Édition du 19 novembre 2024

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Forum social de Tunis

A Tunis, face à la crise, les peuples du monde clament leur droit à la dignité

Le forum social mondial 2013 s’est ouvert ce 26 mars à Tunis, avec l’assemblée des femmes. Une grande marche s’est ensuite étendue à travers les rues de la capitale, où s’est produit il y a deux ans le premier printemp arabe qui a ensuite essaimé de l’Egypte au Bahreïn. Pour les Tunisiens, le grand rendez-vous altermondialiste est l’occasion de rappeler à leurs gouvernants que leur soif de dignité, de liberté et de démocratie n’est pas encore satisfaite.

Tiré de Basta Mag.

Salle comble ce mardi matin pour l’assemblée des femmes, qui marque l’ouverture du Forum social mondial (FSM 2013). Portée par l’enthousiasme et la verve de deux chanteuses traditionnelles tunisiennes, l’assemblée a applaudi la prise de parole de Ahlem Belhadj, présidente de l’historique, et très active, association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). « Nous devons combattre les violences faites aux femmes, qui sont une véritable arme de guerre qui nous éloignent de l’espace public et politique », lance Ahlem Belhadj. Elle dénonce par ailleurs « la paupérisation des femmes », qui ne détiennent que 1 % des richesses mondiales.

Avertissant la salle de la détermination des Tunisiennes à défendre leurs droits, elle souligne l’importance de la solidarité internationale, rappelant que les femmes « ont besoin de lutter ensemble contre le front monétaire internationale et la banque mondiale ». Deux institutions qui, par l’austérité qu’elles imposent, « plongent de très nombreuses femmes dans une situation économique dramatique », selon Zohra, une femme originaire du sud de Tunis.


« la révolution n’a pas encore commencé »

Le rejet d’un système économique ultra-libéral inspire aussi les slogans qui rythment la grande marche de l’après-midi dans les rues de Tunis. Le deuxième temps fort de cette journée d’ouverture du FSM rassemble environ 15 000 manifestants. « À bas le capital, à bas la dictature ! », crie un groupe de jeunes diplômés chômeurs venus de la région de Gafsa (dans l’ouest du pays), où a germé la révolution tunisienne dès 2008. En Tunisie, le taux de chômage s’élève à 16,7 %. Pour les diplômés de l’enseignement supérieur, ce taux passe à 33,2 %.

Pour Aziza, bac + 4 et en recherche d’emploi depuis plus de 10 ans, les besoins sociaux de la population sont tels qu’elle estime que « la révolution n’a pas encore commencé ». Si elle est dans la rue, c’est pour se rappeler au bon souvenir des gouvernants. « Ce forum, c’est l’occasion pour nous de répéter que le travail est un droit, et la garantie d’une vie digne. Nos dirigeants semblent avoir oublié que nous avons mis Ben Ali dehors pour que ces droits soient enfin respectés. »

La leçon de démocratie des peuples arabes

Né en Amérique latine en 2001, le Forum social mondial se tient pour la première fois en terre arabe, après être passé par l’Afrique noire et l’Asie du sud est. « Le "Printemps Arabe" a apporté un vent frais dans la longue nuit de la crise. Il a permis de récupérer la confiance dans l’action collective, dans le "nous" », analyse Esther Vivas, membre du centre d’étude espagnol sur les mouvements sociaux à Barcelone. « Le monde arabe, tant de fois stigmatisé en Occident, nous offre une leçon de démocratie. Aujourd’hui, deux ans après, le Forum social se déroule dans l’épicentre de ces révoltes. »

Au côté des mouvements de défense des Sarahouis et des Palestiniens clamant leur droit à un État, quelques syndicalistes tunisiens, des membres d’Attac et de Solidaires, les sans-terre brésiliens et bien d’autres mouvements encore. Pour Eric Ahoumenou, béninois et membre des No-vox, la lutte contre la spéculation foncière et pour le droit à un logement digne font partie des convergences entre son pays et la Tunisie.

« Nous sommes descendues dans la rue pour apprendre de la solidarité internationale », confient de leur côté Aïda, 60 ans et Hajer, 50 ans. Ces deux Tunisiennes ont pris depuis quelques mois déjà l’habitude de sortir dans la rue crier leur enthousiasme ou leur mécontentement. « Je suis sortie pour la mort de Chokri Belaïd (militant de gauche assassiné le 6 février 2013, ndlr, dit Aïda. Et je le ferai à nouveau à chaque fois que nécessaire. On respire enfin la liberté d’expression, on est en train d’apprendre cette liberté. On ne va plus s’arrêter. »

Pour une Tunisie libre et unie

Les mères des martyrs de la révolution tunisienne et des jeunes gens disparus en mer lors de leur tentative d’émigration vers l’Italie sont omniprésentes dans le cortège. Elles brandissent des photos de leurs enfants, qui côtoient de très nombreux portraits de Chokri Belaïd. « Nous réclamons justice, disent-elles. Nous voulons que les assassins soient démasqués, et punis. » Les citoyens et citoyennes tunisiens, soutenus par la présence de milliers d’internationaux, ont répété qu’il ne veulent pas se voir confisquer la révolution. Et qu’ils continuent de croire et de rêver d’une Tunisie unie, « où les citoyens de toute croyance et religions peuvent vivre ensemble. Les risques de division guettent notre révolution. Nous ne voulons pas que cela nous empêchent de poursuivre », dit Safer, 18 ans.

Selon Alaa Talbi, membre du comité d’organisation du FSM, « sur les 4 000 organisations inscrites, 1 100 sont tunisiennes, réparties sur tout le territoire. Nous avons là une société civile au pluriel, sur le plan des thématiques et des couleurs. » Pour Esther Vivas, le défi, notamment pour l’Europe en crise, « consiste maintenant à apprendre de ces luttes qui, dans un passé pas si lointain, ont émergé contre la dette, les expulsions de logement, les privatisations… dans les pays du Sud ».

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