Tout de suite présentée comme une « guerre de religion » par les médias et la droite israélienne, elle est en fait la conséquence des longs efforts israéliens pour judaïser la ville et la vider de ses habitants palestiniens.
Nur Arafeh, qui est membre du parti Al-Shabaka, analyse les principaux changements qu’Israël a instaurés illégalement à Jérusalem et elle décrit le réel abandon de la population par l’Organisation de libération/Autorité palestinienne qui la laisse se débrouiller toute seule. Elle conclut par des recommandations politiques à l’OLP/AP, aux universitaires et analystes palestiniens et au mouvement de solidarité internationale.
Le mythe de la guerre de religion
Jérusalem s’est retrouvée sous le feu des projecteurs du fait des récents affrontements entre des colons israéliens et des Palestiniens à la mosquée Al-Aqsa. L’esplanade des mosquées, qu’on appelle aussi Al-Haram Al-Sharif ou le Noble Sanctuaire, contient Al-Aqsa elle-même, le troisième lieu saint de l’islam, et le Dôme du Rocher, où le Prophète Muhammad est monté au ciel selon la tradition. Les Juifs vénèrent ce site car ils croient que deux temples juifs s’y sont trouvés successivement autrefois.
Un certain nombre de Juifs ultra-orthodoxes ont régulièrement violé le statu quo instauré en 1967 en faisant des incursions sur l’esplanade d’Al-Aqsa et en appelant Israël à construire un troisième temple sur ce qu’ils appellent le Mont du Temple. [1] Une vidéo par un Palestinien, des membres du Mouvement du Mont du Temple ont fait d’autres incursions dans Al-Aqsa et, le 30 octobre 2014, Israël a interdit aux Musulmans de prier sur l’esplanade pour la première fois depuis 1967. Les tensions à Jérusalem ont atteint leur point culminant après l’attaque par deux Palestiniens d’une synagogue ultra-orthodoxe le 18 novembre 2014 qui a fait cinq morts : quatre Juifs et un officier de police druze. La nouvelle année a commencé par une mise en garde du Moufti de Jérusalem contre le projet d’une organisation israélienne de faire enregistrer la mosquée Al-Aqsa comme propriété israélienne.
Mais cela peut-t-il vraiment être considéré comme le début d’une guerre de religion ? Le conflit politique est-il vraiment devenu une guerre de croyances ? Selon The Guardian (http://www.theguardian.com/commentisfree/2014/nov/20/israel-palestine-conflict-religious-war) : « C’est ce à quoi ressemble une guerre de religion » Un commentateur palestinien d’Al-Hiwar en convient. Moshe Feiglin, membre suppléant de la Knesset, est allé encore plus loin en parlant d’une lutte mondiale « contre les forces du mal de l’Islam le plus extrémiste. » Pire encore, le Mouvement du Mont du temple retourne la situation en proclamant que l’un de ses objectifs est de « libérer le Mont du Temple de l’occupation arabe (islamique) », faisant des colonisateurs les colonisés.
Mais ceux qui qualifient ces événements de guerre religieuse, non seulement ignorent la réalité du déséquilibre de pouvoir entre le colonisateur et le colonisé, mais aussi négligent l’histoire et le contexte dans lequel les événements récents se sont déroulés.
Depuis le temps qu’Israël a la Mosquée Al-Aqsa en ligne de mire…
La loi religieuse juive interdit aux juifs de prier sur l’esplanade d’Al-Aqsa ; la seule obligation des Juifs est de révérer le site, ils ne doivent ni le visiter ou en rien posséder, de peur de profaner le sanctuaire intérieur du temple présumé, et ils doivent prier à Al-Buraq (rebaptisé le Mur occidental). Néanmoins, des extrémistes s’en prennent depuis longtemps à la mosquée Al-Aqsa parce qu’ils veulent reconstruire le Temple. En 1982, Meir Kahane, le chef du parti d’extrême droite Kach, est venu marcher sur l’esplanade, avec dans les mains les plans du temple qu’il voulait construire sur les ruines d’Al-Aqsa. En 1990, 21 Palestiniens ont été tués (http://www.pij.org/details.php?id=646) et 150 ont été blessés dans des affrontements avec des membres du Mouvement du Mont du Temple qui tentaient de pénétrer dans Al-Aqsa et de poser la pierre de fondation du Temple. En 1996, des fouilles israéliennes et le percement de tunnels près de Al-Aqsa ont déclenché des émeutes qui ont entraîné la mort de 70 Palestiniens et de 15 soldats israéliens.
