Montréal, le 19 janvier 2021 – « De la cohérence gouvernementale, serait-ce trop demander ? » c’est la question que se posait Gaëlle Fedida, coordonnatrice aux dossiers politiques pour l’Alliance MH2 en apprenant l’abolition du poste de procureur spécial aux dossiers de violence conjugale par le Directeur des poursuites criminelles et pénales de Trois-Rivières. Craignant que cette décision ait un impact important sur les femmes hébergées chez ses membres dans la région de la Mauricie, le Pavillon des Demois’Ailes et la Maison de Connivence, l’Alliance MH2 dénonce cette décision.
Une décision contradictoire avec la planification gouvernementale en matière de violence conjugale
Il est effectivement surprenant et décourageant de voir une telle décision qui nous place dans un véritable scénario d’un pas en avant, deux pas en arrière. Plus encore, nous nous demandons en quoi une direction locale d’un organisme public peut prendre une décision unilatérale en contradiction non seulement des analyses d’experts et d’expertes, mais de la planification de programmes gouvernementaux sur le long terme.
Nous tenons ainsi à rappeler que la mise en place de procureur-es dédiés aux dossiers en violence conjugale fait partie du plan d’action 2018-2023 en matière de violence conjugale du gouvernement du Québec. Plus précisément la mesure 33 consiste à la mise en place de mécanismes de coordination visant l’uniformisation des pratiques du DPCP en matière de violence conjugale. On peut y lire « Le DPCP procédera ainsi à la nomination d’une personne qui favorisera un partage systématique d’information et d’expertise. Cette coordination permettra d’assurer une concertation entre les procureures et procureurs spécialisés en matière de violence conjugale et d’uniformiser les pratiques sur tout le territoire eu égard aux réalités culturelles et régionales en cause, notamment par l’entremise d’une communauté de savoir. ».En plus du plan d’action 18-23, on retrouve plusieurs recommandations dans le rapport du comité d’experts sur l’accompagnement de victimes d’agressions sexuelles et de violences conjugales publié le 15 décembre 2020 et applaudi de toutes parts. On retrouve effectivement de nombreuses recommandations au Chapitre 6 (recommandations 36-37-38-39-40) qui parlent de non seulement garder en poste les procureur-es spécialisés en violence conjugale et agression sexuelle, mais d’élargir et d’approfondir le programme.
Des besoins omniprésents
Lors d’une campagne de sensibilisation réalisée cet automne par l’Alliance, 88% des 400 répondantes à un questionnaire d’autodépistage ont affirmé vivre une forme grave de violence conjugale postséparation (VCPS). Forme la plus méconnue de violence conjugale car souvent perçue comme un conflit parental ou de séparation, la VCPS est la forme la plus dangereuse pour la victime et ses enfants. En effet, la séparation est une période où les stratégies de domination et de contrôle de l’ex-partenaire violent se transforment, se multiplient et perdurent. En décembre 2020, le Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale du bureau du Coroner publiait son premier rapport. On y apprenait notamment que des 10 événements analysés, 8 se sont déroulés dans un contexte de séparation. Il est évident qu’en regardant de telles statistiques, l’Alliance ne peut voir que d’un mauvais œil le retrait de services juridiques adaptés spécifiquement à la question de violence conjugale.
À propos de l’Alliance :
Les maisons d’hébergement de 2e étape (MH2) ont une expertise spécialisée en violence postséparation, au regard de la dévictimisation, de l’analyse de la dangerosité du conjoint, des impacts sur les enfants exposés à la violence conjugale, de la réinsertion sociale des victimes et de l’autonomisation des femmes hébergées. En 2019, les 24 membres de l’Alliance ont hébergé 512 personnes (223 femmes et 289 enfants) en danger de violence conjugale postséparation dans un parc total de 119 logements et 21 chambres. On évalue que 8% des femmes victimes de violence conjugale sont toujours en grave danger à la sortie d’un hébergement d’urgence et ont besoin de passer en maison d’hébergement de deuxième étape. Malheureusement, le taux de refus des demandes admissibles est de 75% à Montréal, et 37% dans les régions où le service existe ! Nous osons espérer que le MSSS débloquera rapidement les 69 nouvelles places en maison de 2^e étape en attente d’approbation depuis 1 an et demi.
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