Édition du 17 décembre 2024

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Immigration

Migrations

Une perspective réaliste, la liberté d’installation et de circulation

Hebdo L’Anticapitaliste - 298 (16/07/2015)
Samedi 18 Juillet 2015

Les quelques-uns qui exercent la gouvernance du monde et qui, uniquement soucieux de préserver les intérêts de leur classe, fabriquent conjointement avec « médias-service » les idées reçues, tiennent tout particulièrement à celle-là : « la libre circulation ou la libre implantation des personnes, c’est une utopie », avec des déclinaisons du type « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde »...

Ils trahissent là pourtant une caractéristique propre aux classes décadentes qui est, dans le désir de tirer le meilleur profit immédiat de leur position de domination, de ne se préoccuper que du court terme et de nier toute alternative. Car sans cela, ils ne pourraient ignorer qu’au-delà du cynisme et de l’inhumanité dont ils font preuve une fois de plus, ils nourrissent un rêve rien de moins qu’insensé en prétendant endiguer éternellement les forces accumulées par la misère de milliards d’êtres humains sur notre planète. Et même dans l’immédiat, comment pourraient-ils imaginer les maîtriser sans dégâts majeurs ?

Pas d’autre issue que la survie

Car la puissance des hommes et des femmes, qui ne présentent pas d’autre exigence que de pouvoir vivre ailleurs que dans les frontières où le hasard les à fait naître, est à terme sans limite. Ils la tiennent de la conscience aiguë que c’est là une question de survie, alors que les guerres se multiplient, que la pression de l’exploitation néocoloniale se fait toujours plus sentir, que la catastrophe climatique s’approfondit.

Cette situation qui ne leur offre pas d’autre issue que de prendre une route souvent mortelle est bien entendu explosive. Quant à l’issue de cette explosion, tout est possible. L’enjeu est historique, les voies du futur indéterminées. Entre brusque révolte d’esclaves qui aurait tout lieu de ne pas faire dans la dentelle et pourrait bien ouvrir une longue période barbare, et soulèvement des damnés de la terre à même d’engager un authentique processus révolutionnaire, l’histoire n’a pas tranché. De même, un jour, l’inéluctable fin de l’ordre capitaliste ne doit pas nous rendre aveugles : le système a déjà fait la preuve de ses capacités de résilience.

Un nouvel ordre contre les frontières

Il reste que l’objectif affiché de « maîtrise des flux migratoires », indépendamment de l’exécrable vision du monde qu’il reflète et des considérations morales qui autoriseraient à le mettre en cause, tient de moins en moins la route. La seule alternative est donc d’imposer la reconnaissance des principes de libre circulation et libre implantation. Nous disons bien imposer puisque nous ne doutons pas que seul l’enclenchement d’un processus révolutionnaire, sous une forme ou sous une autre, permettrait d’y parvenir : en effet, il ne s’agit de rien de moins que l’instauration d’un nouvel ordre mondial.

Car il faut bien avoir en tête que seul l’ultralibéral le plus échevelé ou le libertaire le plus déjanté pourraient imaginer que libertés de circulation et d’implantation ne s’organiseront pas. Le jour où la liberté de circulation sera instaurée, un code de la route sera nécessaire comme sur n’importe quelle voie de circulation. Quand la liberté d’implantation sera reconnue, la répartition des terrains disponibles se fera à l’instar de ce qui se passe par exemple avec des plans d’occupation des sols. Et il n’appartiendra pas à des États, moins encore aux marionnettistes, grands maîtres de l’économie mondialisée qui en contrôlent aujourd’hui les chefs, d’y pourvoir. Ce nouvel ordre ne pourra être mis en place que sous couvert d’organisations supra-étatiques réellement démocratiques qui seraient autre chose que le hochet de 5 grandes puissances disposant à leur gré d’un droit de veto.

Nos mobilisations au quotidien

Nous n’y sommes pas encore mais, en nous situant dans cette perspective, nous sommes tout de même plus respectueux des droits fondamentaux mais également au bout du compte plus réalistes que ceux qui s’arc-boutent contre un mur déjà fissuré de partout et condamné tôt ou tard à s’effondrer dans le bruit et la fureur... pour le pire ou pour le meilleur.

Et il n’est pas de jour où nous ne pouvons contribuer, par nos mobilisations, à avancer dans la bonne direction en luttant contre des gouvernements illégitimes (et au fond déboussolés), contre les exploiteurs de tout acabit, en ne mégotant pas sur notre soutien à leurs victimes et en nous engageant avec détermination aux côtés de celles et ceux qui – réfugiéEs, migrantEs, avec ou sans papiers – ne revendiquent en franchissant nos frontières rien de moins que le droit de vraiment vivre. Élémentaire, non ?

François Brun

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