Le gouvernement israélien a également soutenu les efforts visant à assurer le contrôle juif sur l’esplanade. Près de la moitié des membres du Likoud soutiennent le Mouvement du Mont du Temple, qui a récemment obtenu une subvention du gouvernement. Entre 2008 et 2011, l’Institut du Temple a reçu une subvention annuelle de 107 000 dollars du ministère de l’Éducation et du ministère de la Culture, de la science et des sports. En 2012, une unité pédagogique de l’Institut du Temple a reçu une somme supplémentaire de 50 000 dollars du ministère de l’Éducation.
Les actions de groupes spécifiques pour prendre le contrôle d’Al-Aqsa ne doivent pas être considérées comme des incidents isolés, mais plutôt comme faisant partie d’un projet sioniste de judaïsation de Jérusalem beaucoup plus large dont le but est de garantir la suprématie juive sur la ville.
La création d’une nouvelle réalité à Jérusalem
Depuis le début de l’occupation en 1967, Israël s’est consacré à transformer une ville multi-religieuse et multiculturelle en une ville juive « réunifiée » sous la souveraineté et le contrôle exclusifs d’Israël. Il a accéléré la judaïsation de la ville par des politiques qui impactent aussi bien sur l’espace géographique que physique et qui sont conçues pour répondre à la « menace démographique » posée par les Palestiniens.
Dès 1967, Israël a annexé illégalement 70 km2 du territoire de Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est (6.5km2), de telle sorte qu’il a augmenté au maximum la superficie des terres expropriées, tout en réduisant le plus possible le nombre de Palestiniens. Il a également rasé les quartiers arabes de Bab Al-Magharbeh et de Harat Al-Sharaf pour construire le quartier juif, la place du Mur Al-Buraq (le Mur des Lamentations, ndt), des maisons pour les colons, et des synagogues juives. Israël a également remodelé le paysage physique de Jérusalem en construisant, autour de la ville, un anneau de colonies reliées à des routes qui assurent la continuité géographique entre ces colonies et d’autres colonies israéliennes en Cisjordanie. [2]
Le morcellement physique et politique de Jérusalem s’est accompagné de son isolement économique bien avant qu’Israël n’entreprenne la construction du Mur de l’Apartheid en 2002, qui a redessiné les frontières de la ligne d’armistice d’avant 1967. Le mur coupe délibérément dans la ville pour repousser de l’autre côté du mur les zones peuplées de Palestiniens et ainsi maintenir une majorité juive en Israël.
Pour répondre à la « menace démographique » posée par les Palestiniens, Israël a donné aux Palestiniens vivants à Jérusalem le statut de « résidents permanents » - un état-civil habituellement réservé aux citoyens étrangers et qui ne garantit pas le droit de résidence. Cela permet de résilier leurs cartes d’identité. Entre 1967 et 2013, Israël a retiré leurs cartes d’identité à plus de 14 309 habitants palestiniens. Selon l’amendement temporaire à la loi de 2003 sur la citoyenneté et l’entrée en Israël (amendée en 2005 et 2007), les Palestiniens de Cisjordanie mariés à des résidents de Jérusalem n’ont pas droit au statut de résident et on ne leur accorde qu’exceptionnellement des permis temporaires. En revanche, les Juifs qui viennent vivre à Jérusalem obtiennent immédiatement la citoyenneté, ce qui reflète la nature d’apartheid du régime israélien.
Tout en renforçant la présence juive à Jérusalem, Israël a cherché à contenir l’expansion urbaine et démographique des Palestiniens via des politiques d’urbanisme discriminatoires qui facilitent le nettoyage ethnique. Plus d’un tiers des terres des quartiers palestiniens ont été classées « zones de paysage ouvert » où la construction est interdite, réduisant le territoire palestinien constructible à seulement 14% de la terre de Jérusalem-Est et provoquant une crise aiguë du logement. En outre, depuis 1967, Israël a détruit 1673 unités de logement, ce qui a affecté près de 8000 personnes entre 1967 et 2013. Toutes ces politiques ont pour but d’atteindre le ratio de 30% « d’Arabes » et 70% de Juifs dans la municipalité de Jérusalem.
Les politiques discriminatoires israéliennes se manifestent également par les écarts dans la prestation de services entre les quartiers juifs et palestiniens. Moins de 10% du budget municipal est alloué aux districts palestiniens, bien que les Palestiniens paient le même montant d’impôt local ou arnona que les citoyens juifs.
