Édition du 19 novembre 2024

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Politique québécoise

« Une rémunération élevée attire les gens compétents » Vraiment ?

"Une rémunération élevée attire les gens de haute compétence" répète-t-on sur toutes les tribunes. Ces temps-ci on l’entend surtout de François Legault. Selon lui, il suffirait d’augmenter la rémunération des médecins, des enseignantes (une première) pour régler bien des problèmes.

J’ai la curieuse impression que ce n’est pas le salaire qui incite Médecins du monde et Médecins sans frontières à risquer leur vie pour aller soigner les gens en Haïti, en Afrique, en Asie... Pourtant j’ai la certitude qu’ils sont compétents. Combien d’infirmières font un travail admirable, se dévouent corps et âme et reçoivent un salaire dérisoire ? Et combien étaient payés ceux qui ont travaillé pour établir la vérité sur les gaz de schiste ? pour faire l’excellent film : Cherchez le courant ? ...Et les agriculteurs biologiques qui travaillent de longues heures pour une agriculture respectueuse de la terre ?

Par ailleurs, nous connaissons tous un certain Henri-Paul Rousseau au salaire très élevé qui n’a pas vu venir le désastre de la Caisse de dépôt et placement du Québec alors que les signes se multipliaient depuis 2007 notamment avec les difficultés de Lehman Brothers. Monique F. Leroux PDG du Mouvement Desjardins depuis mars 2008, avec une rémunération de près 2M$, et son prédécesseur Alban D’Amours qui ne devait pas gagner beaucoup moins, n’ont pas su empêcher le Mouvement de perdre 2 milliards d’investissement dans les produits toxiques. Bien sûr leurs rémunérations sont des "pinottes" comparées aux 10-15-20 millions des PDG des banques américaines qui ont plongé le monde dans la catastrophe financière.

Cette prétendue équation entre rémunération et compétence, répétée ad nauseam illustre éloquemment le gouffre entre la droite et la gauche, leur différence de vision. Les premiers voient tout uniquement à travers le prisme de l’argent. Compte tenu que pour eux c’est la valeur suprême, ils ne peuvent s’imaginer que d’autres personnes soient motivées principalement par le désir d’être utile, d’améliorer le sort des autres, de faire leur part pour un monde plus juste et plus écologique.

Alors que dans le premier camp, les mercenaires de l’écriture sont grassement payés pour préparer des législations et les accords de libre-échange favorables à l’oligarchie, ou pour diffuser l’idéologie néolibérale des think tank de droite, ceux qui ont le cœur à gauche travaillent souvent bénévolement après leurs heures de travail, pendant les fins de semaine, pour faire connaître à la population les dangers que les « tout-au-profit » font courir à l’environnement, aux systèmes de santé et d’éducation, bref à la démocratie.

Combien de bénévoles pour préparer le forum de Davos, ce forum où la classe dominante se réunit afin de continuer à bien contrôler pouvoir et richesses ? Aucun sûrement. Combien de bénévoles pour préparer le Forum social mondial, ce forum qui propose plein d’alternatives pour un monde de justice et de paix ? Ils sont légions.

De multiples preuves démentent la fausseté du lien entre rémunération et compétence. [1] Pourtant ce discours n`en continue pas moins d’avoir cours. Pourquoi ?

Dans le monde scientifique, quand les faits invalident une théorie, celle-ci est écartée. Dans monde des affaires, cela fonctionne autrement. C’est que leur théorie ne sert qu’à justifier la culture de la cupidité qui s’est emparée de la classe économique et même politique. En voici un aperçu :

« La crise est bel et bien finie. Du moins, c’est ce que la rémunération des dirigeants de 50 des plus importantes sociétés québécoises laisse croire. Après une pause en 2009, la rémunération moyenne des pdg québécois a crû de 21,6 % en 2010, selon une compilation réalisée par Les Affaires. Au total, ils se sont partagé 161,8 M$. » [2]

Le 25 mai 2011, le journal Les affaires dresse une liste des 14 PDG québécois parmi les mieux payés au pays. En tête :

7*. Gordon Nixon Banque Royale 12M$

12*. Jeffrey Orr Financière Power 10,9M$

« Au premier rang canadien [des TOP 100 Sociétés canadiennes] se retrouve Aaron Regent de la société Barrick Gold Corp., qui a touché une rémunération totale de 24,2M$ en 2009 .
 [3]

Avez-vous l’impression que ces gens et leurs semblables aux revenus honteusement disproportionnés en regard du salaire médian de la population, ont intérêt à changer ce discours mensonger ?

A force de l’entendre certains finissent par y croire. Heureusement, bien des gens ne sont pas dupes et sont conscients qu’une rémunération élevée risque d’attirer plutôt des gens cupides.

Un changement de mentalité va-t-il se faire assez rapidement pour rectifier la trajectoire risquant d’amener l’humanité vers toujours plus de pauvreté ?

*= rang canadien


[1« Le Wall Street Journal publie aujourd’hui une compilation des 25 dirigeants les mieux payés de la décennie, qui démontre encore une fois que les plans de rémunération favorisent les dirigeants au détriment des actionnaires » « la liste du WSJ montre avec éloquence que la générosité des programmes de rémunération est loin d’être une garantie de rendement pour les actionnaires. »http://www.lesaffaires.com/blogues/bernard-mooney/remuneration--encore-plus-ridicule-a-long-terme/516810

Françoise Breault

Après une carrière en enseignement, dont un an avec les Échanges France-Québec, j’ai poursuivi en travail social auprès des familles. Vers l’âge de cinq ans, je me demandais pourquoi il y avait des pauvres et ce que je pouvais faire. Sans en prendre pleinement conscience, cette interrogation m’a habité toute ma vie. Une année en Amérique du Sud ne m’avait toujours pas apporté de réponse. Cela m’a pris du temps à voir clair... Maintenant que la lumière est allumée, je ne peux et ne veux la refermer... Tous les faits, toutes mes lectures me confirment comment le système économique actuel contribue à ce fossé grandissant entre riches et pauvres. Me voici maintenant à ma 3e carrière, celle où je peux mettre tout mon temps et énergie à sensibiliser les gens aux graves enjeux d’aujourd’hui, afin de vivre dans un monde plus juste... « mais nous, nous serons morts mon frère... ».

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