurs familles. La police rapporte qu’un de ces camps pouvait rassembler jusqu’à 300 personnes. Les autres étaient plus petits.
M. Khalid Abu Bakar, le chef de la police nationale de Malaisie a déclaré au Time : « Je ne suis pas surpris de la présence d’organisations de contrebande. Mais l’ampleur de la cruauté, de la torture et toutes ces morts m’ont choqué ». Il a confirmé lundi, qu’au moins 139 possibles charniers avaient été trouvés près des camps. On a aussi trouvé des cages en bois pour retenir ceux et celles qui tentaient de s’enfuir. Les équipes légistes ont commencé leur travail de recherche et de récupération des cadavres. Un seul a été trouvé dans bois. La décomposition était si avancée qu’ont a dû le déplacer en utilisant 5 sacs.
Le directeur de Human Rights Watch pour l’Asie, M. Brad Adams, a déclaré : « Les survivants-es ont dit avoir quitté les persécutions en Birmanie pour tomber dans les mains de trafiquants-es qui les extorquent et dans plusieurs cas ils et elles ont pu observer la mort, les souffrances et la faim ». Une Rohingyaise a témoigné devant le HCR qu’elle avait été détenue dans un camp du côté thaïlandais de la frontière, sévèrement abusée pour forcer sa parenté à payer une rançon. Elle a déclaré : « Les agents m’ont battue avec des bâtons de bambou m’ont brulé avec des cigarettes aux jambes et aux articulations parce que je ne pouvais pas leur fournir l’argent demandé ».
Brad Adams souligne l’implication des délégués du gouvernement dans ce trafic : « Les entrevues avec ces officiers gouvernementaux et d’autres personnes rendent évident que ces réseaux de brutalité, se font avec la complicité de ces officiers birmans, bangladeshis et thaïlandais qui profitent du désespoir et de la misère d’une partie de la population mondiale persécutée et négligée ».
Les autorités malaisiennes ont nié l’existence des camps et des charniers jusqu’à la fin du mois dernier. Elles ont été obligées d’arrêter 12 policiers pour leur implication alléguée dans ce trafic humain. Mais le gouvernement et ses ministres continuent de minimiser l’ampleur du trafic. Un ancien responsable de l’Agence de l’ONU sur le trafic humain, M. Matthew Friedman, a déclaré au journal le Gardian qu’il existe des rapports vieux de 10 ans sur l’existence des camps et qui ont été transmis aux autorités compétentes « mais sans suivi ».
Les Rohingyas sont une minorité musulmane persécutée en Birmanie. Leur statut officiel est celui : « d’immigrants bangladeshis illégaux ». Cette population n’a aucun droit civique même si elle est installée dans ce pays depuis des générations. Malgré le rapprochement du gouvernement américain avec celui de Birmanie depuis 2012, les Rohingyas ont subit une nouvelle vague de violence de la part des autorités qui a résulté en de multiples morts et a poussé des dizaines de milliers d’entre eux hors de leurs foyers.
Après avoir fuit la persécution en Birmanie, les Rohingyas se retrouvent devant les mêmes mauvais traitements au Bengladesh. On les détient dans des camps officiels ou non où les conditions sont déplorables pour le mieux. Le gouvernement vient tout juste d’annoncer qu’il compte en transférer 32,000 qui sont enregistrés-es dans le camp de Cox Bazar comme réfugiés-es. Le camp Cox Bazar est situé en zone touristique. Le transfert aurait lieu vers l’ile de Hatiya dans la baie du Bengale.
La rencontre spéciale d’aujourd’hui portant sur l’immigration illégale dans l’océan indien a été convoquée par la junte militaire thaïlandaise supposément pour : « travailler ensemble le plus largement possible sur l’augmentation sans précédent de l’immigration illégale dans la baie du Bengale ces dernières années ». Parmi ceux qui y participent ont compte tous les chefs du trafic humain de la Birmanie, la Malaisie et d’Indonésie. Loin de traiter de l’horrible situation à laquelle font face les réfugiés-es, sans aucun doute les représentants-es de ces pays vont-ils travailler à camoufler au mieux leur responsabilité. En même temps, ils vont installer de nouveaux obstacles à ceux et celles qui cherchent un asile les poussant ainsi dans des chemins encore plus désespérants.
La délégation birmane a déjà affirmé qu’elle n’avait aucune intention d’améliorer le sort des Rohingyas de quelque façon que ce soit. Mercredi, les moines nationalistes bouddhistes membres de l’organisation réactionnaire Habyelsaw Tadaban, ont organisé une manifestation à Rangoon. 300 personnes y ont participé en dénonçant les Rohingyas, les qualifiant « d’animaux » et exigeant que les représentants du gouvernement ne fassent aucune concession à la rencontre de Bangkok.