La judaïsation a été accompagnée par une « de-palestinisation » visant à éradiquer l’identité palestinienne de Jérusalem. Par exemple, la rue Sultan Suleiman Al-Qanuni (un sultan de l’Empire ottoman) a été rebaptisée « rue du roi Solomon » et le quartier Wadi Hilweh de Silwan a été rebaptisé « la cité de David. » En outre, les rues sans nom des zones palestiniennes ont récemment reçu des noms arabes sans connotation politique ou nationale. Ce processus de changement de nom est lié à la réécriture de l’histoire en ligne avec le diktat sioniste. L’archéologie et les fouilles sont exploitées pour créer une histoire juive fictive de la ville, tandis que l’héritage des autres époques est ignoré.
Le contrôle israélien sur le récit historique se prolonge dans le système éducatif. Depuis mars 2011, Israël tente de forcer les écoles palestiniennes qui reçoivent des financements des autorités israéliennes à utiliser des manuels préparés par l’Administration de l’éducation de Jérusalem (à ce jour, cinq l’ont fait). Ces livres donnent aux étudiants palestiniens une version unilatérale de l’histoire et censurent tous les sujets liés à l’identité palestinienne et à l’héritage palestinien.
Les institutions palestiniennes de Jérusalem ont également été utilisées pour saper l’activisme palestinien dans la ville. Depuis 2001, Israël a fermé au moins 31 institutions palestiniennes, y compris la Maison d’Orient, l’ancien siège de l’OLP et la Chambre du Commerce et de l’Industrie. Ce climat de répression a conduit de nombreuses institutions à déménager de Jérusalem et a causé un énorme vide institutionnel, accompagné d’une absence de leadership.
D’autres mesures sont prise pour dé-Palestiniser Jérusalem dont le dernier plan quinquennal de « développement » socio-économique des zones palestiniennes approuvé en juin 2014 par le cabinet israélien. Ce plan souligne les écarts dans les infrastructures, l’éducation, la protection sociale, et l’emploi entre les quartiers juifs et palestiniens pour, soi-disant, encourager l’intégration des Palestiniens en Israël et renforcer la sécurité en luttant contre la « violence » et les « jets de pierres ».
En d’autres termes, le développement est un outil pour renforcer le contrôle israélien sur Jérusalem et saper la ferme résistance palestinienne à l’occupation israélienne. Ce plan ne peut donc absolument pas être considéré comme une initiative visant à répondre à la détérioration des conditions socio-économiques des Palestiniens à Jérusalem : la grande pauvreté (75% des résidents palestiniens vivent en dessous de la définition israélienne du seul de pauvreté) ; l’effondrement des secteurs du commerce et du tourisme ; le manque d’investissements ; la réduction des services de santé et des services éducatifs ; le fort taux de chômage (16,7% en 2014) ; et le coût élevé de la vie.
Dans ce contexte, les altercations des palestiniens avec les Juifs israéliens doivent être considérées comme des actes de résistance et le désespoir et replacées dans le cadre plus large de la lutte historique des Palestiniens contre l’occupation, l’apartheid, le nettoyage ethnique, le vol des terres, la dépossession, les déplacements forcés de population palestinienne et la marginalisation économique. La récente intensification des incursions à Al-Aqsa et les appels à la construction d’un troisième Temple ont tout simplement ravivé les flammes des souffrances qui couvaient sous la cendre. Mettre l’accent sur la dimension religieuse de l’agitation récente tout en ignorant ses causes profondes ne fera qu’amplifier les affrontements et les éruptions de violence. La religion est exploitée pour servir les objectifs politiques et nationaux israéliens et renforcer sa politique d’apartheid colonial.
Le vide de leadership laisse les Palestiniens impuissants
Les troubles récents à Jérusalem, où les Palestiniens ont eu recours à de nouvelles formes de résistance comme les véhicules et les pétards, doivent être considérés dans le contexte plus large d’une ville qui manque de leadership politique. L’Autorité palestinienne (AP) ne s’investit plus véritablement à Jérusalem depuis la signature de la Déclaration de principes d’Oslo, en 1993, qui a engendré l’Autorité palestinienne elle-même. C’était déjà devenu évident lorsque l’Organisation de libération de Palestine (OLP) a accepté de reporter la question de Jérusalem aux négociations sur le statut final du territoire palestinien occupé (TPO). Pendant que l’OLP / AP s’accroche désespérément à la farce du processus de paix, Israël approfondit son occupation et son contrôle sur Jérusalem.
