De quoi est-il question au juste ?
Dans un document législatif habilitant[1] et vague à souhait le ministre se donne trois ans pour d’abord « limiter » et ensuite « abolir » le recours aux agences privées dans le réseau de la santé, sauf bien entendu « pour certaines exceptions ». En grand spécialiste de la rhétorique politique, monsieur Dubé aurait même mentionné qu’il faut se « libérer des agences privées »[2]. De la part d’un membre d’un gouvernement qui affiche un préjugé largement favorable aux entreprises privées, cette initiative législative soulève chez nous un doute qui est loin d’être sceptique. Doute qui a été largement confirmé lors d’un entretien radiophonique entre Christian Dubé lui-même et Patrice Masbourian.
https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/tout-un-matin/episodes/688050/rattrapage-du-jeudi-16-fevrier-2023. Consulté le 19 février 2023 (7h22).
Durant cet échange, le ministre Dubé ne cessait de répéter à l’animateur de l’émission Tout un matin que pour atteindre son ambitieux objectif d’abolition des agences privées de placement de personnel la présente ronde de négociation entre le gouvernement du Québec et les syndicats était cruciale. En clair, le ministre est d’avis que c’est par l’introduction de mesures d’assouplissements et de flexibilité dans les conventions collectives qu’il sera possible de rapatrier le personnel qui a volontairement quitté le réseau public pour offrir leurs services aux agences de placement privées qui incidemment ont gagné en importance depuis que la CAQ est au pouvoir.
À ce sujet, nous avons lu ceci sur le fil de presse :
« Selon les données du ministère de la Santé et des Services sociaux, les coûts attribués à la main-d’œuvre indépendante en santé ont augmenté de 380 % au Québec entre 2016 et 2022. Le recours à la main-d’œuvre indépendante a, lui, augmenté de 208 % au cours de la même période. » Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1956552/projet-loi-dube-agences-reseau-public-sante. Consulté le 19 février 2023.
Est-il nécessaire de préciser que la Coalition Avenir Québec est au pouvoir depuis 2018 !
Pour conclure…
Le projet de loi 10 nous apparaît à ce moment-ci non pas comme un coup de barre, mais bien plutôt comme un coup d’épée dans l’eau pour épater la galerie. Ce gouvernement est manifestement à la recherche d’une organisation syndicale qui va accepter de négocier dans le respect de ses paramètres salariaux accompagné d’un certain nombre de bonifications pour les membres que cette organisation représente. Rappelons-nous que c’est de cette manière que le gouvernement Legault a procédé lors de la ronde de négociation qui s’est échelonnée de 2019 à 2022.
FLAP ou FLOP ?
Allons-y d’un autre petit rappel historique. En 2019, la ministre de la Santé et des Services sociaux de l’époque, madame Danielle McCann, promettait l’abolition du temps supplémentaire obligatoire (TSO) « au cours de son mandat ». Madame McCann a quitté son poste de ministre et le TSO est toujours en vigueur dans les centres hospitaliers. En 2023, c’est au tour du ministre Dubé de faire dans la grande promesse il ose même se présenter en grand leader du « Front de libération Antiagence de placement » (FLAP). Parions que son FLAP a de très grandes chances de se transformer en FLOP monumental.
https://www.msss.gouv.qc.ca/ministere/salle-de-presse/communique-1768/. Consulté le 19 février 2023.
Yvan Perrier
19 février 2023
11h
[1] Habilitant = c’est-à-dire qui autorise le ministre à agir éventuellement par voie de règlement.
[2] Plante, Caroline. 2023. « Dubé dépose un projet de loi pour limiter le recours aux agences privées en santé ». Le Soleil, 15 février 2023.
https://www.lesoleil.com/2023/02/15/dube-depose-un-projet-de-loi-pour-limiter-le-recours-aux-agences-privees-en-sante-7b9c3218b2754d1967e2379e90c6643e. Consulté le 19 février 2023.
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