La rhétorique de soutien à Jérusalem de l’AP est contredite par le fait que cette dernière alloue un budget négligeable à la ville. Le budget total alloué au Ministère des affaires de Jérusalem et au Gouvernorat de Jérusalem était d’environ 15 millions de dollars en 2014, soit 0,4% du total du budget de l’AP pour cette année. Comparez cette allocation budgétaire scandaleusement insignifiante à la capitale supposée de l’Etat palestinien avec les 27% du budget alloués au secteur de la sécurité pour la même année. En outre, l’essentiel du budget est versé aux secteurs de Jérusalem qui sont sous administration palestinienne et à l’extérieur du mur. Des endroits tels que Shu’fat et Beit Hanina qui se situent dans les limites municipales israéliennes de Jérusalem reçoivent rarement des fonds. [3]
Ce maigre budget est la principale raison qui a poussé Hatem Abdel Qader à démissionner 40 jours après sa nomination comme premier ministre aux Affaires de Jérusalem en 2009. Il a noté que le gouvernement palestinien « ne parvient pas à respecter ses engagements envers la ville qui vit une période difficile ». Un autre intellectuel palestinien, qui a servi comme représentant de l’AP à Jérusalem, a également fait valoir que « le comportement de l’Autorité palestinienne n’a jamais été en ligne avec ses objectifs déclarés. Il a continuellement échoué à mettre en œuvre les nombreuses études et plans établis pour la ville ». [4]
Alors qu’Israël est en train de transformer sa vision de Jérusalem en réalité grâce à ses nombreuses projets et plans directeurs (2020, 2030 et 2050), la direction palestinienne n’a pas de stratégie cohérente concernant l’avenir de la ville. On l’a vu clairement avec l’omission d’un plan de développement de Jérusalem dans le Plan national de développement 2014-2016. Même si le document renvoie au Plan stratégique de développement multi-sectoriel de Jérusalem-Est (SMDP) 2011-2013 délivré par l’Unité de Jérusalem du bureau du président, le SMDP a été publié en 2010 et aurait besoin d’être actualisé. En outre, l’Unité de Jérusalem elle-même, qui recevait précédemment la plupart des fonds pour Jérusalem, a été fermée en 2010. [5]
Plus important encore, la vision du développement qui sous-tend le SMDP dissocie le développement des réalités politiques et coloniales ; il réduit la lutte palestinienne à une lutte pour la « survie » et non pour la liberté, et accepte l’occupation israélienne comme un état de fait au lieu de chercher à y mettre fin. Voilà ce qui est écrit dans l’introduction de l’SMDP : « Comment l’OLP peut-il aider les habitants de Jérusalem à survivre et prospérer dans le contexte existant afin d’avoir une base solide pour la capitale du futur Etat palestinien » (C’est moi qui souligne).
Du fait de l’absence de véritable intérêt officiel pour la ville, l’émergence de Ramallah comme la capitale de facto et l’absence de leadership politique palestinien à Jérusalem, les Palestiniens se sentent abandonnés et éprouvent du ressentiment contre l’OLP / AP. Le président de l’AP, Mahmoud Abbas, continue de servir des paroles creuses aux Palestiniens de Jérusalem et il refuse de mettre fin à la collaboration sécuritaire avec Israël et de soutenir les moyens non violents de résistance tels que le boycott de tous les produits israéliens.
Pendant ce temps, Israël a répondu avec une grande violence à la résistance et aux protestations palestiniennes privées de chef, en confisquant des terres, en démolissant des maisons, et en exerçant des punitions collectives, comme des raids sur les maisons, l’aspersion des quartiers avec de l’eau souillée et des arrestations massives. Entre juin et septembre, par exemple, environ 700 Palestiniens, dont une majorité d’enfants, ont été arrêtés à Jérusalem, selon l’association des droits de l’homme Al-Dameer. [6] Les colons israéliens qui commettent des crimes brutaux contre les Palestiniens ne sont pas punis de la sorte. Au contraire, le gouvernement israélien a assoupli les restrictions sur les armes à feu et augmenté le financement destiné à la protection des colons de Jérusalem, une preuve supplémentaire de la discrimination institutionnalisée que subissent les Palestiniens.
La protection de Jérusalem et de ses Palestiniens
La crise actuelle à Jérusalem est le résultat de l’asservissement colonial, de la discrimination institutionnalisée, de la dépossession et des actions israéliennes sur le terrain pour maintenir la suprématie juive sur la ville. Il faut donc résister localement et internationalement aux projets d’Israël, d’abord et avant tout, en les lui faisant payer plus cher. Le système d’apartheid en Afrique du Sud a seulement commencé à se déliter quand le coût du maintien de la suprématie blanche est devenu trop lourd à supporter.
La première chose dont les Palestiniens ont besoin, c’est d’un bon leadership capable de propulser de toute urgence la question du statut de Jérusalem en tête de l’agenda gouvernemental et au cœur de la lutte nationale. Il est essentiel que les Palestiniens projettent une vision claire de Jérusalem pour contrer la vision israélienne dominante. L’information et la communication sont des outils essentiels pour lutter contre la ré-écriture israélienne de l’histoire et la répression de la narration palestinienne.
En particulier, la direction palestinienne devrait s’opposer aux tentatives israéliennes de dissimuler ses politiques coloniales sous des termes religieux et elle devrait rappeler au monde entier que les questions essentielles sont celles de l’occupation, de la dépossession, et du vol des terres. Il est impératif de contrecarrer la puissance du discours israélien en mettant en lumière son ignominieux bilan d’oppression à Jérusalem et dans le reste des territoires occupés. L’OLP / AP devrait également capitaliser davantage sur les statuts chèrement acquis dans les organisations internationales telles que l’UNESCO, et prendre des mesures juridiques pour protéger Al-Aqsa et la vieille ville de Jérusalem.
Deuxièmement, les universitaires et les analystes politiques peuvent jouer un rôle crucial dans la mise en avant de Jérusalem. À ce jour, les intellectuels palestiniens ont favorisé l’analyse du développement socio-économique de la Cisjordanie et, dans une certaine mesure, de la bande de Gaza, au détriment de Jérusalem. Les Palestiniens doivent mettre l’accent sur Jérusalem dans leur discours et aller au-delà du simple diagnostic des problèmes et de la recherche de solutions. Le concept de développement sous l’occupation doit être révisé et transformé en une forme de résistance économique, politique et sociale intégrée à la lutte historique plus large des Palestiniens pour l’autodétermination, la liberté et la justice.
Enfin, le boycott local des biens et services israéliens est un moyen essentiel de résister à l’occupation israélienne. Non seulement c’est un devoir moral pour tous les Palestiniens, mais le boycott des produits israéliens augmente aussi le coût du système d’apartheid israélien et améliore la capacité productive de l’économie palestinienne. En parallèle, il faut réfléchir aux moyens de développer une économie palestinienne capable de résister à l’intégration dans l’économie israélienne et à la dépendance envers elle, une économie qui puisse poser les fondations d’une base politique solide qui permette l’émergence d’une société émancipée et auto-déterminée.
Au niveau international, la campagne de Boycott Désinvestissement et Sanctions (BDS), menée par les Palestiniens, qui met la pression sur Israël dans le monde entier, doit être poursuivie et intensifiée. Les pays arabes doivent agir de manière significative pour isoler Israël à cause de ses projets pour Jérusalem et ses multiples violations des droits humains.
Sans la détermination des Palestiniens et la volonté arabe et internationale de faire respecter les droits des Palestiniens à Jérusalem, les petits feux allumés actuellement dans la ville pourraient se transformer en une déflagration qui mettrait durablement en danger l’héritage arabe et palestinien dans la ville et la présence des Palestiniens de Jérusalem dans la ville de leurs ancêtres.
Notes
[1] À la suite de l’occupation et de l’annexion illégales par Israël de Jérusalem-Est en 1967, le contrôle de la mosquée et du Noble Sanctuaire ont été transférés à un Waqf (trust) islamique jordanien. En 1994, l’accord Wadi Araba entre la Jordanie et Israël a donné tous les lieux saints musulmans à Jérusalem. en tutelle à la Jordanie.
[2] Deux plans ont été élaborés spécifiquement à cette fin : Le projet du Grand Jérusalem vise à créer un "grand Jérusalem" s’étendant sur une superficie de 600 km2 ; et le plan E1 appelle à l’expansion de la colonie de Ma’ale Adumim pour la relier à Jérusalem. Les deux plans couperaient l’une de l’autre les parties nord et sud de la Cisjordanie, et isoleraient davantage la partie orientale de Jérusalem du reste du territoire palestinien occupé.
[3] Interview de l’auteur.
[4] Sauf indication contraire, toutes les citations proviennent d’interviews menés par l’auteur en novembre et décembre 2014.
[5] Interview de l’auteur.
[6] Interview de l’auteur.